C’est en 1928 qu’apparait aux 24 Heures du Mans la suralimentation, due à l’apport d’un compresseur sur les moteurs, permettant une très nette amélioration de la puissance disponible. Cette modification distinguait alors les moteurs classiques, dits atmosphériques, des moteurs suralimentés, dits compressés.
Un moteur fonctionne avec un mélange air / essence au rapport bien établi. Pour augmenter la puissance, il faut augmenter la quantité d’essence admise et donc la quantité d’air admise également. La façon la plus simple de le faire est d’augmenter la cylindrée. Mais on aboutit vite à des moteurs de très forte cylindrée, qui sortent ainsi souvent des possibilités décrites au règlement de la course. Le compresseur va venir au secours des ingénieurs en augmentant le volume d’air admis dans le moteur grâce à une élévation de sa pression au-dessus de la pression atmosphérique (de 0,8 à 1.5 bars). Il devient donc possible d’injecter plus d’essence tout en gardant des valeurs de richesse du mélange raisonnables. Et ainsi de gagner en puissance.
Mais pour comprimer cet air, il faut entraîner le compresseur. Les versions imaginées dans les années 1920/1930 utilisent le mouvement rotatif du vilebrequin pour entrainer un compresseur soit à vis, soit à lobes (ce sont les pièces qui agissent à l’intérieur du compresseur pour comprimer l’air). Il était particulièrement visible chez Bentley, en bout de vilebrequin, en façade sous le radiateur
L’originalité du compresseur est qu’il s’adapte quelle que soit la cylindrée. C’est ainsi que l’ingénieur français Cozette, grand spécialiste de la suralimentation, dote les moteurs 998 cm3 des Tracta de l’ingénieur Grégoire, l’équipement de la suralimentation étant évalué à une cylindrée de 30 % supérieure à la cylindrée géométrique de base. Grace à cet apport de puissance, Bentley, Mercedes et Stutz arrivent bientôt à des puissances de 200 chevaux avant la fin des années 1920.
Du compresseur au turbo
Actif dès les bas régimes moteur, le compresseur est particulièrement efficace en reprise. Mais il prélève une partie de la puissance du moteur pour son entraînement, ce qui le handicape notablement. Pour cette raison, les technologies des moteurs le délaissent après la guerre, au profit des grosses cylindrées et de l’injection d’essence.
Mais dans au milieu des années 1970, tant chez Porsche que chez Renault, on trouve le moyen pour mettre à profit l’énergie inutilisée des gaz d’échappement avec une petite turbine, pour entraîner un petit compresseur à aubes. Le turbocompresseur fait son apparition aux 24 Heures du Mans 1974 sur une Porsche. Le principal défaut de ce type de suralimentation, sur lequel travailleront sans relâche des générations d’ingénieurs, était de d’induire un temps de réponse lors de la reprise de l’accélération. En effet, pour entrainer la turbine, il faut beaucoup de gaz chauds. Or, lorsque l’on décélère à l’approche d’un virage, on relâche l’accélérateur et donc on diminue la quantité de gaz d’échappement. Et la pression chute. Et lorsque l’on accélère en sortie de virage, la turbine est à faible vitesse et le compresseur ne comprime que peu d’air. Il faut attendre que le régime moteur remonte pour que le turbo-compresseur redevienne actif. Les années 1976-1978 sont celles d’un duel de turbos entre Porsche et Renault.
L’apport du turbo dans la féérie des 24 Heures était particulièrement visible la nuit lorsque les turbos rouge vif ou incandescents illuminent l’arrière des bolides et crachent de longues flammes par les échappements lors des décélérations.
La technologie des compresseurs et désormais des turbos permet de limiter la cylindrée des moteurs donc leur volume à implanter dans le châssis. La compacité des moteurs de dernière génération est à ce point de vue très révélatrice des progrès accomplis. Initialement plutôt réservé aux grosses cylindrées des moteurs de camion, le turbo désormais s’adapte aux cylindrées de 1 500 cm3 à 2 litres (et même moins sur les voitures de série). L’ACO, la CSI puis la FIA ne cesseront de travailler sur les équivalences entre les moteurs atmosphériques et compressés, avec des coefficients situés entre 1,4 et 2 en fonction des évolutions technologiques… Ce coefficient indique qu’un moteur 1500 cm3 turbo avec un coefficient 1.5 correspond à un moteur 3000 cm3…
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) Du compresseur au turbocompresseur en trois instantanés : en 1930, le compresseur de la Bentley Blower d'Henry Birkin/Jean Chassagne est ici visible au pied du radiateur ; en 1928, la deuxième place de la Stutz DV16 Blackhawk de Robert Bloch/Edouard Brisson a constitué le meilleur résultat d'un constructeur américain aux 24 Heures jusqu'à la première victoire de Ford en 1966 ; en 1976, la Porsche 936 de Jacky Ickx (ici au volant) et Gijs van Lennep signe la première victoire d'un moteur turbocompressé aux 24 Heures.