CENTENAIRE DES 24 HEURES – LE MANS, L’EXCEPTION ⎮ Entre concerts dans l’enceinte du circuit et chansons dédiées, les 24 Heures du Mans vivent aussi au rythme de la musique. Et ont même vu la présence en piste, entre 1979 et 1984, de deux éminents membres du groupe Pink Floyd : son batteur Nick Mason et son manager Steve O’Rourke.
Cette année 2023 voit ainsi un croisement historique insolite entre le Centenaire des 24 Heures du Mans et le demi-siècle de The Dark Side Of The Moon, le best-seller absolu de Pink Floyd. Ce succès a d’ailleurs eu une influence directe sur la passion automobile de Nick Mason : c’est grâce aux royalties de cet album qu’il inaugure sa collection personnelle de voitures de compétition de toutes époques. Et la première dont il fait l’acquisition est une Ferrari 250 GTO, aujourd’hui l’une des plus cotées au monde. « Avec la Ferrari GTO on peut courir, faire des sorties sur route, faire des mariages avec... cette voiture me donne un air plus intelligent ! », sourit-il à propos de la GTO, au volant de laquelle il participe en 2002 à la toute première édition de Le Mans Classic.
Chez les Mason, le sport automobile est une histoire de famille. Documentariste, Bill, le père de Nick, comptait parmi ses amis Sammy Davis, l’un des « Bentley Boys », vainqueur des 24 Heures du Mans 1927. Et en 1979, Nick va encore plus loin.
Au printemps 1979, Pink Floyd travaille sur l’enregistrement du monumental double album The Wall, un autre sommet de sa discographie. Alors que le groupe s’est installé en Provence au Studio Miraval (récemment rénové par le comédien Brad Pitt, starter officiel des 24 Heures 2016), Nick Mason prend des cours de pilotage à une soixantaine de kilomètres de là, sur le Circuit Paul Ricard, en compagnie de Steve O’Rourke, le manager du groupe. Avec pour ambition de participer aux 24 Heures du Mans cette année-là.
« Nous nous sommes rendu compte que nous devrions enregistrer The Wall à l'étranger, et nous sommes partis pendant un an en exil fiscal, raconte Nick Mason. A la même époque, Augustus Bertelli, le propriétaire de l'usine Aston Martin pendant les années 1930, est décédé. On m'a demandé d'amener mon exemplaire de l'Aston Martin Ulster à ses obsèques. C'est là que j'ai fait la connaissance de Brian Joscelyne, qui faisait partie de l'équipe Dorset Racing. Il m'a demandé si j'aimerais bien faire Le Mans. Je n'avais jamais piloté de voiture de course, mais au final c'est la meilleure décision que j'ai jamais prise. Par la suite, nous avons passé l'essentiel de notre temps en studio, mais j'avais un ami, Simon de la Tour, qui dirigeait l'école de pilotage Winfield, et je me suis entrainé avec lui. J'ai beaucoup piloté, et je me suis senti de plus en plus en confiance pour les 24 Heures. Lorsque j'ai dit à Steve que j'allais courir les 24 Heures, il m'a accompagné pour aller voir le circuit, sur la route du Sud de la France. Et il m'a dit : "tu sais quoi ? Je vais les faire aussi !" Il a trouvé un accord avec l'Ecurie Francorchamps et Ferrari. Pour ma part, j'étais au volant d'un prototype Lola. »
Alors que la présence de Paul Newman, deuxième à l’arrivée, monopolise l’attention, Nick Mason et Steve O’Rourke reçoivent tous les deux le 10 juin le drapeau à damier. Le batteur termine 18e et deuxième de sa catégorie au volant d’un prototype Lola 2 litres, en compagnie de Bryan Joscelyne, Richard Jenvey et Tony Birchenhough. Son manager le devance au classement général en terminant douzième sur Ferrari BB 512 associé à Jean Blaton, Bernard de Dryver et Nick Faure. Paradoxalement, Nick Mason et Steve O’Rourke ne seront qu’une seule fois coéquipiers dans la Sarthe, en 1982 sur BMW M1 (abandon).
Au fil de ses trois autres participations, Nick Mason termine à nouveau sur le podium des prototypes 2 litres (3e) avec Martin Birrane et Peter Clark en 1980, avant d’être contraint à l’abandon en 1983 sur Dome et en 1984 sur Porsche 956. Tandis qu’il reprend le chemin des studios et des concerts avec Pink Floyd pour les albums A Momentary Lapes Of Reason (1987) et The Division Bell (1994), Steve O’Rourke dispute quant à lui six autres éditions des 24 Heures, pour un total de huit départs de 1979 à 1998.
Steve O'Rourke fait même construire sa propre voiture. Baptisée EMKA (du nom de la société qu’il avait créée à la fin des années 1960 pour le management de Pink Floyd), elle termine 17e en 1983 et onzième en 1985. En 1998, il signe son meilleur résultat manceau sur McLaren F1 GTR, se classant quatrième avec Bill Auberlen et Tim Sugden. « J'en ai bel et bien été jaloux, s'amuse Nick Mason au souvenir de la performance de son manager et ami, disparu en 2003. Mais c'est un superbe effort. Il est parvenu à réunir tous les éléments pour obtenir ce résultat, il n'y aurait eu aucune place pour moi dans cette équipe. Steve tenait absolument à faire courir son projet EMKA-Aston Martin. Il l'a financé avec des sponsors, et il avait besoin de pilotes professionnels pour que ça fonctionne. Lorsqu'un gentleman-driver veut faire les 24 Heures, il a besoin de partenaires financiers et quand il en trouve, vient la responsabilité de faire du bon travail, et donc de faire venir au volant des talents supplémentaires. »
Aujourd’hui âgé de 79 ans, Nick Mason a repris la route ces dernières années avec un groupe baptisé Saucerful Of Secrets (en référence au titre du deuxième album de Pink Floyd en 1968) pour revisiter le répertoire 1967-1972 du groupe, qui a précédé la sortie de The Dark Side Of The Moon. Et continue à vivre sa passion automobile. En 2017, il a été membre du jury de la quatrième édition du Concours Chantilly Arts & Elégance. Nick Mason a également pour gendre le pilote écossais Marino Franchitti (six participations aux 24 Heures du Mans de 2005 à 2016), marié à Holly, deuxième fille du batteur.
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS 1979-1998 - CI-DESSUS (D.R. / ARCHIVES ACO) : Pour sa dernière participation en 1984 sur cette Porsche 956 (n°16) équipée d'une caméra dans son cockpit, Nick Mason avait pour coéquipiers le Français René Metge et le Britannique Richard Lloyd ; La Lola de Nick Mason (n°24) et la Ferrari de Steve O'Rourke (n°61) sous la pluie des 24 Heures 1979 ; le batteur et son manager réunis sur BMW M1 (n°62) en 1982, avec pour coéquipier le Britannique Richard Down ; le prototype EMKA (n°41) de Steve O'Rourke lors de sa première apparition aux 24 Heures en 1983 ; pour sa dernière participation en 1998, Steve O'Rourke signe son meilleur résultat sur cette McLaren F1 GTR (n°40) qui portait les couleurs de EMI, maison de disques de Pink Floyd à cette époque - CI-DESSOUS (D.R. / STEPHANIE BEZARD - PETER AUTO) : Nick Mason (à droite) en compagnie de Guy Berryman, bassiste du groupe Coldplay et autre grand passionné de sport automobile, lors du dîner de gala du Concours d'Elégance de Chantilly 2017, dont ils étaient tous deux membres du jury.