CENTENAIRE DES 24 HEURES – UNE HISTOIRE D’INNOVATIONS ⎮ Aujourd’hui indispensables pour les prototypes – dont la carrosserie doit être obligatoirement fermée – comme pour les GT, les essuie-glaces se sont surtout généralisés depuis 1949. Aujourd’hui, leur utilisation se plie aux lois de l’aérodynamique. Généalogie d’un accessoire qui, discrètement mais sûrement, a su trouver sa place dans l’histoire des 24 Heures du Mans.
L’essuie-glace est une invention d’une américaine, Mary Anderson. Lors d’une promenade en tramway à New York, elle s’étonne de voir le conducteur passer la tête dehors, le pare-brise étant givré. Nous étions alors en 1903 ! Elle dépose un brevet pour 17 ans, décrivant un mécanisme comportant un bras avec en son bout une raclette de caoutchouc. Les constructeurs de l’époque ne l’ont pourtant pas suivie, Ford dédaignant même un tel dispositif pour son légendaire modèle T.
L’essuie-glace, accessoire négligeable ?
Au Mans, en 1923, bien que les voitures doivent rouler capotées durant cinq tours, aucune n’est munie d’un tel dispositif. Il faut dire qu’à l’époque, la majorité des pare-brises sont tout ou partiellement repliables et que les pilotes les préfèrent baissés, conduisant avec des lunettes. D’autres n’étaient que des petits saute-vent et le pilote regardait par-dessus.
Bien qu’utilisé sur toutes les voitures fermées de série, il faudra attendre 1926 sur le circuit du Mans, avec une SARA, puis 1928, avec une des Tracta, pour découvrir des essuie-glaces. Sans doute cet équipement a-t-il été installé sans grande conviction, car on les ne retrouvera pas sur ces voitures les années suivantes !
En 1934, Alfa Romeo expérimente à son tour les essuie-glaces sur un saute-vent déployé devant le pilote, alors que le pare-brise est replié.
Une Talbot Baby Sport privée, très proche de la série, est engagée en 1935. Pour cette voiture à carrosserie fermée - une première - il faut bien des essuie-glaces ! Or, sans doute devant le manque d’efficacité de ces équipements, une ouverture était creusée dans le pare-brise coté conducteur, pour garantir la visibilité au pilote.
A partir de 1937, Delage et Adler, puis Alfa Romeo et BMW, commencent à engager des coupés sur lesquels il fallait bien installer des essuie-glaces. Mais jusqu’à la guerre la victoire est revenue aux légères voitures sans toit, même si une Alfa Romeo Coupé faillit créer la surprise en 1938.
Lors de la reprise en 1949, on trouve beaucoup de coupés sur la grille de départ (Aston Martin, Talbot Lago, Bentley) et même quelques berlines comme la 4CV. Le travail sur les essuie-glaces pouvait commencer, car il fallait empêcher que la raclette décolle du pare-brise avec la vitesse.
Quand l’essuie-glace devient indispensable
Comment fonctionne un essuie-glace ? Il est constitué d’un moteur électrique, qui tourne en permanence quand on en déclenche le fonctionnement. Un jeu de biellettes transforme le mouvement circulaire en mouvement alternatif des balais qui frottent sur le parebrise.
La raclette autrefois en caoutchouc naturel, est maintenant fréquemment en composé synthétique, matière plus résistante et moins sensibles aux rayons UV du soleil. Le défi au cours des ans a donc été de rendre plus efficace le balayement des essuie-glaces.
Pour cela, l’électronique est arrivée et a permis les différentes vitesses et les battements intermittents variables pour tenir compte de la quantité d’eau à évacuer.
Par ailleurs, il a fallu s’assurer que la surface balayée le soit correctement et que la lame de caoutchouc ne décolle pas du parebrise à haute vitesse. Pour cela, la raclette, d’une pièce à l’origine, était montée sur un bras souple faisant office de ressort pour la plaquer. Mais cela était insuffisant. On a donc doté ce bras d’un ressort à spirale qui vient accentuer la pression sur la raclette.
Essuie-glace et aérodynamique
La forme des pare-brises a aussi évolué. De plat au début, ils se sont arrondis pour être plus aérodynamiques. La raclette s’est adaptée et a été montée sur un support en ressort, permettant de s’inscrire dans la courbure du pare-brise. Maintenant, ils sont souvent préformés avec un ressort à lame incorporé dans le caoutchouc (modèles dits blade, lame en anglais)
Enfin, on s’est servi de la vitesse elle-même pour plaquer les essuie-glaces. De simples becquets, fixés sur le bras puis sur la raclette, on a abouti aujourd’hui des hybrides, à la fois de forme « blade » et creusée pour un effet aérodynamique.
Toutes ces évolutions proviennent notamment de la course automobile. Depuis le milieu des années 1950, les essuie-glaces se sont généralisés sur les voitures, notamment du fait que, barquette ou coupé, l’ACO imposait alors une hauteur de pare-brise minimum.
Petit à petit, l’aérodynamique modèle la forme des essuie-glaces. Aujourd’hui, ceux-ci demeurent verticaux lorsqu’ils sont au repos pour ne pas perturber l’écoulement de l’air sur le pare-brise. Pour le côté pratique, leur commande se fait maintenant par un bouton situé sur le volant lui-même.
Les essuie-glaces ont marqué à leur manière l’histoire des 24 Heures du Mans, qui ont souvent connu la pluie… Et parfois ils ont même contribué à la légende, comme en 1968, quand Henri Pescarolo a roulé une grande partie de la nuit avec ses essuie-glaces… en panne sous une pluie battante. Ce qui ne l’empêche pas de mener sa Matra à la deuxième place au petit matin avant qu’une crevaison ne provoque l’abandon de la voiture…
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES) : sur la Toyota GR010 HYBRID victorieuse en 2022, on peut noter la position verticale de l'essuie-glace au repos, afin de ne pas perturber l'écoulement de l'air autour du pare-brise et du cockpit ; en 1926, l'essuie-glace des SARA est fixé au sommet du pare-brise ; en 1939, BMW termine cinquième, septième et neuvième ; en 1968, le support de l'essuie-glace (en panne !) de la Matra d'Henri Pescarolo (n°24) est visible au centre à la base du pare-brise.