Les Hunaudières, écrin du record de vitesse des 24 Heures du Mans
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Les Hunaudières, écrin du record de vitesse des 24 Heures du Mans

CENTENAIRE DES 24 HEURES – LE MANS, L’EXCEPTION ⎮ Si les 24 Heures du Mans sont l’épreuve d’endurance par excellence, la vitesse pure occupe aussi une place majeure dans leur histoire. Ainsi, les six kilomètres de la ligne droite des Hunaudières ont été un terrain de choix pour un exploit qui a toujours fait rêver concurrents et passionnés : le record de vitesse.

Dans les années 1920, les circuits sont souvent très longs. Au tout début de la saga des 24 Heures, celui du Mans couvre plus de 17,252 km. Ces circuits comportent la plupart du temps de longues lignes droites dans lesquelles les bolides atteignent des vitesses qui marquent  l’imaginaire, et de quelques virages généralement assez serrés réduisant la moyenne au tour. Le premier circuit du Mans comportait ainsi les Hunaudières et le virage serré de Mulsanne, une ligne droite qui menait à Arnage, puis de nouveau une longue ligne droite qui rejoignait à l’épingle de Pontlieue (comprenant les courbes ultras rapides de Maison Blanche).

L’automobile Club de l’Ouest n’officialise la prise de vitesse maximum instantanée qu’à partir de 1961. Auparavant, aucun chiffre fiable n’est avancé. Mais avec les rapports vitesse au tour/vitesse maximum calculés entre 1961 et 1964, on peut estimer que la vitesse maximum des voitures en 1923 avoisine les 120 km/h. Après modification du circuit en 1932, avec le raccourcissement des Hunaudières et la portion des Esses de la Forêt (appelés alors Esses du Tertre Rouge), les meilleures voitures plafonnent à environ 190 km/h. Juste avant l’interruption de la Deuxième Guerre mondiale, les Bugatti et autre Talbot atteignent tout juste la barre des 200 km/h.

Premières mesures

Après la guerre, en 1953, les Américains de Cunningham souhaitent en savoir un peu plus sur ce qui se passe dans les Hunaudières. Ils installent donc un premier radar, pour constater que leur voiture atteint 249 km/h.

C’est donc huit ans plus tard que les organisateurs décident très officiellement de mesurer la vitesse maximale dans les Hunaudières. Un radar est placé à la fin du premier tiers de la ligne droite, soit après que les voitures se soient suffisamment lancées, mais bien avant la courbe des Hunaudières dans laquelle seuls les plus courageux restent à fond.

L’année 1961 marque alors une nette évolution du règlement, avec des moteurs portés à 4 litres de cylindrée et des puissances de l’ordre de 390 ch pour les Ferrari – contre 3 litres et 300 ch l’année précédente. Les frères Pedro et Ricardo Rodriguez (Ferrari) passent sous la barre des quatre minutes au tour, dépassant les 200 km/h de moyenne (201,202 très précisément). La vitesse de pointe enfin mesurée affiche 265 km/h pour la Ferrari en course, mais aux essais, une Maserati est chronométrée à 280 km/h. Et c’est à nouveau une Ferrari qui dépasse les 300km/h aux essais des 24 Heures 1963, aux mains du britannique Mike Parkes.

Ford et Porsche toujours plus vite

Les années 1964 à 1967 sont le théâtre du fabuleux duel entre Ford et Ferrari. La vitesse de pointe en devient un facteur majeur, avec comme éléments fondamentaux puissance et aérodynamique. De 310 km/h aux essais en 1964, on passe 340 aux essais pour les Ford et même à 343 pour le constructeur américain en course en 1967.

Un nouveau palier est franchi par Porsche en 1971 avec l’inoubliable 917 LH (pour « Lang Heck », ou « longue queue » en français, en référence à sa partie arrière profilée). L’avantage aérodynamique est d’importance pour ce modèle par rapport aux « queues courtes » (917 K ou « Kurz Heck » en allemand). 359 km/h aux essais puis 362 en course pour la 917 LH de Jackie Oliver, chiffre officiel. Mais des rumeurs de mesures à 388 km/h effectuées par le team lui-même circulent encore aujourd’hui. Cette voiture a bénéficié de longues études en soufflerie à la demande de Ferdinand Piëch (patron du programme sportif Porsche à l’époque), qui croyait dur comme fer que la vitesse maxi est incontournable pour la victoire. Mais en 1970 comme en 1971, ce sont bien des 917 K qui remportent les 24 Heures du Mans.

