Il y a soixante ans, Ferrari remportait le premier de ses six succès consécutifs aux 24 Heures du Mans, de 1960 à 1965. Un cycle dominateur encore jamais vu dans la Sarthe qui, s’ajoutant aux victoires déjà conquises en 1949, 54 et 58, allait permettre au constructeur italien de dépasser Bentley et Jaguar, à l’époque codétenteurs du record de victoires aux 24 Heures avec cinq succès chacun. Outre les neuf qui ont fait triompher Ferrari pendant cette période, plusieurs autres pilotes ont, sans pour autant remporter la course, inscrit leur nom dans la légende croisée du Mans et de Ferrari. Ce sont les héros de ce troisième chapitre.
Pedro et Ricardo Rodriguez, les frères prodiges – Respectivement nés le 18 janvier 1940 et le 14 février 1942, ils ont écrit les premiers chapitres de leur légende avec Ferrari aux 24 Heures du Mans, principalement au sein du North American Racing Team (NART). En 1960 Ricardo, âgé de seulement dix-huit ans, connaît le premier les joies du podium en terminant deuxième. L’année suivante, les deux frères sont réunis sur la même voiture et mènent la vie dure aux futurs vainqueurs Olivier Gendebien-Phil Hill. Ce passionnant chassé-croisé en tête de la course dure jusqu’à ce que le dimanche matin, Ricardo s’arrête au stand pour un souci d’allumage qui coûte six tours. Il signe le meilleur tour en course au fil de la remontée jusqu’à la troisième place, avant que la Ferrari n°17 ne soit finalement contrainte à l’abandon sur un problème moteur à la 23e heure. En 1962, cette fois au volant d’une Ferrari d’usine, les deux frères sont pointés à cinq reprises leaders du classement horaire, mais sont une nouvelle fois trahis par la mécanique. Après le décès de Ricardo lors du Grand Prix du Mexique 1962, Pedro reste fidèle à Ferrari jusqu’en 1967. Pendant cette période, il signe une pole position (1963) et reçoit son seul drapeau à damier en rouge en 1965, pour une septième place partagée avec Nino Vaccarella, l’un des vainqueurs de 1964.
La Belgique au sommet – Dans le sillage des trois victoires consécutives d’Olivier Gendebien (1960-61-62), sept autres pilotes belges se distinguent dans le top 10 des 24 Heures du Mans de 1960 à 1965. Le premier d’entre eux est André Pilette, deuxième en 1960 en compagnie de Ricardo Rodriguez, puis sixième en 1961. Willy Mairesse est sans conteste l’un des plus rapides, signant deux podiums, avec la deuxième place en 1961 puis la troisième en 1965. Coéquipier de Mairesse cette dernière année, Jean Blaton, alias « Beurlys », est l’un des grands gentlemen-drivers belges de l’histoire des 24 Heures. Pendant cette période, il signe trois autres top 5 : troisième en 1962, deuxième en 1963 et cinquième en 1964, à chaque fois associé à des compatriotes (respectivement Léon Dernier – alias « Eldé », également sixième en 1960 – Gérald Langlois von Ophem et Lucien Bianchi). Ce grand connaisseur de jazz est aussi l’oncle de Catherine Blaton, première épouse de Jacky Ickx et mère de leur fille Vanina (sept participations aux 24 Heures de 2001 à 2011). En 1965, Gustave Gosselin et son coéquipier français Pierre Dumay livrent un superbe duel pour la victoire face à l’autre Ferrari de Masten Gregory et Jochen Rindt, mais s’inclinent sur un déchappage en fin de course. Grâce à Olivier Gendebien puis à Jacky Ickx, la Belgique détiendra le record de victoires aux 24 Heures du Mans pendant plus de quatre décennies, de 1962 à 2005.
Ferrari « à l’anglaise » – Parmi les citoyens du Royaume-Uni vus au volant d’une Ferrari de 1960 à 1965, trois se distinguent particulièrement. Après sept titres mondiaux en vitesse moto, John Surtees réussit une brillante reconversion sur quatre roues. Couronné en Formule 1 en 1964, toujours avec Ferrari, il est un candidat régulier à la victoire aux 24 Heures. Après un record du tour en course et une sixième place en 1963, il signe la pole position puis termine deuxième l’année suivante, avant de se qualifier à nouveau dans le top 3 en 1965 (abandon). L’équipe d’usine a aussi pu compter sur les talents de pilote ingénieur de Mike Parkes, qui contribua au développement de nombreuses voitures de compétition et de route de Maranello. Après avoir découvert la Sarthe sur Lotus en 1960, il termine deuxième dès sa première apparition sur Ferrari l’année suivante et signe un nouveau podium en 1963 (3e). Après une prestation écourtée sur 250 GT en 1961 en compagnie de Stirling Moss, Graham Hill termine deuxième en 1964 au volant d’un prototype 330 P associé au Suédois Jo Bonnier, avec la meilleure vitesse de pointe d’une Ferrari cette année-là (305 km/h).
Fernand Tavano, le maçon sarthois – Outre Jean Guichet, propriétaire de chantier naval à Marseille et vainqueur des 24 Heures du Mans en 1964, Fernand Tavano est l’autre gentleman-driver français de Ferrari de 1960 à 1965. Originaire de Sillé-le-Guillaume, à moins d’une heure de route du Mans, il se lie d’amitié avec Luigi Chinetti, par la grâce d’un voisinage favorable avec le garage où le propriétaire du NART s’installe pendant la semaine des 24 Heures, et aussi par les ascendances italiennes de la famille Tavano. A partir de 1956, il engage et pilote ses propres Ferrari aux 24 Heures. En 1959, Fernand Tavano termine cinquième avec Bob Grossman puis signe en 1960 son meilleur résultat avec la quatrième place, partagée avec Pierre Dumay sur 250 GT. En 1961, tout comme Jean Guichet trois ans plus tard, il devient pilote d’usine du cheval cabré mais est contraint à l’abandon. Lors des trois éditions suivantes, il est dans le peloton de tête des GT mais ne reçoit le drapeau à damier qu’une seule fois, en 1964 (9e). C’est la dernière participation de Fernand Tavano, qui décide de se consacrer à sa vie de famille et à l’entreprise de maçonnerie de son père. Mais la passion Le Mans est toujours là : il officie comme pilote pour la Direction de Course.
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - De haut en bas : les Ferrari de Ricardo Rodriguez-André Pilette (n°17) en 1960, de Jean Blaton-Gérald Langlois von Ophem (n°24) en 1963, de Willy Mairesse-Michael Parkes (n°11) en 1961 et de Fernand Tavano-Pierre Dumay (n°16) en 1960.