C’est un des lieux de vie mythiques des 24 Heures du Mans. L’Auberge des Hunaudières, ou « Chez Génissel », se tient depuis le début du XXe siècle au bord de la route nationale la plus rapide du monde, la ligne droite des Hunaudières ! C’est véritablement en 1927 que l’histoire commence, avec la reprise de l’établissement par François et Denise Génissel. Leur fils Maurice les aide et prend la suite jusqu’à sa retraite en 1998, à l’âge de 81 ans.
Pendant les années d’avant-guerre, ce lieu était « le quartier général des pilotes. Ils se retrouvaient là-bas les soirs d’essais et ils se racontaient beaucoup de mensonges ! Chaque pilote essayait de ‘’tromper’’ l’ennemi en disant qu’il avait fait tel temps au tour alors que c’était faux. On m’a même raconté qu’ils s’entraînaient au ravitaillement sur la terrasse. L’essence débordait de partout ! », retrace Hervé Guyomard, ancien directeur du circuit Bugatti et mémoire vivante des 24 Heures du Mans. Chaque semaine d’ailleurs, ce dernier s’y rendait avec le président de l’ACO : « C’était la cantine des présidents ! Il y avait même une salle à manger privée. » Selon Hervé Guyomard, on mangeait bien à l’auberge, « c’était bombance ! »
Champagne ou cognac ?
Après-guerre, les pilotes continuent à investir l’établissement. En 1949, c’est l’année de reprise des 24 Heures du Mans. On raconte que le vendredi, veille de la course, Luigi Chinetti, futur vainqueur de cette édition de la renaissance, va soûler au cognac son copilote britannique sur la terrasse de l’auberge, pour éviter que celui-ci ne conduise. « Il trouvait qu’il pilotait mal et il craignait qu’il ne casse la voiture, qui était fragile », éclaire Hervé Guyomard. Mission accomplie : ainsi « neutralisé », le Britannique ne conduit qu’une heure et douze minutes le lendemain !
Au fil des ans, certains pilotes y établissaient leur « quartier général », tel Sammy Davis, victorieux en 1927, Maurice Trintignant ou encore Jacky Ickx. Souvent, il y avait le dîner d’après course. Les vainqueurs se retrouvent là-bas, notamment lors des années Matra, où il y avait des soirées incroyables « avec du champagne à profusion ! »
L’endroit était fréquenté par les teams, mais aussi par toutes sortes de passionnés de la course ! Jean-Marc Teissèdre, initiateur de l’Annuel officiel des 24 Heures et ancien journaliste au magazine Autohebdo, a découvert l’endroit pour la première fois en 1972 : « On m’a emmené chez Génissel manger des fraises au milieu de la nuit. On entendait le bruit des V12 Matra du Tertre Rouge jusqu’à la réaccélération à la sortie du virage de Mulsanne, c’était fantastique. »
Maurice Genissel, au plus près de la passion Le Mans
Si ce lieu fut un tel rendez-vous incontournable des acteurs des 24 Heures du Mans, c’est grâce à sa situation incroyable bien sûr, mais aussi à la personnalité de son propriétaire. Maurice était tellement passionné par la course qu’il ouvrait sa fenêtre la nuit pour enregistrer les bruits des voitures. Une année, il découvre avec horreur que sa fille Isabelle a enregistré par-dessus des chansons de Claude François ! « Il vivait pour les 24 Heures du Mans », selon Hervé Guyomard.
En 2007, l’Auberge des Hunaudières a été reprise par Dominique et Nathalie Trotté, eux aussi passionnés de sport automobile et de gastronomie. Si l’endroit est moins fréquenté par le monde de l’automobile, il reste un lieu légendaire pour nombre de passionnés de la classique mancelle.
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS 1982-2010 - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : Près de trois décennies séparent ces deux photos, avec l'immuable présence de l'auberge Génissel, témoin de l'évolution ininterrompue des 24 Heures du Mans en l'un de ses points les plus rapides.