La décoration des voitures : symphonie multicolore en 24 Heures majeures
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La décoration des voitures : symphonie multicolore en 24 Heures majeures

CENTENAIRE DES 24 HEURES – LE MANS, L’EXCEPTION ⎮ Outre les formes des voitures, la mémoire collective des 24 heures du Mans se nourrit également de leurs couleurs, repère le plus immédiat pour le spectateur, qu’il soit ou non spécialiste. En voici quelques variations, impressions et peut-être inspirations pour la célébration très attendue du Centenaire.

Pendant longtemps, la décoration des voitures s’est résumée à une couleur uniforme, référence au pays d’origine quand il s’agissait d’une écurie d’usine : rouge pour l’Italie, bleu pour la France, jaune pour la Belgique… Mais certaines touches de couleur sont entrées dans la mémoire collective, comme le British Racing Green, le vert foncé britannique. Certaines écuries avaient aussi une couleur spécifique : souvenons-nous par exemple du bleu nuit à bande horizontale blanche des Jaguar Type D de l’Ecurie Ecosse victorieuses des 24 Heures en 1956 et 57.

Gulf et Porsche 917, « l’art premier » de la décoration multicolore

1968 marque un changement majeur dans l’histoire du sport automobile, avec l’autorisation du sponsoring extra-sportif – c’est-à-dire par des sociétés dont l’activité principale n’est pas liée au sport automobile. Cette année-là, une livrée va marquer d’emblée les esprits : le bleu ciel et l’orange de la compagnie pétrolière Gulf sur la Ford GT40 de Pedro Rodriguez/Lucien Bianchi et Jacky Ickx/Jackie Oliver, respectivement vainqueurs en 1968 et 69.

En 1970 et 71, la Porsche 917 entre dans la légende des 24 Heures du Mans non seulement par ses résultats, mais aussi par ses livrées. Outre la décoration Gulf pour les voitures de l’équipe de John Wyer, la livrée mauve et verte à parements blancs de la voiture de Gérard Larrousse/Willi Kauhsen, deuxième en 1970, marque les esprits et devient instantanément culte pour les passionnés et modélistes. La 917 des vainqueurs Richard Attwood et Hans Herrmann est engagée sous la bannière de l’écurie Porsche Konstruktionen Salzburg, dont l’identité visuelle caractéristique consiste en des flammes stylisées entourant les phares.

En 1971, Kauhsen partage avec Reinhold Joest le volant d’une 917 qui adresse un clin d’œil à la Sarthe, pays des rillettes, sous la forme d’une livrée rose parsemée de pointillés figurant les différentes parties de la viande de cochon. Ainsi, le surnom de « cochon rose » s’impose-t-il jusqu’à aujourd’hui. Porsche y fera même référence bien des années plus tard, mais n’anticipons pas.

Les couleurs nationales toujours gagnantes

A ces décorations pionnières s’ajoute une floraison d’autocollants publicitaires saluant les généreux sponsors, parfois sans véritable souci de cohérence esthétique. Ce qui n’empêche pas les couleurs nationales de faire de la résistance : triples vainqueurs en 1972, 73 et 74, les prototypes Matra restent dans les mémoires autant par le son enchanteur de leur V12 que par leur bleu de France, couleur aujourd’hui fièrement arborée par Signatech Alpine.

Attachée à une certaine tradition du sport automobile et à ses références historiques, la Grande-Bretagne reste fière de son British Racing Green, qui a été la couleur de Bentley lors de son retour aux 24 Heures du Mans au début des années 2000, avec en point d’orgue la victoire en 2003 pour Tom Kristensen, Dindo Capello et Guy Smith.

N’oublions pas le rouge italien, devenu au fil du temps l’intemporel Rosso Corsa, le rouge de compétition de Ferrari, qui sera la couleur du retour du cheval cabré en catégorie reine Hypercar en 2023.

