Lorraine Dietrich est une marque fidèle des toutes premières années du double tour d’horloge sarthois, avec ses réputées B3-6 dues à l’ingénieur Barbarou (un ancien spécialiste des moteurs d’avions). En 1923, le premier round d’observation se solde par une 8e et une 19e place.
Le premier triplé des 24 Heures
En 1924, Lorraine Dietrich est battu par Bentley pour un tour mais termine tout de même deuxième et troisième. Invincible lors des 24 heures du Mans 1925 et 1926, cette Lorraine Dietrich 6 cylindres de 3 446 cm3 est équipée de carburateurs horizontaux et de soupapes en tête commandées par culbuteurs. Le châssis est du type classique à l’époque : longerons longitudinaux, suspension avant à essieu rigide monté sur deux ressorts complété de deux amortisseurs à friction. A l’arrière, deux longs ressorts sont montés en porte-à-faux et assistés aussi d’amortisseurs à friction. Avec ses 90 chevaux, la vitesse de pointe est estimée à 145 km/h. Rien de révolutionnaire mais du solide, de l’éprouvé, qui en deux victoires fera progresser la moyenne horaire de 93 (départ des Hunaudières pour la première fois en arêtes de poisson et capote levée) à 106 km/h (départ des Raineries pour au moins un siècle).
1926 est même un des rares tiercés de l’histoire, à plus de 100 km/h de moyenne. On reverra une de ces vaillantes Lorraine au départ des 24 heures du Mans 1931, vieillissante certes mais terminant au pied du podium (quatrième) puis pour ses dix ans d’existence, en 1933 avec Roger Labric au volant (auteur du célèbre livre des Cinquante ans des 24 heures du Mans) qui abandonne cette fois. En 1934 c’est un nouvel abandon malgré un accroissement de cylindrée à 3 504 cm3 pour cette Lorraine de douze ans d’âge. Après un nouvel abandon en 1935 puis l’annulation de l’édition de 1936, la Lorraine Dietrich prend une retraite bien méritée.
Lorraine Dietrich perce le brouillard
L’idée originelle des créateurs des 24 heures du Mans était « l’intérêt d’une course de longue durée réservée aux voitures de série qu’on nommerait aujourd’hui ‘’améliorées’’ parce que le désir des organisateurs était de pousser les concurrents vers une préparation minutieuse » selon Charles Faroux, l’un des mousquetaires initiateurs de la saga sarthoise. De fait, l’interprétation du règlement est le moteur de toutes les inventions dont les 24 Heures peuvent se vanter d’avoir fait éclore. Par exemple, chez Lorraine Dietrich, on comprend vite que le poids est l’ennemi de la performance. Les carrosseries en Zalpon (toile enduite sur ossature bois) font florès, économisant par là même 80 kilos sur l’ensemble de la carrosserie - sauf le capot moteur.
L’immense invention (universelle) chez Lorraine Dietrich est l’apparition des phares longue portée et des antibrouillards. L’histoire retiendra ceci : la partie basse du circuit (de Maison Blanche à la zone des stands de ravitaillement) garde la nappe phréatique à fleur de sol. Des travaux lourds ont été depuis entrepris avec succès, mais à l’époque, il n’était pas rare qu’un banc de brume s’installe au milieu de la nuit, parfois dans les bois précédents aussi, et la visibilité des pilotes étaient très aléatoire surtout avant l’entame de l'enchaînement de Maison Blanche. Mais ceci est une autre histoire, à découvrir prochainement dans le cadre de ce Centenaire.
En 1926, les ingénieurs de Marchal équipent les Lorraines d’un phare placé au centre du radiateur sur la barre reliant les phares, ce « cyclope » ou ce « monocle » est le premier phare longue portée au monde suivi de peu par les antibrouillards montés sur les crosses de châssis. Le ruisseau du Roulecrottes peut ainsi se targuer d’avoir apporté sa contribution à la grande histoire de l’automobile mondiale, et les 24 Heures du Mans d’en avoir été le ferment.
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : La Lorraine-Dietrich de Gérard de Courcelles et André Rossignol sur la route de la victoire en 1925 ; trois Lorraine Dietrich au départ et trois à l'arrivée pour un premier triplé, avec dans l'ordre Robert Bloch/André Rossignol (n°6, vainqueurs), Gérard de Courcelles/Marcel Mongin (n°5, 2e) et Stalter/Edouard Brisson (n°4, 3e).