Jaguar Type D, un félin de course pour les 24 Heures du Mans
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Jaguar Type D, un félin de course pour les 24 Heures du Mans

CENTENAIRE DES 24 HEURES – UNE HISTOIRE D’INNOVATIONS ⎮ En un siècle d’histoire, les 24 Heures du Mans n’ont jamais cessé d’être un banc d’essai aussi mythique qu’impitoyable pour de nombreuses nouveautés technologiques. Mais ces innovations ont aussi concerné des voitures spécifiquement conçues le double tour d’horloge sarthois. C’est le cas de la Jaguar Type D, trois fois victorieuse.

En 1951, Jaguar signe sa première victoire aux 24 h du Mans avec une XK120 C, communément appelée Type C. Mais pour 1952, Stirling Moss, le pilote fétiche de l’écurie, demande à ce que le profil de la voiture soit revu, après avoir été impressionné par la vitesse de pointe des Mercedes.

Une version plus aérodynamique de la Type C voit alors le jour pour Le Mans, mais c’est un échec : le moteur insuffisamment refroidi cause l’abandon des trois voitures engagées. En 1953, la Type C revient sur le devant de la scène avec un retour à une carrosserie plus conventionnelle, et aussi – et surtout – des freins à disque qui font la différence. Mais chez Jaguar on sait bien qu’une nouvelle voiture est nécessaire pour rivaliser avec les Ferrari, dont la puissance moteur ne cesse d’augmenter selon la doctrine chère au Commendatore, et avec des Mercedes toujours plus performantes. Ainsi va naître la Type D pour les 24 Heures du Mans 1954.

Toujours plus léger, toujours plus vite

Par rapport à la Type C, le travail porte sur une diminution du poids et un gain de vitesse de pointe. Pour atteindre ce premier objectif, les ingénieurs de Jaguar imaginent une structure monocoque en alliage d’aluminium, allant de la cloison pare-feu avant aux suspensions arrière. A l’avant de cette cloison, un faux châssis est soudé pour supporter le moteur et la suspension antérieure. Rigidité et légèreté sont au rendez-vous par rapport à la Type C de 1953, avec un poids tombé de 1013 kg à 880 kg, soit un gain de 133 kg.

Le deuxième objectif est rempli grâce à la carrosserie dessinée par Malcolm Sayer, ingénieur venu de l’aéronautique. A l’inverse des standards de l’époque, l’avant ne comporte pas de calandre. Une simple « bouche » fait entrer l’air et refroidit le moteur, inspirant celle que l’on retrouvera sur la Type E de série. La forme générale est très plate sur le dessus entre les ailes, avec un très long capot, et très bulbeuse sur l’avant et les côtés. Le pare-brise protège uniquement le pilote, la place du passager étant condamnée par un panneau de carrosserie rapporté. Derrière le pilote, un bossage fait suite à la tête casquée et redescend vers le plan arrière. Très fin, ce dernier se termine par une simple arrête de jonction entre les parties haute et basse.

Le moteur reste celui des Type C, avec l’avantage de sa robustesse et l’inconvénient de sa course longue qui en limite le régime maximum. Il s’agit d’un six cylindres de 3442 cm3, à double arbre à cames en tête, mais passait de deux à trois carburateurs, des Weber remplaçant les SU. Il délivrait plus de 250 ch. et 325 Nm de couple. Et bien entendu, elle conserve les extraordinaires freins à disque amenés à la victoire par la Type C l’année précédente.

La Jaguar Type D se présente dans cette configuration aux essais préliminaires d’avril 1954. Mais très rapidement, pour la course en juin, une arête dorsale apparaissait au-dessus du bossage arrière, avec pour objectif de stabiliser la voiture à haute vitesse. C’est avec cette manière « d’aileron  de requin », associé aux galbes aérodynamiques de la carrosserie, qu’elle entre dans la mémoire des spectateurs et l’imaginaire collectif des 24 Heures.

Dans cette édition 1954 courue en grande partie sous la pluie, et bien que rendant près de 80 ch à la Ferrari 375 Plus, elle cravachera en permanence pour se maintenir en embuscade, remontant même dans le même tour suite aux ennuis électriques de l’italienne lors de son dernier relais, et échoue finalement à quatre kilomètres des vainqueurs Maurice Trintignant et Jose Froilan Gonzalez.

1955-1957 : trois victoires consécutives

L’année 1955 s’annonce grandiose : Mercedes avec trois voitures munies d’un aérofrein derrière le pilote, Ferrari avec également trois voitures, et Jaguar avec cinq voitures (trois officielles, une pour Cunningham  et une pour l’Ecurie Francorchamps) se partageaient la vedette, avec Aston Martin comme outsider.

Pour lutter contre les surpuissantes Allemandes et Italiennes, Jaguar améliore encore l’aérodynamique de sa Type D. Un nez plus long, un pare-brise plus enveloppant et une arête arrière allant jusqu’à l’extrémité de la voiture permettent de gagner de précieux kilomètres/heure.

Hélas, pour les raisons que l’on sait la lutte n’ira pas jusqu’à son terme, les Mercedes étant retirées après l’accident de Pierre Levegh et les Ferrari victimes de leurs moteurs. La Type D de Mike Hawthorn et Ivor Bueb (n°6) signe malgré tout la troisième victoire de Jaguar.

L’ACO imposant en 1956 un pare-brise sur toute la largeur de la voiture, la Type D jongle avec le règlement en installant à côté du pilote un panneau en pente douce au-dessus de l’emplacement du passager.

Jaguar remporte une quatrième victoire grâce à la voiture à nez court confiée à l’Ecurie Ecosse, avec au volant Ron Flockhart et Ninian Sanderson. La seule voiture d’usine à l’arrivée se classe sixième avec au volant les vainqueurs de 1955 Mike Hawthorn et Ivor Bueb, les deux autres étant entrées en collision au troisième tour.

Jaguar se retire alors officiellement et confie l’exploitation de ses Type D ex-usine à l’Ecurie Ecosse, qui signe en 1957 une dernière victoire grâce à Flockhart et Bueb. La glorieuse Anglaise s’offre même avec ses écuries privées un splendide quadruplé, auquel s’ajoute même une sixième place.

Sur ce triomphe s'achève l’histoire de cette voiture combinant intelligence technologique avec son châssis hors norme et sa carrosserie très fine, et tradition toute britannique avec son moteur 3,5 litres. Pour 1958, l’ACO a limité la cylindrée des moteurs à 3000 cm3 et le vénérable moteur XK ne pouvait plus être compétitif en réduisant de 500 cm3 sa cylindrée. Mais la Jaguar Type D reste encore aujourd’hui l’une des voitures les plus mythiques de l’histoire des 24 Heures.

PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS 1955-1957 - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : La Type D de Mike Hawthorn et Ivor Bueb victorieuse de l'édition 1955, marquée à la fois par l'accident de Pierre Levegh et la pluie qui s'est ensuite abattue sur la course ; un changement dans le règlement des 24 Heures du Mans a abouti à une modification du pare-brise de la Jaguar Type D, comme on peut le voir sur la voiture de Johnny Claes/Jacques Swaters (n°10), troisième en 1955, et celle de Mike Hawthorn (ici au volant de la n°1)/Ivor Bueb, deuxième en 1956.

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