Les 24 heures du Mans à l’heure environnementale
Retour

Les 24 heures du Mans à l’heure environnementale

CENTENAIRE DES 24 HEURES – UNE HISTOIRE D’INNOVATIONS ⎮ Depuis plus de cinquante ans, l’ACO met un point d’honneur à rendre plus vertueuse son épreuve fétiche des 24 Heures du Mans. La réduction de la consommation de carburant a été la première étape, mais bien d’autres ont suivi, avec une forte accentuation forte ces dix dernières années. Et aussi la mise en place des compensations carbone avec la plantation de nombreux arbres sur le circuit et les alentours.

Dès 1975, il est nécessaire de prendre en compte la consommation des voitures, alors que la crise pétrolière de fin 1973 battait son plein et que le Premier Ministre français de l’époque Pierre Messmer impose les limitations de vitesses sur les routes française pour économiser le précieux carburant (on ne parlait pas encore de CO2 à l’époque). Il tente même de supprimer les courses automobiles dans tout l’Hexagone. Des dérogations sont fort heureusement obtenues, notamment pour les 24 heures du Mans 1975.

Réduction de la consommation

L’ACO avait alors décidé de limiter drastiquement l’allocation d’essence pour les voitures afin de limiter l’impact de la course sur les importations de pétrole. Les calculs avaient été tels que seules des voitures ne consommant pas plus de 44 litres au 100 km pouvaient gagner, ainsi que l’avait fait Jacky Ickx et Derek Bell sur leur Gulf-Mirage. Après cette édition peu disputée et grâce à une sortie de la crise, on revient pour 1976 des valeurs plus libérales.

Néanmoins l’idée avait germé et à l’arrivée de la réglementation des prototypes du Groupe C en 1982, l’ACO relate « course à la consommation » en limitant la quantité d’essence allouée aux voitures à 2 600 litres pour la course, en 25 ravitaillements (plus le plein au départ) et des réservoirs limités à 100 litres. Porsche s’en tire au mieux les premières années, bien aidé par Bosch qui fournissait le système de gestion du moteur et la Porsche 956 de Ickx/Bell (de nouveau la paire) avait parcouru 4899 km avec ces 2600 litres, soit une consommation de 53 l / 100km. Avec l’arrivée de la petite catégorie dite Groupe C Junior – devenue par la suite C2 ensuite – en 1983, on va encore plus loin avec seulement 1 430 l disponibles dans des réservoirs de 55 l.

En 1985, on baisse encore la consommation de 15 % en la fixant à 2 210 l pour les C1, ce qui n’empêche pas la Porsche 956 victorieuse de Ludwig/Barilla/Winter de couvrir 5 088 kilomètres en consommant 10 l de moins par rapport à 1982, avec 43 l aux 100 km. Mais les difficultés des différentes équipes incitent dès 1986 l’ACO à revenir aux allocations de 1982 pour préserver le spectacle. En 1989, la Sauber Mercedes se rapproche tout de même de ce record avec 49 l aux 100 km.

Le retour des 24 heures dans le giron du Championnat du monde FIA d’endurance en 1992, imposant les prototypes de 3,5 l de cylindrée, rend caduques toute ces notions de consommation.

Le diesel et son efficacité énergétique

Depuis la fin des années 1990, les pouvoirs publics ne cessent de vanter les vertus et les basses consommations, donc les faibles émissions de CO2, des moteurs diesel. Et le public suit puisque plus de 70 % des modèles neufs vendus en France par an font appel à cette motorisation. Il faudra pourtant attendre 2007 pour que le règlement des 24 Heures favorise les moteurs diesel. Audi puis Peugeot avec des V12 TDI se livreront une implacable lutte durant cinq ans.

Les hybrides, solution de transition

En 2012, le règlement s’ouvre aux voitures hybrides. Un terme signifiant la combinaison de plusieurs énergies pour propulser la voiture : un moteur électrique venant au secours du moteur thermique. Si le moteur électrique (sur le train avant) assure la propulsion hybride, on cherche encore comment stocker l’énergie générée au freinage : par batterie ou par volant d’inertie ? Audi choisit cette dernière solution pour sa R18 e-tron quattro. Finalement, la batterie sera dans les années suivantes jugée plus simple d’installation (Toyota, Porsche et Audi  en LMP1).

