CENTENAIRE DES 24 HEURES – UNE HISTOIRE DE MARQUES ⎮ Après les deux victoires de la 917 en 1970 et 71, Porsche renoue avec la plus haute marche du podium des 24 Heures du Mans en 1976 avec la 936. Suivront trois autres générations de prototypes qui établiront la domination de la marque allemande sur le palmarès du double tour d’horloge sarthois.
Ces quatre Porsche ont signé 12 des 19 victoires au classement général de la marque aux 24 Heures du Mans. Deux d’entre elles se sont imposées dès leur première participation : la 936 et la 956.
936, nom de code trois fois gagnant pour Jacky Ickx
La première version de la 936 est une manière de synthèse des recherches menées par Porsche depuis sa deuxième victoire en 1971 avec la 917. Elle est propulsée par un moteur turbocompressé, développé tout d’abord sur les versions 917/10 et 917/30 vues en Amérique du Nord dans le Challenge CanAm en 1972-73 puis au Mans avec la Carrera RSR, qui termine deuxième des 24 Heures 1974.
Son moteur 2.1 litres turbo est choisi pour propulser la 936, dont la participation aux 24 Heures 1976 est annoncée à peine trois mois avant la course. Son aileron arrière soutenu par deux larges dérives latérales est largement inspiré de la 917/30 de 1973. Jacky Ickx est au volant pour ses trois victoires sarthoises en 1976 (avec Gijs van Lennep), 77 (avec Jürgen Barth et Hurley Haywood) et 81 (avec Derek Bell). Cette dernière année, le pilote belge remporte sa cinquième victoire, qui lui permet de battre le record de quatre succès de son compatriote Olivier Gendebien.
Ickx et Bell s’imposent en 1981 avec une nouvelle version dite 936/81, équipée d’un moteur 2.6 turbo issu d’un projet avorté aux 500 miles d’Indianapolis et d’un nouvel aileron arrière à support central. La 936 lui a également valu deux de ses cinq pole positions aux 24 Heures, en 1978 et 81.
956, record de victoires en vue
1982 voit l’entrée en vigueur d’une nouvelle réglementation prototypes, dite du Groupe C. Le constructeur allemand est au rendez-vous avec la 956, qui va non seulement remporter les 24 Heures dès sa première participation, mais aussi devenir la Porsche la plus victorieuse dans la Sarthe.
Equipée du moteur vu l’année précédente dans la 936/81, elle signe en 1982 un impressionnant triplé dans l’ordre de ses numéros de course, avec Jacky Ickx/Derek Bell (n°1), Jochen Mass/Vern Schuppan (n°2) et Al Holbert/Hurley Haywood/Jürgen Barth (n°3). Les 956 d’usine signent un nouveau doublé en 1983 après une course mouvementée. Ickx et Bell, partis de la pole position comme en 1982, sont retardés par un accrochage et remontent jusqu’en deuxième position sous le drapeau à damier. Ils sont seulement précédés par la voiture de leurs compagnons d’écurie Al Holbert, Hurley Haywood et Vern Schuppan, dont le moteur crache une fumée suspecte par son échappement latéral gauche en toute fin de course.
En 1984, l’équipe officielle est absente. Les nombreuses 956 vendues à des équipes privées sont à la fête, avec à l’arrivée les sept premières places. Henri Pescarolo signe sa quatrième victoire aux côtés de l’Allemand Klaus Ludwig au volant de la voiture de Reinhold Joest, qui s’impose pour la première fois en tant que patron d’écurie. L’année suivante, il bat à la stratégie de consommation de carburant les voitures d’usine revenues dans la course. Klaus Ludwig est toujours là, associé à l’Italien Paolo Barilla et au gentleman-driver John Winter. Reinhold Joest permet à Porsche de surpasser le record de victoires détenu par Ferrari depuis 1965, avec ce dixième succès au général.
962 C, toujours plus vite, toujours plus haut
Mais 1985 voit également l’apparition aux 24 Heures, au seul usage de l’équipe d’usine, de la 962 C. A l’origine, la 962 est destinée au championnat d’endurance américain IMSA, avec quelques aménagements réglementaires spécifiques, l’un des principaux étant le recul du pédalier derrière l’axe des roues avant.
