CENTENAIRE DES 24 HEURES – DES MACHINES ET DES HOMMES ⎮ Les cinq victoires de Derek Bell aux 24 Heures du Mans sont la parfaite représentation d’un élément clé de la réussite dans la Sarthe : une relation de confiance sur la durée avec ses coéquipiers. Il s’est imposé trois fois avec Jacky Ickx, puis deux en compagnie de l’américain Al Holbert et de l’allemand Hans-Joachim Stuck. Avec aussi un moment très particulier partagé avec son fils Justin.
Pilote britannique le plus victorieux aux 24 Heures, rejoint en 2007 par le duo quintuple vainqueur Frank Biela/Emanuele Pirro, Derek Bell est seulement précédé au panthéon sarthois par les six succès de son ancien complice Jacky Ickx et les neuf de Tom Kristensen. Il fait également partie d’un club très exclusif : celui des sept pilotes ayant, à la veille du Centenaire, atteint ou dépassé le cap des 24 participations, autre nombre symbole s’il en est.
Outre Jacky Ickx, Al Holbert et Hans-Joachim Stuck, les coéquipiers de ses cinq victoires, il a également partagé le volant avec d’autres vainqueurs 24 Heures : l’Australien Vern Schuppan, l’allemand Klaus Ludwig et le Britannique Andy Wallace. Mais c’est en compagnie de Jacky Ickx qu’il entre véritablement dans la légende mancelle.
« Jacky Ickx est probablement le meilleur pilote avec qui j’ai conduit »
Avec Phil Hill/Olivier Gendebien (1958-61-62), Frank Biela/Tom Kristensen/Emanuele Pirro (2000-2001-2002) et Marcel Fässler/André Lotterer/Benoît Tréluyer (2011-2012-2014), le duo Jacky Ickx/Derek Bell fait partie de ce carré d’as magique des équipages les plus victorieux aux 24 Heures du Mans. Avec un palmarès de choix : trois victoires (1975-81-82) et une deuxième place (1983) en quatre participations communes.
« J'ai toujours eu un grand respect et une grande admiration pour Jacky, indique Derek Bell. Il est probablement le meilleur pilote avec qui j'ai conduit. Il n'était pas forcément apprécié par tout le monde, mais c'est quelqu'un de timide, un peu introverti si on veut. En fait, il est charmant, incroyablement talentueux et très éclectique. Il n'a jamais cherché à se montrer meilleur que moi. Nous réalisions les mêmes chronos. Lorsque je reprenais le volant de notre voiture, je la retrouvais aussi bonne que lorsque je l'avais quittée. Je me souviens que Jacky m'a dit à deux reprises : "Derek, merci d'avoir été un coéquipier aussi merveilleux, je n'aurais pas gagné sans toi". Je pense qu'il voulait dire que ma contribution était égale à la sienne. »
« J’ai eu une très belle relation avec Hans-Joachim Stuck et Al Holbert a été aussi important pour moi que Jacky Ickx »
Avant de constituer le trio gagnant des éditions 1986 et 87, Derek a tout d’abord été associé à Al Holbert en 1980 (13e sur Porsche 924 Carrera GT), puis à Hans-Joachim Stuck (3e en 1985 sur Porsche 962 C).
« Je ne suis pas quelqu'un de difficile à vivre, je m'entends bien avec tout le monde, sourit Derek Bell. J'ai eu une très belle relation avec Hans-Joachim Stuck. Il est incroyablement rapide (Hans Joachim Stuck a détenu le record du circuit des 24 Heures de 1985 jusqu’à la pole position de Kamui Kobayashi en 2017, ndlr), extraverti, il dit ce qu'il pense, il parle à tout le monde... Le contraire de Jacky. Nous nous voyons souvent et il y a quelques années, il m'a dit : "On m'a mis dans ta voiture pour faire de moi un meilleur pilote et pour calmer mes ardeurs !" A sa manière, Al Holbert a été aussi important dans ma carrière que Jacky. Il dirigeait sa propre équipe, le département compétition de Porsche en Amérique. Il construisait, mettait au point et préparait ses propres voitures, pilotait incroyablement bien et n'a jamais eu de gros accident. Ce genre de pilote est extrêmement rare. »
« Etre avec mon fils sur le podium le jour de la Fête des Pères était formidable »
En 26 départs, Derek Bell a signé au total neuf podiums aux 24 Heures du Mans. Mais il en est un qui restera gravé dans sa mémoire : sa troisième place avec son fils Justin en 1995.
« Justin est venu au Mans avec moi depuis l'âge de cinq ans, j'ai des photos de lui sur le plateau du film Le Mans avec Steve McQueen, se souvient l’heureux père. Il a gagné en GT avec la Dodge Viper (en 1998, ndlr), et c'était très émouvant de le voir réussir. Nous avons disputé les 24 Heures ensemble à deux reprises (la première fois en 1992, ndlr). J'étais très nerveux à l'idée de le voir piloter dans des conditions météo difficiles. Mais dès lors, j'ai su qu'il en était capable. Nous aurions dû gagner en 1995 mais nous avons fini troisièmes. Nous retrouver ensemble sur le podium avec Andy (Wallace, vainqueur au Mans en 1988, ndlr) le jour de la Fête des Pères, c'était formidable. On voyait une marée humaine qui agitait des drapeaux, c'était fantastique. D'un point de vue émotionnel, finir troisième avec mon fils était encore plus fort que de gagner cinq fois. »
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS 1975-1995 - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : Cinq ans après avoir été pilotes d'usine Ferrari en 1970 (mais sur deux voitures différentes), Derek Bell et Jacky Ickx termineront victorieusement en 1975 leurs premières 24 Heures du Mans en duo au volant d'un prototype Gulf-Mirage ; en 1981, le deuxième succès commun de Derek Bell (à gauche) et Jacky Ickx (à droite) permet à ce dernier de devenir le nouveau recordman des victoires aux 24 Heures ; la Porsche 962 C (ici en 1986) a offert à Derek Bell ses deux dernières victoires sarthoises ; la McLaren F1 GTR au volant de laquelle Derek Bell et son fils Justin ont terminé troisièmes en 1995 en compagnie d'Andy Wallace, qui avait signé en 1988 la sixième victoire de Jaguar aux 24 Heures.