CENTENAIRE DES 24 HEURES – LE MANS, L’EXCEPTION ⎮ Le saviez-vous ? L'année 2023 marquera à la fois le centenaire des 24 Heures du Mans et du « Hollywood Sign », le panneau géant formant le nom Hollywood installé sur la colline surplombant le quartier de Los Angeles dédié au cinéma. Ce double anniversaire offre l'occasion idéale pour se pencher sur les destins croisés de deux icônes américaines du grand écran vues au Mans : Steve McQueen et Paul Newman.
L’année 1968 marque un véritable tournant dans leur parcours cinématographique et automobile respectif. Cette année-là, Paul Newman incarne devant la caméra de James Goldstone le pilote Frank Capua dans Virages, dont l’intrigue a pour cadre l’édition 1968 des 500 miles d’Indianapolis. Parallèlement, Steve McQueen crée Solar, sa propre société de production, et signe d’emblée un coup de maître avec Bullitt. Mis en scène par le Britannique Peter Yates, ce polar urbain est passé à la postérité grâce à une séquence de poursuite dans les rues de San Francisco entre une Ford Mustang pilotée par McQueen lui-même et une Dodge Charger aux mains de Bill Hickman, le meilleur cascadeur automobile américain de l’époque. Cette séquence marque les esprits au point que par la suite, la poursuite deviendra pendant les décennies suivantes un élément récurrent pour tout film policier tourné à San Francisco.
Steve McQueen, Le Mans… de la réalité à la fiction
Mais Steve McQueen comme Paul Newman voient loin. En avril 1969, le comédien révélé par la série télévisée Au nom de la loi rencontre lors d’une visite au Mans Gonzague Mordret, Directeur Général de l’ACO à cette époque, puis effectue des repérages pendant la 37e édition des 24 Heures du Mans.
Steve McQueen compte non seulement produire et interpréter un film sur les 24 Heures du Mans, mais aussi participer à la course au volant d’une Porsche 917, avec comme coéquipier rien moins que Jackie Stewart, le champion du monde de Formule 1 en titre. Mais ses assureurs s’y opposent. Le comédien dispute tout de même en mars 1970 les 12 Heures de Sebring. Après avoir frôlé la victoire en compagnie de Peter Revson, il termine deuxième au volant d’une Porsche 908 qui servira de voiture caméra pendant les 24 Heures trois mois plus tard.
Le film, simplement titré Le Mans, connaît une production difficile. Entre scènes filmées pendant la course et séquences reconstituées sur les lieux même de l’action de juin à novembre 1970, le metteur en scène John Sturges, qui avait dirigé Steve McQueen dans Les sept mercenaires et La grande évasion, s’inquiète d’un manque de scénario et finit par quitter le tournage, remplacé par Lee H. Katzin. Steve McQueen ne regarde pourtant pas à la dépense : Solar mobilise une quarantaine de pilotes, fait construire un village dédié à la production, engage le compositeur français Michel Legrand pour la musique. Echec commercial qui a quasi ruiné l’acteur au moment de sa sortie au printemps 1971, le film devient culte au fil des décennies, notamment par le réalisme des séquences de course, dont les reconstitutions sont filmées à vitesse réelle.
Lorsque Steve McQueen décède le 7 novembre 1980 à seulement cinquante ans, la télévision française bouscule ses programmes et diffuse Le Mans pour lui rendre hommage.
Paul Newman, de Virages à la Sarthe
Pendant la décennie 1970, Steve McQueen et Paul Newman se croisent sur un même plateau de cinéma pour la seule fois de leur carrière pour le film catastrophe La tour infernale (1974), l’un des plus gros succès commerciaux de cette période.
A cette même époque, Paul Newman poursuit en sport automobile une carrière de pilote commencée sur le tard après le tournage de Virages. Entre Trans Am (championnat américain de voitures de sport grand tourisme) et endurance, il termine cinquième des 24 Heures de Daytona 1977, puis crée une écurie de course en Challenge CanAm, disputé entre Canada et Etats-Unis. Figure notamment parmi ses pilotes Keke Rosberg, futur champion du monde de Formule 1.
