Pedro et Ricardo Rodriguez, les conquistadors mexicains
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Pedro et Ricardo Rodriguez, les conquistadors mexicains

CENTENAIRE DES 24 HEURES – DES MACHINES ET DES HOMMES ⎮ Pionniers de la popularité du sport automobile dans leur terre natale du Mexique, Pedro et Ricardo Rodriguez ont également inscrit leur nom dans la légende des 24 Heures du Mans, par une chevauchée en tête en 1961 et la victoire de Pedro en 1968. Retour sur un parcours où l’exploit côtoie la tragédie.

En 1958, Pedro est le premier de la fratrie à découvrir les 24 Heures du Mans en se voyant attribuer un nouveau coéquipier à la dernière minute : les officiels interdisent à Ricardo de participer à la course à cause de son jeune âge – seize ans. Finalement associé à José Behra, Pedro est contraint à l’abandon sur une Ferrari de North American Racing Team (NART), l’équipe de l’ancien triple vainqueur Luigi Chinetti.

1961, la possibilité d’une victoire

Après avoir disputé leurs premières 24 Heures ensemble sur OSCA l’année suivante (abandon), les deux frères sont à nouveau dissociés en 1960. Pilote d’usine Ferrari en remplacement du britannique Cliff Allison, blessé lors du Grand Prix de Monaco, Pedro ne prend même pas le volant en course à la suite d’une panne d’essence prématurée de son coéquipier Ludovico Scarfiotti. Au volant d’une autre Ferrari engagée par le NART, Ricardo devient à 18 ans le plus jeune pilote à monter sur le podium du classement général, avec une deuxième place partagée avec le Belge André Pilette.

A nouveau réunis en 1961 au sein du NART, les frères Rodriguez sont les plus coriaces adversaires des futurs vainqueurs Olivier Gendebien/Phil Hill et pointent en tête à mi-course. Mais le dimanche matin, un arrêt au stand prolongé à la suite d’un problème technique relègue les deux Mexicains en quatrième position. Au fil d’une spectaculaire remontée qui vaut à Ricardo le meilleur tour en course, la Ferrari n°17 récupère la deuxième position, mais abandonne à deux heures de l’arrivée sur casse moteur et sous les acclamations du public.

Quelques mois après un nouvel abandon de la fratrie en Sarthe sur une Ferrari d’usine, Ricardo trouve la mort à seulement vingt ans le 1er novembre 1962, lors des essais de son Grand Prix national. Après avoir envisagé de mettre un terme à sa propre carrière, Pedro décide de poursuivre. Et entre dans l’histoire des 24 Heures du Mans dès l’année suivante.

Le pionnier de la pole position

Cette 31e édition voit l’instauration des qualifications au temps pour déterminer la grille de départ, précédemment établie en fonction de l’ordre décroissant de la cylindrée des moteurs. Redevenu pilote du NART, Pedro Rodriguez signe la première pole position mancelle en 3’50’’9 (209 km/h de moyenne) sur une Ferrari partagée avec Roger Penske. Jusqu’en 1967, il reste fidèle à Luigi Chinetti, mais ne reçoit qu’une seule fois le drapeau à damier : en 1965, il termine septième en compagnie de Nino Vaccarella, vainqueur l’année précédente.

A quelques jours des 24 Heures 1968, Pedro Rodriguez est appelé à la rescousse par John Wyer pour prendre le volant de l’une de ses Ford GT40 Gulf en remplacement de Jacky Ickx, qui s’est fracturé une jambe aux essais du Grand Prix du Canada.

Qualifiés quatrièmes, le Mexicain et son coéquipier belge Lucien Bianchi (remplaçant le Britannique Brian Redman, blessé lui aussi au cours de la saison de Formule 1) se livrent en début de course à un chassé-croisé avec les Porsche 908 officielles et l’autre GT40 de leurs compagnons d’écurie Paul Hawkins/David Hobbs, avant de s’installer définitivement en tête à la septième heure de course. Après la malchance ayant frappé les deux coéquipiers de dernière minute les années précédentes, cette victoire réjouit le public des 24 Heures, qui leur offre une ovation méritée.

Pedro et la Porsche 917, une alchimie gagnante

Après un nouvel abandon en 1969 sur Ferrari, Pedro Rodriguez a rendez-vous en 1970 et 71 avec la voiture qui va lui offrir une place de choix dans la légende du sport automobile. Au volant de la Porsche 917, il signe huit victoires en Championnat du monde des Marques et franchit pour la première fois le cap des 250 km/h de moyenne au tour pour la pole position des 24 Heures du Mans 1971. Exactement un mois après cette 39e édition, il trouve la mort au volant d’une Ferrari 512 sur le circuit de Norisring (Allemagne).

Au fil de sa fulgurante carrière, Pedro Rodriguez a également signé deux victoires en Formule 1. Après le Grand Prix d’Afrique du Sud sur Cooper en 1967, il remporte en 1970 sur BRM la dernière édition du Grand Prix de Belgique disputée sur le tracé de 14 km de Spa-Francorchamps, où il imposera la Porsche 917 l’année suivante.

« Pedro était un de nos plus grands héros, capable de gagner aussi bien au Mans qu’en Formule 1, témoignait Adrian Fernandez en 2010. Maintenant que, comme lui à son époque, je porte les couleurs de Gulf, et mes compatriotes commencent à faire le rapprochement, notamment les gens de ma génération. » En quatre participations aux 24 Heures du Mans, Adrian Fernandez a porté à trois reprises le bleu ciel et l’orange de la compagnie pétrolière, qui étaient les couleurs de la Ford GT40 de Pedro Rodriguez et Lucien Bianchi lors de leur victoire sarthoise.

Aujourd’hui, la postérité de Pedro et Ricardo Rodriguez est immense, dans l’histoire du sport automobile comme dans leur pays natal. Le circuit de Mexico porte le nom d’Autodromo Hermanos (« frères » en espagnol) Rodriguez. Et la ferveur du public impressionne toujours le paddock de la Formule 1 à chaque édition du Grand Prix du Mexique.

PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS 1958-1971 - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : Bien que trop jeune pour disputer les 24 Heures du Mans 1958, Ricardo Rodriguez (à gauche) a soutenu la première participation de son aîné Pedro (au volant) : engagées par l'écurie NART de Luigi Chinetti, la Ferrari 250 TR/59 avec laquelle Ricardo a terminé deuxième en 1960 portait le même numéro de course 17 que la 250 TR/I 61 qu'il partageait avec Pedro en 1961 ; la Ford GT40 (n°9) sur laquelle Pedro Rodriguez et Lucian Bianchi ont remporté l'édition 1968 disputée en septembre aurait dû être pilotée par Jacky Ickx et Brian Redman, prévus pour les dates originelles de la course en juin ; au départ de l'édition 1971, Pedro Rodriguez est au volant de la Porsche 917 LH (n°18) qu'il avait qualifiée en pole position, avec à ses côtés l'autre 917 LH de Vic Elford et Gérard Larrousse.

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