Le Mans a toujours connu des plateaux variés, et cette constatation est d’autant plus vraie à l’heure actuelle, où les Hypercars se disputent la victoire au classement général depuis 2021. Alors qu’il pourrait être difficile de différencier ces prototypes, la couleur joue un rôle essentiel auprès du spectateur, qui peut s’identifier non pas à un sponsor, mais, dans certains cas, à une histoire vieille de cent ans.
Le passé toujours en marche
Il est dit que le sport automobile est né quelques instants après la création de la deuxième voiture. Si cet adage est quelque peu exagéré, le développement des disciplines existantes de nos jours a été très rapide et remonte loin dans le temps. Au début du XXe siècle, les premières compétitions européennes mettaient aux prises des marques issues de différents pays. Comment rendre leur provenance lisible pour tous et permettre au spectateur ainsi informé de déterminer quelle nation était la plus forte ? Par un code couleur astucieux.
Lorsque les 24 Heures du Mans ont été créées en 1923, ce système était déjà largement populaire. Les marques françaises disputaient le double tour d’horloge en bleu, les Italiennes en rouge foncé, les Allemandes et Américaines en blanc, les Belges en jaune, et les Anglaises en vert. Voici comment était défini le paysage automobile.
Si l’on note quelques exceptions dans l’histoire, y compris à l’époque, ces couleurs ont toujours joué un grand rôle dans l’impact visuel laissé par la course. Les fans français, fiers de leurs représentantes, soutenaient les bleues, alors que les Anglais, déjà présents en nombre dans les tribunes, jetaient un œil attentif aux performances des vertes. Cette tradition a grandement été altérée par l’arrivée des sponsors à la fin des années 1960, qui ont rebattu les cartes. Mais quelques marques tiennent à garder cet héritage, particulièrement aux 24 Heures du Mans.
Un retour aux sources ?
Certaines équipes sont parvenues à trouver des sponsors dont les couleurs correspondaient aux leurs. Cependant, cela restait rare. Au milieu des années 2000, en revanche, la lente disparition des sponsors-titres – rois dans les années 1980 – faisait renaître les couleurs historiques de manière assez surprenante. Un sponsor-titre, sur une voiture de course, est une marque qui prend toute la place ; qui dicte sa couleur à l’ensemble de la carrosserie, sans possibilité d’arborer d’autres sponsors. Aujourd’hui, les constructeurs engagés en Championnat du monde d’Endurance FIA WEC accordent de la place à beaucoup de marques différentes, de sorte qu’aucune ne domine.
La couleur de l’histoire
Deux exemples sont particulièrement criants de nos jours, et contribuent largement à l’identité visuelle des 24 Heures du Mans. Alpine, marque fondée en 1955 par Jean Rédélé, porte haut la couleur bleue sur son A424. Très appréciée des fans, la firme normande n’oublie pas ses racines. C’est également le cas pour Ferrari, bien sûr. La couleur rouge, traditionnellement liée à la marque de Maranello, est constamment choisie pour représenter le Cheval Cabré sur la piste. C’est sans doute la teinte la plus connue en sports mécaniques, devant le british racing green, fièrement choisi par Bentley, Jaguar, Lotus et Aston Martin au fil du temps. En voyant la voiture victorieuse des 24 Heures du Mans 2023 et 2024, n’importe quel fan serait capable d’affirmer qu’il s’agit d’une Ferrari, juste à la couleur. D’ailleurs, AF Corse, pour la 499P #83 engagée en 2024, a opté pour une dominante jaune. Elle fait directement référence à la deuxième couleur historique de Ferrari, celle du logo et surtout, celle de Modène.
Les ingénieurs se démènent, chaque année, pour que la voiture sur laquelle ils travaillent aille le plus vite possible. Mais la forme, le logo, et surtout, la couleur, sont autant d’éléments qui lient le spectateur à l’histoire de la marque ; cela transcende la performance. Tout comme la nuit, les choix des designers concernant les livrées participent pleinement à l’expérience visuelle offerte par l’épreuve. Un coup d’œil est suffisant pour s’agréger au siècle passé. C’est ce même regard émerveillé qui permet de se lier à l’identité d’une marque pour le siècle futur.