Chacun a sa manière, Roger Penske et Jean Guichet ont combiné compétition et carrière professionnelle. Après avoir pris sa retraite de pilote, le premier est devenu l’un des hommes d’affaires et patrons d’écurie les plus puissants du sport automobile. Tout en étant industriel, le second a séduit Enzo Ferrari par des performances qui l’ont mené en 1964 jusqu’à la victoire aux 24 Heures du Mans.
En 1963, Jean Guichet dispute ses sixièmes 24 Heures. Cette même année, pour son unique participation en tant que pilote, Roger Penske découvre la Sarthe au sein du North American Racing Team (NART), l’écurie de Luigi Chinetti, triple vainqueur des 24 Heures et importateur américain de Ferrari. Roger Penske a pour coéquipier Pedro Rodriguez. « Nous étions en relations avec Luigi Chinetti, qui était distributeur Ferrari à New York. Comme j’étais pilote, il m’a contacté en me demandant si j’aimerais courir au Mans, raconte-t-il. Je connaissais Pedro et son frère Ricardo, nous courions aux Etats-Unis dans des épreuves sport. A l’époque, la ligne droite des Hunaudières ne comportait pas de ralentisseurs. Aujourd’hui, les pilotes regardent la technologie, les temps au tour… Nous n’avions rien de tout cela à l’époque. C’était aussi intéressant pour la foule, car toutes les voitures étaient dans le garage près de la piste et on pouvait voir toutes les Ferrari alignées. »
En 1963, la 330 TRI/LM de Penske-Rodriguez est contrainte à l’abandon, tout comme la 330 LM de Jean Guichet et Pierre Noblet.
Déjà troisième en 1961 puis deuxième en 1962, ce duo dispute en 1963 ses troisièmes et dernières 24 Heures consécutives, avant que Jean Guichet ne devienne pilote d’usine du cheval cabré l’année suivante, pour une victoire partagée avec Nino Vaccarella. Deux coéquipiers avec qui Jean Guichet partageait une valeur commune : le respect de la mécanique. « J’ai entendu parler des 24 Heures du Mans par la presse. Ce qui m’a intéressé, c’est qu’au Mans, il faut savoir aller vite sans casser la voiture, abîmer les freins, etc. Tout un ensemble qui rendait les 24 Heures très attrayantes pour un pilote, confirme Jean Guichet. Pierre Noblet et moi courions ensemble en gardant à l’esprit le fait qu’il fallait préserver la voiture, en ne dépassant jamais les régimes que nous avions définis ensemble. Et surtout, l’un n’essayait jamais d’être plus rapide que l’autre. Il n’y avait absolument aucune méfiance entre Nino et moi, nous nous entendions très bien. Nous étions toujours d’accord sur la manière de ne pas dépasser les limites de la voiture. »
Aujourd’hui Jean Guichet, né le 20 août 1927, est le doyen des anciens vainqueurs des 24 Heures, une des dernières grandes courses manquant encore au palmarès de propriétaire d’écurie de Roger Penske, aujourd’hui âgé de 83 ans : « Le Mans, c’est le défi numéro 1, le défi que je n’ai pas encore réussi. Nous avons gagné beaucoup d’autres courses dans le monde (notamment les 500 miles d’Indianapolis, les 500 miles de Daytona ou encore les 12 Heures de Sebring. Ndlr) et j’espère qu’avec les nouveaux règlements, nous aurons l’opportunité de courir au Mans. »
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - En haut : Roger Penske partageait en 1963 cette Ferrari 330 TRI/LM avec le Mexicain Pedro Rodriguez, qui signa cette année-là à son volant la première pole position de l'histoire des 24 Heures du Mans. Ci-dessus : la 250 GT de Jean Guichet et Pierre Noblet, troisième en 1961.