CENTENAIRE DES 24 HEURES – DES MACHINES ET DES HOMMES ⎮ Dans l’histoire des 24 Heures du Mans, Yannick Dalmas s’est imposé comme une des très grandes figures des années 1990, notamment par une performance encore inégalée à la veille du Centenaire : il est le seul pilote à avoir remporté ses quatre victoires au volant de quatre voitures différentes.
Yannick Dalmas se fait tout d’abord connaître en monoplace. Après avoir brillamment gravi les échelons de la filière française des formules de promotion, en étant titré en Formule Renault en 1984 puis en Formule 3 (avec une victoire de prestige lors de la course disputée dans le cadre du Grand Prix de Monaco) en 1986, il accède à la Formule 1, avec un total de 23 Grands Prix disputés entre 1987 et 1994.
Mais c’est en endurance que la carrière de Yannick Dalmas prend son véritable envol. Alors patron des activités de Peugeot en compétition, Jean Todt lui propose de piloter le prototype 905 pour les 24 Heures du Mans et le Championnat du monde des voitures de sport 1991. Après un abandon dans la Sarthe cette année-là, où il est associé à son compatriote Pierre-Henri Raphanel et à l’ancien champion du monde F1 Keke Rosberg, le pilote français ne quittera plus le podium des 24 Heures jusqu’en 1996, avec trois victoires (1992-1994-1995), une deuxième place (1993) et une troisième place (1996).
Quatre victoires, quatre voitures, quatre marques
Pour sa première victoire, Yannick Dalmas partage la Peugeot 905 avec deux pilotes britanniques, Mark Blundell et Derek Warwick. Après une première heure menée par Mazda, le trio prend rapidement le commandement. C’est alors une longue course-poursuite avec Toyota, mais la pluie arbitre ce duel en faveur de Peugeot, dont les pneus Michelin sont plus efficaces sur le mouillé que les Goodyear du constructeur japonais.
En 1994, Yannick Dalmas est au volant de la Dauer-Porsche 962 LM, version homologuée pour usage routier du prototype 962 C victorieux dans la Sarthe en 1986 et 87. Cette année encore, l’adversaire principal pour la victoire est Toyota, mais le Français et ses deux coéquipiers Mauro Baldi et Hurley Haywood s’installe en tête à deux heures de l’arrivée, à la faveur d’un souci technique sur la Toyota leader.
L’année suivante, il remporte ses troisièmes 24 Heures du Mans au volant d’une version compétition d’une GT à haute performance. Dévoilée en 1992 et première voiture de route du constructeur aux vingt titres en Formule 1, la McLaren F1 remporte cette 63e édition à la surprise générale, à l’issue d’une course une nouvelle fois rythmée par la pluie. Sur la plus haute marche du podium, Yannick Dalmas est associé au finlandais JJ Lehto et au japonais Masanori Sekiya. La particularité de la McLaren F1 est de présenter trois places frontales, avec poste de pilotage décalé vers l’avant au centre. Selon Yannick Dalmas, un meilleur champ de vision en piste compense l’inconvénient d’une installation au volant un peu plus longue.
En 1999, pour sa quatrième victoire, le pilote du Beausset (Var) est au volant du prototype V12 LMR de BMW. Cette 67e édition présente un plateau d’exception, avec également Toyota, Mercedes, Audi ou encore Nissan. Plus outsiders que véritables favoris, Yannick Dalmas et ses coéquipiers établissent leur propre stratégie de course : « dès le départ, Joachim Winkelhock, Pierluigi Martini et moi-même avions imposé à la direction de notre team de rester dans le peloton de tête en ménageant la voiture, raconte Yannick Dalmas. Ca nous a permis de rester en embuscade et cela a payé, car certains de nos concurrents étaient partis sur un rythme de Grand Prix de Formule 1. » Le trio récupère ainsi la tête de la course le dimanche matin à la faveur des ennuis de Toyota et de l’abandon de la BMW de leurs compagnons d’écurie Tom Kristensen/JJ Lehto/Jörg Müller, victime d’une sortie de route.
Pionnier et conseiller pour la renaissance de l’endurance
Au fil de ses douze participations, Yannick Dalmas a également piloté aux 24 Heures la Porsche 911 GT1, ainsi que des prototypes Reynard, Chrysler et Audi. Et côtoyé des personnalités majeures de la saga mancelle : Gérard Larrousse, qui a été son patron d’écurie en Formule 1, Reinhold Joest, patron d’écurie le plus victorieux aux 24 Heures, ou encore Hugues de Chaunac, patron d’Oreca, actuel constructeur de référence de la catégorie LMP2, pour qui il a remporté ses deux titres en monoplace puis été pilote au Mans en 2000 et 2001.
En à peine une décennie, Yannick Dalmas est devenu l’égal d’Henri Pescarolo, lui aussi quadruple vainqueur (1972-73-74-84), en tant que pilote français le plus victorieux dans la Sarthe. Son parcours manceau de Yannick Dalmas est en outre jalonné de nombreuses premières. Peugeot lui doit la première de ses trois victoires aux 24 Heures, McLaren et BMW leur unique succès sarthois. En 1995, ses coéquipiers JJ Lehto et Masanori Sekiya sont les premiers citoyens de leur pays vainqueur des 24 Heures.
Depuis 2012, Yannick Dalmas est aussi un acteur clé de la renaissance du Championnat du monde d’Endurance, en tant que pilote conseiller FIA : « mon rôle a considérablement évolué, afin d'être totalement en phase avec le Directeur de course, les médecins de la FIA et les commissaires sportifs. J'apportais également mon expertise en concertation avec les pilotes en cas de litige sur la piste. Nous discutons encore davantage avec les pilotes, et aussi les team-managers, sur ce qui peut encore être amélioré : la sécurité, les décisions de course, la sortie de la voiture de sécurité, les Slow Zones (zones de neutralisation partielle du circuit des 24 Heures du Mans, ndlr), les neutralisations Full Course Yellow, etc. Ainsi, les bagarres dans le peloton sont toujours "viriles", mais respectueuses. Tout cela est aussi le fruit du travail conjugué de l'équipe du Championnat du monde, de la FIA et de l'ACO. »
Gageons que 2023 sera aussi une année singulière pour Yannick Dalmas, avec la perspective du Centenaire et le renouveau consécutif à l’entrée en piste des Hypercars, qui ont succédé en 2021 aux prototypes LMP1.
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : l'équipe Peugeot en 1992, Yannick Dalmas est à droite en blouson, assis sur l'aile avant gauche de sa 905 n°1 ; les voitures de ses quatre victoires mancelles avec la Peugeot 905 de 1992 (n°1), la Dauer-Porsche 962 LM de 1994 (n°36), la McLaren F1 GTR de 1995 (n°59) et la BMW V12 LMR de 1999 (n°15) ; Yannick Dalmas (à gauche) en compagnie de Pierre Fillon (Président de l'ACO) et Jean-Marc Finot (Directeur de Stellantis Motorsport) entourent la 905 de 1992 lors de l'exposition Peugeot Allure Le Mans en 2022.