Quand les 24 Heures du Mans surmontent les turbulences du monde
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Quand les 24 Heures du Mans surmontent les turbulences du monde

CENTENAIRE DES 24 HEURES – LE MANS, L’EXCEPTION ⎮ Au fil d’un siècle d’histoire, les 24 Heures du Mans ont affronté bien des tempêtes : agitation politique et sociale, Deuxième Guerre mondiale, pandémie... Retour sur des vents contraires que le double tour d’horloge sarthois a malgré tout réussi à dominer.

En 1923, les 24 Heures du Mans naissent au cœur des « années folles », qui succèdent au cataclysme de la Première Guerre mondiale (1914-1918) et à la pandémie de grippe espagnole de 1918-1919. Mais les aléas de l’Histoire ont suspendu celle des 24 Heures neuf années durant, en 1936 tout d’abord, puis de 1940 à 1948. Ainsi, le Centenaire des 10 et 11 juin prochains constituera la 91e édition du double tour d’horloge sarthois.

1936, l’unique annulation

Pour la France ouvrière, la conquête des congés payés réjouit les millions de travailleurs qui voient la concrétisation de l’une de leur plus importantes – et justes – revendications. Mais pour l’ACO, 1936 restera l’unique année « sans » – sans 24 Heures s’entend. En effet, dès le début des troubles du Front Populaire au printemps « 36 », l’ACO fait preuve d’anticipation en annonçant un premier report de l’épreuve, en raison de l’incapacité d’assurer sa mission par la société assurant la distribution d’essence sur le circuit. Par la suite, les instances du sport automobile d’outre-Manche refusent de céder la nouvelle date potentielle du 20 juin, jugée idéale par l’ACO. Ce jour-là doit se dérouler en Irlande du Nord une compétition automobile à laquelle les 24 Heures allaient (peut-être…) enlever quelques participants britanniques.

Le week-end des 18 et 19 juillet est alors envisagé, mais l’ACO avait promis son concours à l’organisation technique du tout premier Grand Prix de Deauville. Les tractations n’aboutissent pas, faute d’une date de repli satisfaisante pour Deauville. Respectant la parole donnée, l’ACO prend, la mort dans l’âme, la décision de ne pas organiser les 24 Heures, alors que 62 équipages étaient annoncés pour ce qui aurait dû être la quatorzième édition.

1940-1945, entre solidarité et espoir

La Deuxième Guerre mondiale et l’occupation allemande interrompent les 24 Heures du Mans, mais l’ACO reste actif pendant cette période : secours aux mobilisés nécessiteux en 1939/1940, aide aux réfugiés en 1940/1941, recherches des familles isolées en 1942/1943 avec les envois de messages en Afrique du nord, initiant une étroite collaboration avec la Croix Rouge. En 1942/1943 est également mise sur pied une exposition itinérante 24 Heures du Mans, redonnant l’espoir d’une reprise de la course une fois le conflit terminé. En 1943, priorité est donnée au concours apporté aux familles, pour l’envoi de colis aux ouvriers réquisitionnés par le STO (Service du Travail Obligatoire, qui envoyait des ouvriers comme main d’œuvre dans les usines d’Allemagne).

En 1944, le circuit devient une cible involontaire. Ayant pour objectif la gare de triage du Mans et soucieux d’échapper à la « Flak » (défense antiaérienne) allemande, les bombardiers alliés larguent leurs bombes de 350 Kilos à 7 000 mètres d’altitude sans se soucier des vents d’ouest dominants qui font dériver leurs « colis » de plus de deux kilomètres. Et constellent de cratères un axe partant du virage de Maison Blanche jusqu’au Tertre Rouge. Ne restaient déjà plus des installations que les squelettes métalliques des rares tribunes non réquisitionnées pour l’effort de guerre. Désormais ce ne sont que ruines fumantes au milieu desquelles demeurent imperturbablement debout les panneaux du circuit en basaltine émaillée, offerts par Michelin en 1936, seule année sans édition des 24 Heures : départ/arrivée, circuit permanent de la Sarthe, 13,492 km…

Lorsque s’achève le conflit, le bilan de l’action de l’ACO pendant ces années de guerre est exemplaire : 11 294 colis expédiés dans les camps allemands aux adhérents prisonniers, assistance aux prisonniers étrangers en détention dans la Sarthe, aux 40 000 hommes des camps de Mulsanne et d’Auvours… 769 000 colis sont adressés aux prisonniers de l’Ouest et 38 000 aux déportés en Allemagne. Sans oublier la recherche de 53 000 prisonniers disparus, en collaboration avec la Croix Rouge.

1946-1949, une renaissance en pointillé

Pendant cette période sont annoncés deux reports successifs pour les possibles éditions 1947 et 48, à la fois pour des raisons financières et logistiques, l’essence étant rationnée à raison de 40 litres pour les véhicules non prioritaires, alors que 20 000 à 25 000 litres sont nécessaires dans le cadre des 24 Heures.

L’année 1947 est également marquée par la disparition de Gustave Singher, Président de l’ACO depuis 1910. Le 20 juin de cette même année, l’un de ses plus proches collaborateurs Paul Jamin lui succède.

