CENTENAIRE DES 24 HEURES – UNE HISTOIRE DE MARQUES ⎮ En 1949, le retour des 24 Heures du Mans sur la scène internationale du sport automobile voit la victoire d’une jeune marque – à peine deux ans d’âge – nommée Ferrari. Au fil du début des années 1950, Talbot-Lago, Jaguar et Mercedes se partagent les victoires suivantes, avant que Ferrari ne s’engage sous ses propres couleurs à partir de 1952, et ne renoue avec la victoire deux ans plus tard.
La Ferrari 166 MM restera la pionnière de l’histoire sarthoise de Ferrari, et pas seulement parce qu’elle s’est imposée dès la première participation de la marque. Son moteur 12 cylindres en V (2 litres) est aussi le premier de ce type d’architecture à remporter la course. Ses lignes sobres et harmonieuses lui ont également valu d’être la première automobile exposée au MoMA, le Musée d’Art Moderne de New York, dans une superbe livrée bleu nuit et beige, à la grande fierté de son propriétaire Jacques Swaters (1926-2010), importateur belge de la marque.
Le V12 comme emblème
Par la suite, le moteur douze cylindres va devenir l’une des marques de fabrique de Ferrari, que l’on retrouvera sur toutes les voitures vues aux 24 Heures du Mans de 1950 à 1954. Leur cylindrée ira crescendo : 195 S (2,4 litres), 212 Export (2,6 litres, 9e et 15e en 1951), 255 S (2,7 litres), 250 S (3 litres).
Plusieurs autres modèles se distinguent pendant cette période. La 340 America (4,1 litres) termine huitième en 1951 aux mains de Luigi Chinetti et Jean Lucas puis cinquième en 1952, pilotée par André Simon et Lucien Vincent et également engagée par Luigi Chinetti. A noter que le suffixe America – et par la suite Superamerica – distinguera des modèles plus spécifiquement destinés au marché américain, friand de voitures puissantes. Bien que contrainte à l’abandon en 1950, la 166 MM termine seizième en 1951, avec au volant l’équipage féminin Yvonne Simon/Betty Haig.
1952-1954 : la Scuderia Ferrari en piste
En 1950 et 51, la présence de Ferrari aux 24 Heures du Mans est le fait d’engagements privés. Jusqu’en 1953, Luigi Chinetti se taille la part du lion avec une dizaine d’engagements cumulés depuis 1949.
Mais la donne change en 1952, avec la première venue de la Scuderia Ferrari. Cette année-là, deux voitures sont au départ : une 255 S Berlinetta (2,7 litres) pour Pierre Boncompagni/Tom Cole Jr et une 250 S Berlinetta (3 litres) pour Alberto Ascari/Luigi Villoresi. Aucune ne rallie l’arrivée, mais Alberto Ascari s’adjuge le meilleur tour en course en 4’40’’5 (173,159 km/h). L’année suivante, l’Italien abaisse cette marque de près de treize secondes, en 4’27’’4, à 181,642 km/h de moyenne. Alberto Ascari est au sommet de son art, sur la route de ses deux titres mondiaux consécutifs en Formule 1 en 1952 et 53.
En 1953, Ferrari engage trois 340 MM (4,1 litres). Le Cheval Cabré reçoit pour la première fois le drapeau à damier avec une voiture d’usine, et la cinquième place des frères Paolo et Giannino Marzotto, au volant de la seule Ferrari à l’arrivée.
1954 : le Jaguar à la poursuite du cheval cabré
Pour son troisième engagement officiel, trois Ferrari 375 Plus sont au départ. Il s’agit de la nouvelle évolution d’une lignée prestigieuse. Celle-ci commence en 1951, lorsque la 375 signe le 14 juillet 1951 la première victoire de Ferrari en Formule 1, avec au volant l’Argentin Jose Froilan Gonzalez. Côté route, le coupé 375 America est produit à seulement onze exemplaires.
En 1953, la 375 MM est une version compétition destinée aux courses sport. De 4,5 litres, son moteur passe à 5 litres en 1954 pour la 375 Plus à carrosserie spider, confiée pour la 22e édition des 24 Heures du Mans à Umberto Maglioli/Paolo Marzotto (n°3), Jose Froilan Gonzalez/Maurice Trintignant (n°4) et Robert Manzon/Louis Rosier (n°5).
Gonzalez prend immédiatement la tête, poursuivi dans un premier temps par la Jaguar de Stirling Moss. Ils s’installent dans un rythme de Grand Prix, qui va décimer les concurrents : au premier tiers de la course, près de la moitié des 57 concurrents ont déjà remisé leurs voitures au garage.
Ferrari et Jaguar ne sont pas épargnés. Des trois voitures engagées par chacune des deux marques, seulement deux restent en lutte pour la victoire après la mi-course : la 375 Plus de Gonzalez/Trintignant côté Ferrari et, côté Jaguar, la Type D de Duncan Hamilton/Tony Rolt, les vainqueurs de 1953.
A deux heures de l’arrivée, un problème d’allumage immobilise la Ferrari au stand sept minutes durant. Quand elle repart, elle n’a plus qu’un demi-tour d’avance sur la Jaguar. Au baisser du drapeau à damier, moins de quatre kilomètres séparent la Britannique de la Ferrari victorieuse, après plus de 4 000 kilomètres parcourus à toute allure. La très aérodynamique Jaguar Type D remportera les trois éditions suivantes, et Ferrari devra attendre 1958 pour sa troisième victoire.
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : la version coupé de la 166 MM dite Berlinetta (n°32) du duo féminin Yvonne Simon/Betty Haig en 1951 ; la 195 S de Sommer/Serafino (n°25) en 1950 ; la 340 MM (n°12) du double champion du monde F1 Alberto Ascari et Luigi Villoresi en 1953 ; les 375 Plus de Trintignant/Gonzalez (n°4) et Maglioli/Marzotto (n°3) en 1951.