Ce nouveau pneumatique est issu d’une différence fondamentale de conception par rapport à l’enveloppe à carcasse diagonale majoritaire jusqu’alors.
Du diagonal au radial
Pour qu’une auto soit efficace sur la route, il lui faut des pneumatiques adaptés. Seuls éléments de contact entre la voiture et la route, ces derniers ont plusieurs fonctions.
Ils assurent la liaison entre la voiture-sol et, par leur adhérence, contribuent à la tenue de route. Ils doivent maintenir cette adhérence par tout type de temps et de conditions : sec froid, sec chaud, mouillé, voire neige et verglas. Ils agissent aussi à la suspension de la voiture en se déformant sous la charge. Leur déformation latérale doit donc être minimale pour préserver la tenue de route, en laissant leur bande de roulement au maximum en contact de l’asphalte.
Pour assumer ces contraintes parfois contradictoires, les pneumatiques répondent à une fabrication minutieuse. Ils sont composés d’une carcasse, assemblage d’un entrelacs de fils de fer ou de matières synthétiques, pour assurer la rigidité du pneu et son accrochage à la jante. Cette structure est ensuite recouverte de différentes couches de caoutchouc et l’ensemble sera cuit dans un moule à haute température pour agglomérer le caoutchouc et le fixer à la structure. C’est lors de cette étape, appelée vulcanisation, que le moule crée les sculptures du pneu.
Celles-ci sont très importantes, car elles vont permettre d’évacuer l’eau sous la pluie. Les rainures doivent être assez profondes pour évacuer la quantité d’eau (jusqu’à 60 litres/seconde !), mais les pavés de gomme doivent être suffisamment rigides pour ne pas se déformer ni s’arracher en virage.
En compétition, après des années de pneumatiques à dessins, on finit par se rendre compte dans les années 1965-1970 que des pneus sans dessins étaient beaucoup plus efficaces sur sol sec. On a alors inventé les pneus lisses, dits slicks selon le jargon anglais. On prévoit simultanément des pneus à sculptures : profondes pour la pleine pluie, moins marquée pour les conditions séchantes.
La structure des pneumatiques, depuis la création de la roue gonflable, se composait de la même manière. L’entrelacs de fils, métalliques puis en nylon, se faisait par des assemblages de nappes en diagonale sur la surface du pneu, d’un flanc à l’autre, avec un angle optimal entre elles de 50 à 55 degrés. Les qualités de ces pneus consistaient en une grande solidité, notamment sur les flancs qui bénéficiaient des mêmes nappes que sur la bande de roulement. En revanche, toute déformation du flanc se répercutait directement sur la bande de roulement et dégradait alors l’adhérence au sol du pneu.
Le Michelin radial, un pneu « né sous X »
Juste après la Deuxième Guerre mondiale, les ingénieurs de Michelin présentent un pneumatique radial, appelé le Michelin X. La carcasse métallique est alors composée d’une partie dont les fils sont positionnés radialement sur la roue, le long des flancs, puis d’autres nappes entrelacées en X supportent la bande de roulement. Les cerceaux d’accrochage du pneu à la roue sont fixés sur les nappes radiales. La phase de vulcanisation qui permet à ces éléments de s’assembler demeure quant à elle identique.
L’avantage de ce type de carcasse se trouve dans la décomposition des efforts entre les flancs et la bande de roulement. En effet, quel que soit l’effort vertical subi par le pneu, celui-ci est absorbé par la structure radiale, et ne vient pas perturber la partie sur laquelle repose la bande de roulement. Le pneumatique offre alors une tenue de route beaucoup plus constante sous l’effort, notamment en virages, lorsque celui-ci s’écrase sous la contrainte. Il apporte également un plus grand confort d’utilisation, la structure radiale jouant un meilleur rôle d’absorption des efforts verticaux sur le véhicule pour aider les suspensions. En revanche, ses flancs sont plus sensibles aux agressions de la route (pointe, cailloux) qui peuvent passer plus facilement entre les fils de la carcasse radiale.
Petit à petit, le pneu radial X démontre sur route ouverte sa supériorité par rapport au pneu diagonal. Mais reste un domaine que Michelin doit investir pour prouver le bien-fondé de ses solutions : la compétition. Au milieu des années 1970, sous la houlette de Pierre Dupasquier, le manufacturier clermontois lance deux programmes : en Formule 1 avec Renault et Ferrari, et au Mans avec les prototypes Renault-Alpine turbocompressés. Après quelques années de travail dans l’ombre, en 1977, les Alpine A442 dominent les Porsche en performances, pour aboutir en 1978 à la première victoire du pneu radial aux 24 Heures du Mans, avec au volant Jean-Pierre Jaussaud et Didier Pironi au volant. Quatre mois et demi plus tôt, le 29 janvier 1978, Michelin avait signé sa première victoire en Formule 1 au Grand Prix du Brésil, grâce à la Ferrari 312 T2 de l’Argentin Carlos Reutemann.
Depuis, le pneu radial s’est généralisé dans l’automobile. Le pneu à structure diagonale reste néanmoins le plus approprié dans des domaines aussi variés que la moto (qui fait travailler les flancs comme bande de roulement quand la moto s’incline en virage) et les engins agricoles ou de chantier (pour la grande résistance des flancs sur les terrains accidentés).
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS 1923-1978 - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : 55 ans séparent ces deux photos et les deux premières victoires de Michelin aux 24 Heures du Mans, avec le doublé de Chenard & Walcker en 1923 (ici à l'image la voiture de Raoul Bachmann/Christian Dauvergne, deuxième) et le premier succès du pneu à carcasse radiale en 1978, avec la Renault-Alpine de Jean-Pierre Jaussaud/Didier Pironi. A la veille du Centenaire, le manufacturier français compte 31 victoires sarthoises et se rapproche toujours un peu plus du record détenu par Dunlop (34).