Grâce aux prêts de la ville du Mans et à un emprunt cautionné par le Conseil Général de la Sarthe, les travaux de remise en état du circuit débutent finalement le 15 décembre 1948. Le délai est en soi un véritable défi, à six mois à peine de cette reprise tant attendue, les 25 et 26 juin 1949, avec la victoire d’une jeune marque italienne d’à peine deux ans d’existence : Ferrari.

1956, après la catastrophe

Au terme d’un effort colossal, l’ACO se relève du drame des 24 Heures 1955, où près de 80 personnes avaient trouvé la mort à la suite de l’accident fatal à Pierre Levegh.

Le chantier de rénovation du circuit est gigantesque, retardant d’un mois l’édition 1956, qui se déroule les 28 et 29 juillet et s’achève sur une victoire de Jaguar. Ce travail titanesque a pour but de faire du circuit permanent de la Sarthe, le plus moderne et le plus sûr au monde. Parmi les innovations des nouvelles installations, le transfert à Mulsanne de la signalisation aux concurrents et le ravitaillement centralisé pour le carburant. Président du Conseil Général de la Sarthe, Max Boyer a mis tout son poids pour la reconstruction du circuit et reçoit les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur. Juge d’instruction du Mans, M. Ralincourt signe une ordonnance de non-lieu à la suite de la catastrophe de 1955.

1968, du joli mois de mai à la pluie de septembre

Les 24 Heures se retrouvent dans l’inconfortable position de 1936, où les forces de l’ordre nécessaires à l’organisation sont mobilisées pour contenir la grogne sociale. Mai 68 a finalement raison des 24 Heures, reportées des 15 et 16 juin aux 28 et 29 septembre pour une édition pluvieuse.

Ferrari est absent, en désaccord avec les nouvelles règles de la CSI depuis la limitation à 3 litres de la cylindrée des prototypes entrée en vigueur cette année-là. Ford l’emporte, Alfa Romeo signe une superbe performance d’ensemble (4e, 5e et 6e), Matra affiche de belles promesses et Alpine démontre une fiabilité exemplaire avec cinq voitures à l’arrivée. Le Critérium du jeune conducteur vibre au rythme des 6 heures entre 19 h 00 et 1 h 00 du matin, pour une ronde des mini-Ferrari et mini-Ford GT 40 : la bataille qui n’a pas eu lieu sur la piste se joue à l’échelle 3/5e.

2020-2021, les 24 Heures au-delà de la covid

Même la pandémie de covid-19 qui s’est abattue sur le monde en 2020 n’a pas entravé la marche des 24 Heures, qui s’adapteront aux directives sanitaires gouvernementales.

Prévue à l’origine les 19 et 20 juin, la 88e édition se déroule finalement à huis clos les 19 et 20 septembre 2020. En 2021, c’est une jauge limitée à un total de 50 000 spectateurs qui assiste à la course, disputée les 21 et 22 août. Toyota s’impose à l’issue de ces deux éditions, avec Sébastien Buemi/Brendon Hartley/Kazuki Nakajima en 2020 et Mike Conway/Kamui Kobayashi/Jose Maria Lopez en 2021. 

Alors que le monde se relève lentement mais sûrement de la pandémie, commence en 2021 une nouvelle ère pour les 24 Heures du Mans, avec l'entrée en piste de la nouvelle catégorie reine Hypercar, qui succède aux prototypes LMP1 et dont Toyota, Alpine et Glickenhaus sont les pionniers. Les cinq Hypercars engagées terminent aux cinq première places, emmenées par un doublé Toyota. Ces deux éditions reportées voient en outre l’avènement d’un nouveau système de qualifications, dit Hyperpole, qui réunit après les séances traditionnelles les six voitures les plus rapides de chaque catégorie.

Mais la pandémie a élargi l’audience des 24 Heures au monde du sport automobile virtuel et du sim racing. Organisées pour la première fois en 2020 aux dates originelles des 19 et 20 juin, les 24 Heures du Mans Virtuelles connaissent un tel succès que l’événement devient pérenne, avec en 2023 une troisième édition les 14 et 15 janvier.

En 2022, les tribunes, les zones spectateurs, le Village et le paddock du circuit des 24 Heures du Mans retrouvent leur animation habituelle, prélude idéal à la grande célébration du centenaire à venir.

PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : l'arrivée des 24 Heures 2021, première édition de l'ère Hypercar, avec dans l'ordre les Toyota n°7 et 8 aux deux premières places ; dernière édition disputée avant la Seconde Guerre mondiale, les 24 Heures 1939 avaient vu la victoire de la Bugatti n°1, avec au volant Jean-Pierre Wimiile et Pierre Veyron ; en 1949, la première victoire de Ferrari scelle une longue histoire entre les 24 Heures et la marque au cheval cabré ; le départ de l'édition 1956 permet de constater la mesure des travaux effectué au niveau de la ligne droite des stands ; le 28 septembre 1968, départ sous la pluie pour la 36e édition, avec au premier plan la Ford GT40 des futurs vainqueurs Lucien Bianchi/Pedro Rodriguez (n°9) ; les vainqueurs des quatre catégories en 2020, avec Toyota (LMP1 et classement général), United Autosports (LMP2) et Aston Martin (LMGTE Pro et Am).

 

 

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