La disparition des voitures de la catégorie Sport (5 litres) en 1972 et la limitation de cylindrée à 3 litres pour les prototypes font sensiblement chuter la vitesse maxi : 331 km/h pour la Lola T280 de l’équipe Bonnier Switzerland. L’année suivante, avec des longues queues pour Matra et Ferrari, la vitesse maxi remonte à 340 km/h au fil d’un duel épique.

Mais Renault-Alpine, profitant du souffle du turbocompresseur pour ses prototypes A442, franchit à nouveau la barre des 350 km/h en 1976 et même 362 en 1978, l’aérodynamique affinée avec une bulle sur le cockpit ouvert de l’A443 ayant permis de gagner quelques km/h.

Objectif 400 km/h

Les années 1980 voient les prototypes de la nouvelle réglementation Groupe C Porsche, Lancia, Jaguar et autres Cougar se battre avec des vitesses de 350 à 360 km/h en course, mais une Porsche 956 atteint 372 km/h aux essais en 1985.

Dans le deuxième moitié de cette décennie, Gérard Welter et Vincent Soulignac, friands de finesse aérodynamique et de Vmax en ligne droite, mettent au point des prototypes WM à longue queue, dont la version la plus aboutie est la P88.

Les Porsche 962 C et Sauber à moteur Mercedes sont déjà particulièrement véloces, avec 390 km/h aux essais de l’édition 1988. Mais cette année-là, l’objectif de WM est de battre le record de vitesse. L’équipe française attend la fraîcheur de la soirée pour que le moteur V6 turbo Peugeot, poussé à plus de 900 ch, respire au mieux, ferme au maximum les entrées d’air de refroidissement pour améliorer la finesse aérodynamique de la P88 n°51 et envoyée en piste aux mains de Roger Dorchy.

Le record de vitesse est donc battu, avec 405 km/h officiellement enregistrés. Il se murmure qu’en fait les 422 km/h aient également été enregistrés sur un tour, dont la mesure aurait prêté à critique. Or, Peugeot sortait cette année-là la berline 405, et les services marketing sont ravis de pouvoir raconter une histoire rapprochant les mêmes chiffres pour un modèle de série et la vitesse d’une voiture de course motorisée par ses soins. Et on en est resté là… Une époque où l’on pouvait faire encore l’éloge de la vitesse !

Les Hunaudières des années 1990 à nos jours

Les 24 Heures du Mans 1989 voient la dernière année de la ligne droite des Hunaudières d’un seul tenant. En 1990, elle est tronçonnée en trois morceaux par deux ralentisseurs, tels que nous les connaissons encore aujourd’hui. Et en 1989, avant ce grand changement, Sauber Mercedes prend 400 km/h aux essais et la Jaguar XJR9 389 km/h en course, avec une voiture capables de jouer la gagne sur 24 heures dans cette configuration !

L’apparition des ralentisseurs a bien évidemment ralenti les vitesses maxi des voitures. D’une part, parce que la longueur de chaque tronçon est trop courte pour aller chercher les derniers km/h. De plus, ces ralentisseurs nécessitent plus d’appui pour obtenir une bonne moyenne au tour. Les grandes heures de 3.5 litres atmosphériques du début de la décennie 1990 permettent néanmoins des vitesses de 346 km/h en course pour les Peugeot 905 en 1993.

Depuis, les vitesses dans les Hunaudières continuent à osciller entre 320 et 340 km/h, avec une fourchette quasi identique entre les essais et la course. Et, à moins d’autoriser subitement des engins de 900 ou 1000 ch, on ne progressera pas dans les trois tronçons de la ligne droite des Hunaudières. Les 405 km/h officiels de 1988 sont sans doute gravés pour l’éternité dans le livre des (nombreux) records des 24 Heures du Mans…

PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS 1953-1988 - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : Alors que la nuit tombe sur les 24 Heures du Mans 1988, la WM-Peugeot P88 part à la chasse au record de vitesse ; en 1953, l'équipe de Briggs Cunningham effectue des premières mesures de vitesse maxi (ici à l'image la voiture de John Fitch/Phil Walters, troisième de la course cette année-là) ; de 1964 à 1971, les vitesses atteignent des sommets vertigineux avec Ford (ici la Mk IV victorieuse en 1967) puis Porsche ; on note sur la WM P88 que Roger Dorchy partageait en 1988 avec le suisse Claude Haldi les passages de roue arrière carénés pour gagner en finesse et donc en vitesse.

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