Dix ans après la première visite sarthoise de Steve McQueen pour les repérages de Le Mans, Paul Newman débarque dans la Sarthe en tant que pilote, au volant d’une Porsche 935. Il est associé à Dick Barbour, qui engage la voiture, et Rolf Stommelen, éminent spécialiste du constructeur de Stuttgart et poleman de l’édition 1969 sur Porsche 917.
La 935 n°70 intègre le top 10 dès la deuxième heure de course, poursuit une progression régulière malgré la pluie qui s’invite sur ces 24 Heures 1979, et atteint le top 5 à la dixième heure. Malgré l’infernale pression qui l’entoure, qu’il s’agisse de celle du public ou des médias, Paul Newman fait une course exemplaire et à la quinzième heure, le comédien et ses coéquipiers s’installent en deuxième position derrière l’autre 935 des leaders Klaus Ludwig/Bill & Don Whittington. Lorsque cette dernière est victime d’un souci d’injection peu avant l’arrivée, on pense même à une victoire de la n°70, mais celle-ci est à son tour retardée par un joint de culasse défaillant et termine la course au ralenti. Pour son unique participation, Paul Newman termine deuxième du classement général et vainqueur de sa catégorie, que la Porsche n°70 a dominée quasi de bout en bout.
Par la suite, il s’associe avec Carl Haas (sans lien de parenté avec Gene Haas, propriétaire de l’écurie F1 éponyme), importateur des châssis Lola aux Etats-Unis, pour la création de l’équipe Newman-Haas en monoplace américaine CART et Champ Car. Celle-ci jouera un rôle fondamental dans la carrière du Manceau Sébastien Bourdais, titré quatre saisons consécutives de 2004 à 2007, rejoignant ainsi au palmarès de l’équipe Mario Andretti et son fils Michael, ou encore l’ancien champion du monde de Formule 1 Nigel Mansell. Signe d’une profonde amitié, Paul Newman effectue en mai 2006 l’un de ses tout derniers voyages en Europe pour le mariage de Sébastien Bourdais au Mans. Né le 28 février 1979, ce dernier avait trois mois et demi lorsque le comédien est monté sur la deuxième marche du podium des 24 Heures.
Parallèlement, il poursuit sa brillante carrière au cinéma, qui l’amène jusqu’à l’Oscar du Meilleur Acteur en 1987 pour son rôle dans le film La couleur de l’argent de Martin Scorsese. Il a pour partenaire Tom Cruise, autre grand passionné de sports mécaniques et de vitesse. En 1995, l’année de ses 70 ans, il termine sur la troisième marche du podium des 24 Heures de Daytona, où on le retrouve à nouveau au départ dix ans plus tard (à 80 ans, donc !), en compagnie de Sébastien Bourdais et du Brésilien Bruno Junqueira, ses deux pilotes en Champ Car à cette époque.
Quelques semaines avant son décès le 26 septembre 2008, Paul Newman s’était offert un dernier plaisir automobile, en réunissant famille, proches et amis sur le circuit de Lime Rock, situé à une centaine de kilomètres de son domicile de Westport, dans l’Etat du Connecticut.
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : la Porsche de Paul Newman, Dick Barbour et Rolf Stommelen a terminé à huit tours des vainqueurs ; équipée de trois caméras lors des 24 Heures 1970 pour les besoins du film Le Mans, la Porsche 908 engagée par la société de production de Steve McQueen était pilotée par Herbert Linge et Jonathan Williams ; Steve McQueen en 1970 sur le circuit des 24 Heures pour le tournage de Le Mans ; Paul Newman lors de la remise des prix de l'édition 1979, où il a inscrit son nom au palmarès pour l'éternité.