Jacky Ickx : « Monsieur Le Mans » ou un certain art de vivre en six chapitres
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Jacky Ickx : « Monsieur Le Mans » ou un certain art de vivre en six chapitres

CENTENAIRE DES 24 HEURES - DES MACHINES ET DES HOMMES Par ses exploits dans la Sarthe, Jacky Ickx est devenu le premier « Monsieur Le Mans ». Un surnom que même Tom Kristensen, qui lui a succédé en tant que recordman des victoires, n’ose lui contester. Jacky Ickx, ce sont quinze participations de 1966 à 1983, six victoires, trois autres podiums, cinq pole positions (record détenu depuis 1983)… Mais Jacky Ickx est aussi un « Monsieur Le Mans » à qui le parcours hors norme a offert un regard singulier non seulement sur sa réussite sarthoise, mais sur la vie en général… Ici évoqués à la première personne.

1966, à la découverte des 24 Heures

« En 1966, j'avais 21 ans. J'avais fait deux courses aux Etats-Unis, où j'ai rencontré un personnage qui s'appelait Skip Scott, et qui faisait rouler des Ford GT40 aux 24 Heures du Mans, et il m'a engagé dans son équipe Essex Wire. A cette époque, le sport automobile n'avait pas le niveau de sécurité qui est le sien aujourd'hui, son quotidien était souvent constitué d'accidents graves ou mortels. Ce qui fait la témérité de la jeunesse, c'est un instinct de conservation très limité. A vingt ans, on ne connaît rien de la vie et de sa brièveté, alors rien ne vous arrête. Pendant les années 1960, il y a eu tellement d'accidents que tout le monde en a été affecté directement. Ca n'a arrêté personne, mais nous étions tous conscients que lorsque nous partions en week-end de course, nous pouvions ne pas rentrer chez nous le lundi. »

1969, la victoire en marchant

« Le problème de ce magnifique départ en épi, et que Pierre Fillon a réactualisé, c'est qu'il y avait un choix à faire. Quand on court vers sa voiture et qu'on veut partir parmi les premiers, il était hors de question d'attacher sa ceinture. Nous ne faisions pas partie des favoris, et sur une épreuve de longue distance comme les 24 Heures, le départ n'a qu'une signification toute relative. Il était donc facile de partir dernier et de mettre sa ceinture tranquillement. Certes, nous sommes partis derniers et nous sommes arrivés premiers... Mais imaginez que nous soyons arrivés deuxièmes… On pourrait me dire aujourd'hui : ‘au lieu de faire le malin au départ, vous auriez pu vous dépêcher un peu plus et vous auriez gagné la course’. Mais le plus important, c'est de faire les choses avec conviction. »

1970-1973, les années Ferrari

« Enzo Ferrari a aussi connu l'époque où le sport automobile était dangereux. Je pense qu'il ne lui était pas possible de se lier d'amitié ou d'affection avec les pilotes qui couraient pour lui. Comme le risque d'accident était très important, il ne voulait pas être trop proche d'eux, pour ne pas avoir à en souffrir. Mais je garde le souvenir d'un homme infiniment affectueux et sensible. Je n'ai pas quitté Ferrari en mauvais termes. Je suis parti car je voulais faire en même temps de la Formule 1 et de l'endurance (ce qui était assez courant pendant les années 1970), mais Ferrari ne m'offrait plus cette possibilité. Ce qui a fait l'histoire des 24 Heures du Mans, ce sont les grands duels, avec effectivement Matra et Ferrari. Il y a eu l'essor incroyable de Matra et de Jean-Luc Lagardère, qui a décidé de faire du sport automobile et y intégrant les connaissances aéronautiques de ses ingénieurs. »

1977, une victoire qui revient de (très) loin

« Dans mes belles éditions des 24 Heures du Mans, 1977 est la première dont il faut se souvenir, car c'était a priori une course perdue. Elle avait commencé avec Henri Pescarolo, mais elle s'était arrêtée au bout de trois heures seulement. Je n'aurais pas dû gagner cette année-là. Une course comme celle-là, on n'en connaît pas beaucoup dans une vie de pilote. Ce fut magique parce que nous avons transformé une course perdue en une course gagnée, où toute l'équipe s'est sublimée. »

Une course d’endurance… et de vitesse

« Quand on arrive au Mans à l'âge de 20-22 ans, c'est le pinacle des courses d'endurance et même du sport automobile, car à la fin des années 1960, la Formule 1 n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui.A l'époque, les 24 Heures du Mans n'étaient pas le Grand Prix de 24 Heures qu'elles sont aujourd'hui, où les pilotes sont à fond tout le temps. Ca passe ou ça casse. Il y a quarante-cinq ans, quand les voitures sont fragiles et qu'il faut les ménager tout au long de cette distance et dont il fallait exploiter toutes les qualités au moment opportun. Comme a priori, nous n'étions pas candidat à la victoire en 1969, ça ne posait pas de problème. La course automobile, c'est ça : des surprises, des aléas... Alors il faut toujours y croire et faire de son mieux. »

Salut aux autres héros des 24 Heures

« Il faut remettre les choses à leur place. Il y a les héros en piste, mais il y a aussi une énorme injustice, car les choses se passent bien en amont de la course, avec des gens qu'on ne voit jamais. Ces gens sont passionnés et travaillent dans l'ombre, ce sont les artisans d'un projet et qui font d'un pilote ce qu'il est. Ils vous offrent un outil, et si vous êtes là au bon moment, c'est l'outil gagnant. Bien sûr, on ne gagne pas au Mans si on n'a pas un (ou des) bon(s) coéquipier(s), mais ce n'est rien par rapport à tout ce travail en amont. Dans le parcours de chacun, il y a des gens qui vous intéressent, qui peuvent vous donner des conseils (même si on ne les écoute pas toujours !), qui vous ont parlé d'un livre, d'un auteur, il y a un membre de sa famille, son épouse... Ce sont tous ces gens qui font la vie de chacun. Je ne crois pas aux gens qui disent s'être faits tout seuls. Pour moi, ça n'existe pas. Nous sommes tous le résultat de concours de circonstances. »

PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : Jacky Ickx en 1982, en compagnie de sa première épouse Catherine, mère de leur fille Vanina, qui disputera elle-même à sept reprises les 24 Heures de 2001 à 2011 ; au volant de cette Ford GT40, Jacky Ickx, associé au Britannique Jackie Oliver, arrache la victoire dans le dernier tour de course ; en 1977, c'est une nouvelle fois à l'issue d'une fabuleuse remontée qu'il égale le record de victoires de quatre succès, détenu depuis 1962 par son compatriote belge Olivier Gendebien ; après 1969, 1975, 1976, 1977 et 1982, Jacky Icks remporte sa sixième et dernière victoire (n°1), en emmenant un triplé Porsche dans l'ordre des numéros des voitures.

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