CENTENAIRE DES 24 HEURES – HISTOIRES DE MARQUES ⎮ Outre Ferrari, Peugeot sera également très attendu les 10 et 11 juin prochain, dans le cadre déjà historique de l’édition du Centenaire. Retour sur les trois grands chapitres de l’histoire du constructeur français le plus victorieux au Mans à égalité avec Matra (trois succès chacun), avant la première apparition en piste de l’Hypercar 9X8 sur le circuit des 24 Heures.
La toute première apparition de Peugeot aux 24 Heures du Mans remonte à la quatrième édition, en 1926, avec André Boillot/Louis Rigal (n°2) et Christian Dauvergne/Louis Wagner (n°3) au volant de deux 174S. La n°2 est mise hors course alors qu'elle est en tête, au motif d'un montant de pare-brise endommagé, qui n'a pas échappé à l'oeil aiguisé des commissaires techniques.
Un concessionnaire visionnaire
Une décennie plus tard, les premiers résultats sarthois de la marque au lion se concrétisent à l’initiative d’Emile Darl’mat. Concessionnaire Peugeot depuis 1923 (année de naissance des 24 Heures, ça ne s’invente pas !), il se fait d’abord connaître en réalisant des carrosseries personnalisées sur base de coupés et cabriolets, principalement 201, 301 ou encore 601. Vendues à un prix très concurrentiel à une clientèle éprise d’originalité, ces voitures intègrent même la gamme de Peugeot, qui autorise même Emile Darl’mat à réaliser un coupé en petite série, qui va devenir la 402 Spéciale Sport.
Futur Directeur de Course adjoint des 24 Heures du Mans, Charles de Cortanze convainc son ami concessionnaire d’aligner cette voiture dans la Sarthe. En 1937, trois exemplaires sont au départ et terminent tous dans le top 10 du classement général, avec dans l’ordre Marcel Contet/Jean Pujol (7e), Charles de Cortanze/Maurice Serre (8e) et Daniel Porthault/Louis Rigal (10e). L’année suivante, une seule des trois 402 Spéciale Sport engagées est à l’arrivée, mais signe une superbe cinquième place assortie d’une victoire de catégorie grâce à Charles de Cortanze, associé cette fois à Marcel Contet.
905, le premier numéro gagnant
Il faut attendre 1991 pour retrouver Peugeot au Mans, sous la houlette de Jean Todt, devenu fin 1981 patron des activités sportives du constructeur français. Cette entité baptisée Peugeot Talbot Sport annonce à l'automne 1988 son intention de s'engager aux 24 Heures.
En 1991, la marque au lion débarque dans la Sarthe, avec deux exemplaires de la Peugeot 905, qui va devenir le véritable symbole d'une nouvelle génération de prototypes, alors que la réglementation dite du Groupe C, lancée en 1982, arrive au bout de son histoire. Cette voiture est l’œuvre de l'ingénieur André de Cortanze, fils de Charles, l’un des initiateurs de l’engagement de 1937 et 1938.
En 1991, les deux 905 bénéficient d'emblée d'une belle cote de popularité auprès du public et sont incontestablement rapides. Elles renoncent toutefois avant la tombée de la nuit mais, pour les hommes de Jean Todt, il s'agissait aussi d'emmagasiner l'expérience nécessaire pour le rendez-vous avec la victoire. C'est chose faite le 21 juin 1992 : après un long duel à distance avec Toyota, les deux 905 terminent sur le podium avec les vainqueurs Yannick Dalmas/Derek Warwick/Mark Blundell, et Philippe Alliot/Mauro Baldi/Jean-Pierre Jabouille, troisièmes.
L’année suivante, Geoff Brabham/Christophe Bouchut/Eric Helary, Teo Fabi/Yannick Dalmas/Thierry Boutsen (2e) et le trio Alliot/Baldi/Jabouille signent le premier triplé d’une marque française depuis Lorraine Dietrich en 1926 ! Sur ce triomphe, Jean Todt quitte Peugeot pour prendre la direction de la Scuderia Ferrari, avant trois mandats à la présidence de la FIA, de 2009 à 2021.
Peugeot-Audi : un duel de diesels
A l’instar d’Audi qui l'a imposée pour la première fois au Mans en 2006, Peugeot choisit la technologie du moteur turbo diesel pour son retour dans la Sarthe. Avec une originalité supplémentaire : le filtre à particules, destiné à retenir les particules contenues dans les gaz de combustion.
En 2007 et 2008, la rapidité de Peugeot (deux pole positions de Stéphane Sarrazin) fait face à l'expérience d'Audi, qui remporte ces deux éditions. En 2007, le trio Sébastien Bourdais/Pedro Lamy/Stéphane Sarrazin signe tout de même une encourageante deuxième place. L'année suivante, le sort de la course bascule pendant la nuit, lorsqu'à l'issue d'une magnifique remontée sous la pluie, l'Audi R10 TDI de Dindo Capello/Tom Kristensen/Allan McNish prend le meilleur sur la 908 HDi FAP de Marc Gené/Nicolas Minassian/Jacques Villeneuve. Ces derniers terminent deuxièmes, et la seconde voiture de Pedro Lamy/Stéphane Sarrazin/Alex Wurz cinquième.