Le 56e Stand

Depuis 2012 également, l’ACO a décidé de réserver un engagement, symbolisé par le box qui y est affecté, le 56e Stand, à des voitures innovantes notamment en matière d’économies d’énergies. Nissan s’engouffre dans la brèche, avec tout d’abord la Nissan DeltaWing, minuscule voiture propulsée par un tout petit 4 cylindres de 1600cm3, voulant ainsi démontrer les vertus du downsizing. Puis avec ZEOD RC (pour Zero Emission On Demand) en 2014, première voiture hybride capable d’effectuer un tour complet en course sur la seule propulsion électrique.

L’hydrogène à venir

Aujourd’hui, les nouvelles technologies sur lesquelles travaillent les ingénieurs nécessitent des investissements beaucoup plus importants. L’hydrogène apparait comme la solution du futur. Mais il faut développer cette technologie et son environnement depuis zéro.

Le moteur d’une voiture à hydrogène est constitué d’une Pile à Combustible (PAC) qui reçoit en admission de l’hydrogène et de l’air. Une réaction chimique entre les cellules constitutives de cette PAC produit alors de l’énergie électrique, en fonction de la quantité des deux éléments injectés. Cette électricité est ensuite délivrée à un ou plusieurs moteurs électriques pour propulser la voiture.

Premier avantage : la PAC, une fois son travail fait en produisant de l’électricité, ne rejette que de l’eau à l’échappement. Ce qui en fait une véritable voiture à Zéro Emission. Deuxième avantage et non des moindres : le plein d’hydrogène sous 700 bars (700 fois la pression atmosphérique !) se fait quasiment dans le même laps de temps qu’un plein d’essence classique. On peut donc envisager des courses longues en endurance, à l’image de trajets autoroutiers que l’on pourra faire avec des voitures de route de même technologie.

L’inconvénient, c’est qu’il faut tout inventer. Tout d’abord, il est nécessaire de produire l’hydrogène (ce gaz n’existe pas seul à l’état naturel sur notre planète) par électrolyse à partir d’énergies renouvelables (solaire, éolien hydraulique), sans émettre de CO2 (comme avec des turbines à gaz par exemple). Ensuite, il faut que la production des PAC se fasse à un coût raisonnable (comme toute nouvelle technologie, c’est encore très cher). Et si on a déjà lancé quelques modèles de route (Toyota Mirai ou Hyundai Nexo), il faut faire progresser les PAC avec les contraintes de la compétition, comme, par exemple le temps de réponse à l’accélérateur ou encore la résistance aux vibrations. Enfin, le stockage à bord doit être soigneusement étudié (matériaux et forme des réservoirs pour tenir les hautes pressions nécessaires), pour pouvoir être intégré dans le châssis du véhicule. Mais la volonté est là et l’ACO a fédéré quelques entreprises pour permettre au projet Mission H24 de voir le jour.

Le prototype de Mission H24 roule maintenant régulièrement notamment en ouverture des 24 Heures du Mans et a participé hors classement à l’European Le Mans Series 2022. Grâce à un règlement spécifique et adapté, on espère une participation lors de l’édition 2024 des 24 Heures du Mans.

L’hydrogène pourrait dans les années à venir voir une autre déclinaison possible. Certaines entreprises comme l’IFPEN (Institut Français des Pétroles Energie) ou Oreca bien connu des amateurs du Mans, cherchent à adapter les moteurs à architecture classique pour qu’ils acceptent de l’hydrogène à la place de l’essence. Leur production serait moins couteuse que celle d’une PAC et les émissions malgré tout extrêmement réduites par rapport à l’essence ou au diesel. Mais nous n’en sommes là qu’au début du développement de cette nouvelle aventure technologique… A suivre !

PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : le prototype Mission H24 à hydrogène de l'ACO en 2021 ; la Gulf-Mirage de Jacky Ickx et Derek Bell victorieuse en 1975 ; la Porsche 956 a dominé les premières années de la règlementation à la consommation des prototypes du Groupe C ; l'Audi R10 TDI, premier prototype diesel vainqueur au Mans en 2006, avec au volant Frank Biela, Emanuele Pirro et Marco Werner ; Peugeot a remporté les 24 Heures 2009 avec la technologie diesel à filtre à particules ; au volant de l'Audi R18 e-tron quattro en 2012, André Lotterer, Marcel Fässler et Benoît Tréluyer imposent pour la première fois la technologie hybride aux 24 Heures ; cette même année, la Nissan DeltaWing inaugure le 56e Stand, dédié à un prototype innovant courant hors classement ; la première version du prototype Mission H24 et son évolution, apparue en 2012 (à droite sur la photo ci-dessus).

Partenaire Majeur

Partenaires premium

Partenaires officiels

Tous les partenaires