De 1972 à 1975, Jean Rondeau a tout d'abord découvert les 24 Heures en tant que pilote. Ces quatre premières participations se soldent par une 19e place sur Porsche 908/2 en 1974, deux abandons (1972 et 75) et une non-qualification (1973). Outre son premier drapeau à damier, Jean Rondeau a piloté en 1975 l’une des toutes premières Mazda à moteur rotatif vues aux 24 Heures du Mans, une RX3 qu’il partage avec Claude Buchet. Seize ans plus tard, Mazda deviendra le premier constructeur japonais vainqueur dans la Sarthe.
La chasse aux partenaires
Lorsqu’il devient constructeur en vue de l’édition 1976, Jean Rondeau fait aussi œuvre de pionnier en matière de marketing par la stratégie connue aujourd’hui sous le terme de « naming », qui consiste à baptiser ses voitures du nom de leur sponsor. En 1976 et 1977, ses prototypes propulsés par un moteur V8 Ford-Cosworth 3 litres issu de la Formule 1 portent le nom d’Inaltéra, un fabricant de papier peint.
A la fin de cette collaboration, Jean Rondeau réunit au fil des années des partenaires venus de secteurs d’activités aussi nombreux que différents : entre autres médias spécialisés ou généralistes, tourisme, électroménager, accessoires automobiles, appareils photos, jusqu’au groupement des concessionnaires Ford français en 1983.
A partir de 1984, les Rondeau présentes aux 24 Heures sont des engagements privés, tandis que Jean Rondeau diversifie ses activités de constructeur lors de l’arrivée en France de la Formule Ford, premier échelon anglo-saxon des formules de promotion monoplace. Ses châssis remportent les deux premiers titres du championnat français de la discipline en 1984 et 85.
A cette même période, Jean Rondeau redevient « simple » pilote, terminant deuxième en 1984 en compagnie des Américains Preston Henn et John Paul Jr sur Porsche 956, dont il avait été le plus dangereux adversaire dans le Championnat du monde d’Endurance en 1982. L’année suivante, sa dernière participation s’achève sur une 17e place chez le constructeur français WM, futur détenteur du record de vitesse dans la ligne droite des Hunaudières (405 km/h en 1988).
Des pilotes de tous horizons
De 1976 à 1983, l’enthousiasme et la détermination de Jean Rondeau ont su non seulement fédérer des partenaires, mais aussi séduire des pilotes aux parcours aussi différents qu'éclectiques.
En 1976, pour les débuts manceaux du Jean Rondeau constructeur, les équipages ont fière allure. Sur l’Inaltéra n°1 sont réunies deux légendes du sport automobile français, qui venaient d’écrire l’épopée Matra les années précédentes : Henri Pescarolo, triple vainqueur à l’époque, et Jean-Pierre Beltoise. Sur la n°2, Jean Rondeau est déjà associé à Jean-Pierre Jaussaud, qui seront par la suite réunis sur la plus haute marche du podium en 1980, après un long duel avec la Porsche de Jacky Ickx/Reinhold Joest.
Déjà coéquipière du duo Rondeau/Jaussaud en 1976, la Belge Christine Beckers forme en 1977 sur l’Inaltéra n°2 un équipage 100 % féminin avec l’Italienne Lella Lombardi, avec à l’arrivée la onzième place.
Deux grandes figures françaises du rallye figurent également parmi les pionniers de l’aventure du Jean Rondeau constructeur. En 1977, Jean Ragnotti termine quatrième en compagnie de Jean Rondeau, avant de signer la pole position en 1980, associé à Henri Pescarolo. Quant à Bernard Darniche, il est le coéquipier de Jean Rondeau en 1978 (9e) et 79 (5e).
En 1977, un futur vainqueur des 24 Heures du Mans découvre la Sarthe au volant d’une Inaltéra. Par la suite grand spécialiste de Porsche, Al Holbert boucle son premier double tour d’horloge sarthois en treizième position avec Jean-Pierre Beltoise. Par la suite, il devient le pilote américain le plus victorieux aux 24 Heures avec trois succès, à égalité avec ses compatriotes Phil Hill et Hurley Haywood.
On compte également parmi les pilotes de Jean Rondeau espoirs français du sport automobile (Alain et Michel Ferté, Philippe Streiff), spécialistes des voitures de tourisme (Alain Cudini, Dany Snobeck, Xavier Lapeyre, Jacky Haran), des 24 Heures (François Migault, Jean-Louis Lafosse) ou encore vainqueurs en Formule 1 (Patrick Tambay, Thierry Boutsen).
« Jean avait une personnalité très attachante, nous avons eu ensemble des rapports très proches et très profonds, c’était quelqu’un de très passionné, se souvient Henri Pescarolo, qui a piloté à six reprises pour Jean Rondeau aux 24 Heures du Mans. Sa volonté de gagner n'avait effectivement rien à envier à celle que j'avais connue avec Jean-Luc Lagardère chez Matra, mais sa motivation était différente, et même plutôt nouvelle : il a décidé de construire lui-même ses voitures parce qu'il ne parvenait plus à en trouver qui lui convenaient. » De cette esprit de nouveauté est né l’un des plus étonnants chapitres de l’histoire des 24 Heures du Mans, qui a offert à Jean Rondeau une place de choix dans le palmarès de la course et aussi dans le cœur de nombreux passionnés.
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : Ici au volant en 1979, Jean Rondeau est contraint cette année-là à l'abandon ; Jean Rondeau (deuxième en partant de la gauche) et son équipe autour de la voiture qu'il amène en neuvième position en 1978, associé à Bernard Darniche et Jacky Haran (respectivement premier et quatrième en partant de la gauche) ; vainqueurs en 1980, Jean Rondeau et Jean-Pierre Jaussaud (à droite) ont disputé ensemble deux autres éditions des 24 Heures du Mans, en 1976 avec la Belge Christine Beckers (21e), puis à nouveau en duo en 1981 (abandon).