Pour ses premières 24 Heures du Mans, la 962 C frappe fort, avec un record du circuit de Hans-Joachim Stuck (3’14’’88, 251,712 km/h de moyenne) qui ne sera battu qu’en 2017 par Kamui Kobayashi (Toyota). En course, le nouveau prototype d’usine de Porsche est devancé par deux 956 privées. Stuck et son coéquipier Derek Bell terminent troisièmes derrière les vainqueurs Ludwig/Barilla/Winter (Joest Racing) et Jonathan Palmer/James Weaver/Richard Lloyd (Richard Lloyd Racing). La 962 C est aussi la voiture au volant de laquelle Jacky Ickx fait ses adieux aux 24 Heures du Mans, avec à l’arrivée une dixième place partagée avec l’Allemand Jochen Mass. Piloté par Al Holbert, John Watson et Vern Schuppan, le troisième exemplaire d’usine est contraint à l’abandon.
En 1986 et 87, un même équipage impose la 962 C. Le Britannique Derek Bell, l’Américain Al Holbert et l’Allemand Hans-Joachim Stuck offrent à Porsche ses sixième et septième victoire consécutives aux 24 Heures du Mans, battant pour la circonstance le record de six succès d’affilée de Ferrari de 1960 à 1965. La 962 C est engagée pour la dernière fois par l’usine Porsche en 1998, avec à l’arrivée une deuxième place pour Derek Bell/Hans Joachim Stuck/Klaus Ludwig et une sixième place pour la famille Mario Andretti, son fils Michael et son neveu John. Par la suite, on verra la 962 C sous la bannière d’équipe privées jusqu’en 1993. L’année suivante, une version homologuée pour la route par le préparateur allemand Jochen Dauer, rebaptisée Dauer-Porsche 962 LM, remporte la course en tant que… GT, avec au volant l’Italien Mauro Baldi, le Français Yannick Dalmas et l’Américain Hurley Haywood.
919, l’hybride au pouvoir
Après un intermède (et deux victoires de catégorie au Mans) LMP2 dans la deuxième moitié des années 2000 avec la RS Spyder, la 919 Hybrid marque en 2014 le retour officiel de Porsche en catégorie reine (LMP1 à l’époque). Son record de victoires au général est menacé : les treize succès d’Audi de 2000 à 2014 ont porté la marque aux anneaux à seulement trois unités des seize de Porsche !
Après avoir diversifié avec succès sa gamme routière, notamment avec le SUV Cayenne et la berline Panamera, Porsche retrouve la course qui a fait sa légende avec l’une des voitures de compétition les plus complexes jamais conçues. Son petit moteur thermique à l’étonnante architecture 4 cylindres en V 2 litres est associé à deux systèmes de récupération d’énergie : l’un pour les gaz d’échappement, l’autre pour l’énergie cinétique des freinages. Transmise grâce à un moteur électrique sur le train avant, cette dernière fait de la 919 Hybrid une quatre roues motrices partielle. Son patronyme l’intronise comme une lointaine descendante de la 917, première Porsche victorieuse au Mans.
Jean Philippe BOYER (ACO)
Après avoir figuré en tête de ses première 24 Heures en 2014, la 919 Hybrid porte à 19 le record de victoires au général de Porsche, avec trois succès consécutifs en 2015 (Nico Hülkenberg/Nick Tandy/Earl Bamber), 2016 (Romain Dumas/Neel Jani/Marc Lieb) et 2017 (Timo Bernhard/Earl Bamber/Brendon Hartley), avec également deux pole positions de Jani en 2015 et 2016. Si le trio vainqueur en 2015 s’installe en tête dès la soirée du samedi, la victoire de 2016 est arrachée dans le tout dernier tour à la suite d’un incroyable abandon de Toyota. Et en 2017, la 19e victoire de Porsche est acquise après une longue remontée depuis l’avant-dernière position, consécutive à un souci technique le samedi en fin d’après-midi.
Première Porsche de l’ère Hypercar de l’endurance, la 963 ambitionne la vingtième victoire de la marque dans le contexte unique de l’édition du Centenaire. Un défi à la hauteur de la légende de Porsche aux 24 Heures du Mans.
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : la 919 Hybrid reçoit le drapeau à damier de la dernière victoire au général de Porsche en date ; la 936 a offert à Jacky Ickx la moitié de ses six victoires aux 24 Heures ; on aperçoit la fumée qui s'échappe de la Porsche 956 victorieuse en 1983, qui avait également perdu une portière le dimanche matin ; l'équipe privée de Reinhold Joest a remporté les deux derniers succès sarthois de la 956 en 1984 et 85 ; les trois 962 C officielle de 1988 : Klaus Ludwig/Derek Bell/Hans Joachim Stuck (n°17, 2e), Wollek/van der Merwe/Schuppan (n°18, abandon), Mario, Michael et John Andretti (n°19, 6e) ; pour le 45e anniversaire de la première victoire mancelle de Porsche, la 919 Hybrid de Mark Webber/Timo Bernhard/Brendon Hartley arborait aux 24 Heures 2015 une décoration de la 917 victorieuse en 1970.