L’art multiple de la décoration

Aujourd’hui, la décoration des voitures fait partie intégrante de la communication d’une écurie, au pouvoir d’attraction amplifié de surcroît par le développement des réseaux sociaux, comme l’explique le graphiste Gaazmaster, qui a réalisé ces dernières années de nombreuses livrées en catégorie LMP2 : « Aujourd'hui, on trouve deux types d'écuries. D'une part celles disposant d'un budget important et ayant donc peu de partenaires, où tout tourne autour d'un seul logo. Et d'autre part celles qui fédèrent de nombreux partenaires. Chaque partenaire a donc ses propres exigences, tout comme les teams, notamment ceux disposant de couleurs historiques qu'il faut conserver. Chacun veut donc le plus de visibilité possible pour aboutir à une belle décoration, immédiatement identifiable de loin. »

Parmi les couleurs distinctives d'une écurie, l'un des exemples les plus célèbres est le vert du casque d'Henri Pescarolo, qui a toujours été décliné sur les voitures de son écurie. Une livrée peut même naître par défaut, comme ce fut le cas au début des années 2000 pour les prototypes Dome en drapeau à damier de Jan Lammers, ancien vainqueur des 24 Heures devenu pilote propriétaire d’écurie : « J'ai pensé à cette décoration en damier dans un vol retour vers les Pays-Bas en provenance du Japon, en désespoir de cause. Nous avions perdu notre partenaire principal et l'aventure des 24 Heures a bien failli s'arrêter avant même d'avoir commencé. Pilote, manager et disons directeur financier, je faisais tout cela à la fois, mais mes capacités en marketing et en gestion étaient limitées. L'ironie de cette histoire est que malgré nos difficultés, les gens adoraient cette décoration ! »

L’art de la décoration se décline aussi en référence historique, comme ce fut le cas pour Porsche en 2018. Pour fêter son 70e anniversaire, le constructeur allemand a ainsi repris la décoration « cochon rose » de 1971 pour une de ses deux 911 d’usine, qui a d’ailleurs remporté la catégorie LMGTE Pro aux mains de Michael Christensen, Kévin Estre et Laurens Vanthoor. Cette même année, les Ford GT reprenaient les livrées victorieuse en 1966 et 67, apogée du duel entre le constructeur américain et Ferrari dans la Sarthe.

En attendant le centenaire

Ces dernières années, les 24 Heures du Mans ont également fait l’objet de décorations spéciales dans toutes les catégories. Citons par exemple en LMGTE Pro l’écurie Risi Competizione en 2019, qui a fait appel à l’Ecole supérieure des arts appliqués et des métiers d’art de Paris.

Gageons que la perspective du Centenaire des 24 Heures en 2023 va titiller l’imagination des graphistes comme des responsables marketing pour des livrées inédites, commémoratives ou référencées. Ferrari y a déjà pensé pour son retour, en basant la décoration de son Hypercar 499P sur celle de la 312 PB de 1973, dernier prototype d’usine du cheval cabré vu aux 24 Heures. En attendant probablement d’autres belles surprises en juin prochain.

PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : La livrée Gulf déclinée en 1971 en carrosserie bleu ciel et toit orange pour la Porsche 917 de Jo Siffert/Derek Bell (n°17), aujourd'hui pensionnaire du Musée des 24 Heures ; sur la 917 mauve de Gérard Larrousse/Willi Kauhsen en 1970 (n°3), le vert avait été la veille de la course rajouté à la bombe à peinture dans les parties blanches ; sur l'Alpine de 2022, le blanc et le rouge se sont ajoutés au bleu de France, en référence aux couleurs du drapeau national ; la livrée en damier de la Dome de l'écurie de Jan Lammers sera une habituée du top 10 des 24 Heures au début des années 2000 (8e en 2002, 6e en 2003, 7e en 2004 et 2005) ; la décoration rose de la Porsche 917 de 1971 dans sa première version (avant l'ajout en langue allemande des différentes parties du cochon) puis en 2018 sur la 911 victorieuse en catégorie LMGTE Pro ; la livrée de la Ferrari de Risi Competizione en 2019 selon l'Ecole supérieure des arts appliqués de Paris.

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