Avant de marquer l'histoire des 24 Heures du Mans, c'est tout d'abord dans celle du cinéma que la famille Volpi a inscrit son nom. Le comte Giuseppe Volpi di Misurata (1877-1947) est le fondateur du festival du cinéma de Venise (de son patronyme italien originel "Mostra Internazionale d'Arte Cinematografica di Venezia"), qu'il a créé en 1932. Encore aujourd'hui, les prix du meilleur acteur et de la meilleure actrice portent le nom de Coupe Volpi, tandis que le Lion d'Or décerné au meilleur film fait référence au Lion (ailé) de Saint Marc, emblème de Venise, que l'on retrouve sur le logo de la Scuderia Serenissima.

Trois décennies plus tard, son fils Giovanni, né en 1938 et passionné d'automobile depuis l'enfance, crée en 1960 la Scuderia Serenissima, en référence à la République Sérénissime de Venise. Les premiers coups d'éclat de l'équipe en endurance ont pour cadre le circuit de Sebring. Après une victoire de catégorie dès 1960 remportée avec la Ferrari 250 GT personnelle de Giovanni Volpi, la Scuderia Serenissima s'impose au général deux ans plus tard avec une autre Ferrari, une 250 TR pilotée par Jo Bonnier et Lucien Bianchi.

En 1961, la Scuderia Serenissima engage trois voitures pour la 29e édition des 24 Heures : une Ferrari 250 GT, une Maserati Tipo 63 et une Abarth 700 S. Parmi les pilotes figurent pas moins de trois anciens ou futurs vainqueurs des 24 Heures : Maurice Trintignant (qui pilota également en Formule 1 pour la Scuderia Serenissima), Ludovico Scarfiotti et Nino Vaccarella. Aucune des trois italiennes n'atteint l'arrivée, mais le Comte Volpi reviendra en 1962 avec l'une des Ferrari les plus originales vues au Mans.

S'étant vu refuser par Enzo Ferrari en personne l'achat de deux 250 GTO, Giovanni Volpi fait l'acquisition d'une 250 GT pilotée au Tour Auto par le Belge Olivier Gendebien, quatre fois victorieux au Mans, et la fait profondément modifier par l'ingénieur Giotto Bizzarrini : moteur avant reculé pour aboutir à un capot plongeant, et surtout la partie arrière rallongée, qui lui vaut de la part des spécialistes anglais le surnom de "Breadvan" (traduction littérale française : "fourgonnette de boulanger").

En 1962, la Scuderia Serenissima engage trois Ferrari dans la Sarthe (avec parmi ses pilotes un nouveau futur vainqueur des 24 Heures, l'Américain Dan Gurney), une nouvelle fois contraintes à l'abandon. Piloté par Carlo Maria Abate et Colin Davis, le "Breadvan" effectue un superbe début de course dans le top 10, devançant même les Ferrari GTO d'usine ! Cette prestation prometteuse s'achève au bout de trois heures sur une rupture d'arbre de transmission. Mais aujourd'hui, le "Breadvan" occupe une place de choix dans la mythologie de Ferrari, en tant que l'une des voitures au Cheval Cabré les plus insolites et les plus fascinantes jamais vues.

Après l'aventure mancelle du "Breadvan", qu'il évoque encore aujourd'hui comme l'une de ses plus grandes satisfactions, Giovanni Volpi deviendra constructeur à part entière, toujours sous le nom de Serenissima. Une aventure qui fera l'objet de la seconde partie de cette saga.

Photo (D.R. / Archives ACO) - A propos de cette Ferrari 250 GT très spéciale des 24 Heures du Mans 1962, passée à la postérité sous le sobriquet de Breadvan, son initiateur, le Compte Giovanni Volpi di Misurata, a dit qu'elle était "une voiture fantastique (...), elle tenait remarquablement la route (...). Au début de la course, elle a littéralement ridiculisé les GTO d'usine en roulant septième avec les prototypes".