De très rapide, la Peugeot 908 HDi FAP devient dominatrice en 2009. Après une troisième pole position consécutive pour Stéphane Sarrazin (performance que seul Jacky Ickx avait réussie avant lui, en 1981, 82 et 83), les trois 908 HDi FAP d'usine s'offrent une arrivée groupée sous le drapeau à damier. L'Autrichien Alex Wurz signe sa deuxième victoire mancelle après l’édition 1996, qu’il avait remportée dès sa première participation. Marc Gené devient le premier Espagnol vainqueur des 24 Heures et David Brabham rejoint au palmarès son frère aîné Geoff, vainqueur seize ans plus tôt, déjà sur Peugeot. Deuxièmes, Bourdais, Lamy et Sarrazin complètent un doublé à la marque au lion, auquel s'ajoute la sixième place de Nicolas Minassian/Pedro Lamy/Christian Klien, retardés par une crevaison en début de course.
Mais en 2010, aucune des quatre Peugeot (après Pescarolo Sport en 2009, une quatrième voiture a été confiée à l'équipe Oreca) n'est à l'arrivée, à la suite d'une épidémie de ruptures de bielles. Grâce à Romain Dumas, Timo Bernhard et Mike Rockenfeller, Audi signe s’adjuge sa neuvième victoire et un nouveau record de la distance, à plus de 225 km/h de moyenne. En 2011, Audi et Peugeot font peau neuve, respectivement avec la R18 TDI (premier prototype fermé depuis la R8C de 1999) et une voiture rebaptisée tout simplement 908, pour une édition des 24 Heures du Mans entrée dans la légende.
Avant même les douze coups de minuit de cette 79e édition, Audi a déjà perdu de deux ses trois voitures, à la suite de deux accidents aussi violents que miraculeux, dont Allan McNish et Mike Rockenfeller sortent indemnes.
Le dimanche matin, à 7 h 00, commence une course-poursuite entre l'Audi rescapée de Marcel Fässler/André Lotterer/Benoît Tréluyer et la Peugeot de Sébastien Bourdais/Pedro Lamy/Simon Pagenaud. Pendant les huit heures de course restantes, les deux protagonistes se donnent à fond. A 15 h 00, sous le drapeau à damier, l'écart n'est que de treize secondes, en faveur de l'Audi n°2, suivie par Simon Pagenaud et les trois autres Peugeot engagées (Stéphane Sarrazin/Franck Montagny/Nicolas Minassian, Anthony Davidson/Alex Wurz/Marc Gené et Nicolas Lapierre/Loïc Duval/Olivier Panis).
9X8 : quatrième chapitre, quatrième victoire ?
Après l’arrêt du programme 908 début 2012, Peugeot fait son retour dans la discipline dix ans plus tard, en disputant les trois dernières manches du Championnat du monde d’Endurance FIA 2022.
Exposée au Musée des 24 Heures l’an passé, la Peugeot 9X8 fera ses débuts dans la Sarthe pour l’édition du Centenaire, succédant ainsi aux 905 et 908 HDi FAP. Fera-t-elle de la marque au lion, déjà riche de trois victoires et six pole positions mancelles, le constructeur français le plus victorieux aux 24 Heures avec un quatrième succès ? Laissons le mot de la fin à Jean-Marc Finot, responsable des activités compétition du groupe Stellantis, qui rassemble Peugeot, Fiat et Chrysler : « Ce qui réunit ces trois Peugeot, c’est un laboratoire de démonstration de savoir-faire : les très hauts régimes pour la 905, le diesel et le filtre à particules pour la 908 et l’hybride pour la 9X8. En 1992 et 1993, j’étais ingénieur à Sochaux et avec les copains, nous allions écouter le V10 de la 905 à Maison Blanche. Pour ramener Peugeot au Mans, il fallait la technologie hybride, une réglementation abordable correspondant à l’ADN de Peugeot. Aujourd’hui, toutes les cases sont cochées et c’est très fédérateur pour l’entreprise. La cote d’amour est forte, car Peugeot est la deuxième marque préférée des Français. Quant à la pression, elle est présente à toutes les séances d’essais et à toutes les courses, et nous aborderons à fond l’édition du centenaire des 24 Heures du Mans, comme toutes les autres ! »
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS 1938-2009 - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : le drapeau à damier de la troisième et dernière victoire en date en 2009 ; la 174S, première Peugeot vue au Mans en 1926 (n°3) ; André de Cortanze (serre-tête en cuir, au volant) et son coéquipier Marcel Contet sur la 402 Spéciale Sport à l'arrivée des 24 Heures 1938 (n°24) ; la 905 lors de sa première apparition au Mans en 1991 (n°5) et de la première victoire de la marque aux 24 Heures en 1992 (n°1) ; la victoire de la 908 HDi FAP en 2009 (n°9) a fait de Peugeot l'égal de Matra au palmarès des constructeurs français aux 24 Heures ; après avoir été l'une des héroïnes de l'exposition Allure Le Mans au Musée des 24 Heures en 2022, la 9X8 sera en piste en 2023 pour l'édition du Centenaire (LOUIS MONNIER / ACO).