CENTENAIRE DES 24 HEURES – DES MACHINES ET DES HOMMES ⎮ D’André Rossignol à Tom Kristensen, retour sur le record de victoires aux 24 Heures du Mans, partagé entre six pilotes multiples vainqueurs pour un cumul de 27 succès de 1925 à 2013.
Pour de nombreux pilotes, remporter les 24 Heures du Mans constitue souvent l’apogée d’une carrière. Devenir multiple vainqueur, c’est entrer dans une autre dimension. Et détenir le record de victoires assure une place privilégiée dans la mémoire collective et la légende du sport automobile, toutes disciplines confondues.
1926-1932 : les premiers multiples vainqueurs
Deux ans après la naissance des 24 Heures du Mans, deux pilotes se distinguent par de multiples victoires entre 1925 et 1930.
Le premier multiple vainqueur des 24 Heures du Mans est le Français André Rossignol. Associé à Gérard de Courcelles en 1925 puis à Robert Bloch en 1926, il offre également à Lorraine Dietrich ses deux victoires sarthoises.
Les quatre éditions suivantes sont marquées par la domination du constructeur britannique Bentley et de ses « Bentley Boys », pilotes aventuriers à forte personnalité, forgée pour l’essentiel d’entre eux dans l’enfer de la Première Guerre mondiale. Parmi eux figure le premier triple vainqueur. Woolf Barnato est en quelque sorte le premier « monsieur 100 % » de l’histoire des 24 Heures : en 1928, 1929 et 1930, ses trois participations s’achèvent sur autant de victoires !
1949-1962 : de Luigi Chinetti à Olivier Gendebien
Après l’interruption liée à la Seconde Guerre mondiale de 1940 à 1948, l’édition 1949 voit la victoire de Luigi Chinetti. Après deux premiers succès en 1932 et 1934, il devient pour la circonstance le deuxième triple vainqueur de l’histoire des 24 Heures… et aussi le seul de l’histoire à avoir remporté la course avant et après le conflit.
Woolf Barnato et Luigi Chinetti restent codétenteurs du record de victoires jusqu’en 1962. Au début des années soixante, Ferrari règne sans partage sur la Sarthe : après trois victoires en 1949, 1954 et 1958, la marque au cheval cabré aligne six succès de rang de 1960 à 1965. Parmi les pilotes Ferrari vainqueurs pendant cette période, un équipage occupe une place à part. Le Belge Olivier Gendebien et l’Américain Phil Hill sont le premier duo à s’imposer à trois reprises en 1958, 1961 et 1962. Le succès supplémentaire de Gendebien en 1960 aux côtés de son compatriote Paul Frère fait de lui le nouveau recordman des victoires aux 24 Heures.
1962-2005 : le règne belge
Pendant près de vingt ans, le record de quatre victoires de Gendebien semble inaccessible. De 1963 à 1976, deux pilotes s’en approchent en tant que triple vainqueurs : Henri Pescarolo et Jacky Ickx. Victorieux en 1969, 1975 et 1976, ce dernier égale Gendebien en 1977 grâce à un exploit personnel.
Après l’abandon de sa propre Porsche 936 en tout début de course, il rejoint celle de Jürgen Barth et Hurley Haywood. Lorsqu’il en prend le volant, des soucis mécaniques l’ont reléguée au-delà de la quarantième place. Jacky Ickx se lance alors dans une exceptionnelle remontée qui le voit battre à trois reprises le record du tour dans la nuit. Le dimanche matin, la Porsche 936 n°4, revenue en deuxième position, prend le commandement après l’abandon de la Renault-Alpine de tête.
Aux 24 Heures 1981, un cinquième succès fait de Jacky Ickx le nouveau détenteur du record de victoires, qu’il porte à six l’année suivante. Grâce à Olivier Gendebien puis à Jacky Ickx, la Belgique aura conservé ce record 43 années durant, de 1962 à 2005.
1997-2013 : Tom Kristensen au sommet
Le 15 juin 1997, Tom Kristensen entre dans le club privilégié des pilotes vainqueurs des 24 Heures dès leur première participation. Le Danois va devenir le pilote d’endurance de référence du début des années 2000. De 2000 à 2005, il signe une extraordinaire série de six victoires consécutives supplémentaires qui lui permettent de battre le record de Jacky Ickx.
A cette époque, le taux de réussite de Tom Kristensen aux 24 Heures fait donc état de sept victoires en neuf participations. A titre de comparaison, Olivier Gendebien avait gagné quatre fois en huit participations alors qu’en 1982, Jacky Ickx avait établi son record de six victoires en treize départs depuis 1966.
Tom Kristensen signe deux victoires supplémentaires en 2008 et 2013. Lors de ses dernières 24 Heures en 2014, quelque mois avant sa retraite sportive, il pointe en tête le dimanche matin, en quête d’une possible dixième victoire, avant de terminer deuxième.
Pour voir Olivier Gendebien battre le record de trois victoires de Woolf Barnato, il avait fallu 32 ans, de 1930 à 1962 – ou plutôt 22 éditions des 24 Heures, si l’on tient compte du fait que la course n’avait pas eu lieu en 1936 puis de 1940 à 1948. Le Belge a conservé ce record pendant 19 ans, jusqu’à la cinquième victoire de Jacky Ickx. Ce dernier a détenu le record de victoires 24 années durant, jusqu’à la septième de Tom Kristensen, recordman depuis 18 ans lorsqu’aura lieu l’édition du centenaire en 2023. Combien de temps le restera-t-il ? Parions déjà sur au moins une quinzaine d’années, car il faudra à son successeur – les records étant faits pour être battus tôt ou tard – atteindre un cap qui le fera entrer par la grande porte dans la légende sarthoise : celui des dix victoires.
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : André Rossignol (au volant en 1926), le premier multiple vainqueur ; une gerbe de fleurs pour Woolf Barnato (assis à droite à bord de sa Bentley) pour sa troisième victoire d'affilée en 1930 ; en 1961, la Ferrari d'Olivier Gendebien en route vers le troisième des quatre succès du pilote belge ; en 1981, Jacky Ickx a conquis sa cinquième victoire en partant de la pole position ; en 2002, Tom Kristensen signe sa quatrième victoire, la troisième consécutive en compagnie de Frank Biela et Emanuele Pirro.