Au fil de ce mois de décembre, voici un calendrier de l’avent très spécial, dédié à des histoires et anecdotes insolites de la légende des 24 Heures du Mans. Pour ce 11 décembre, retour en 1972 pour la victoire de Matra, en présence du Président de la République Georges Pompidou.
L’année 1972 marque le début d’une nouvelle ère pour les 24 Heures du Mans. Victorieuse les deux années précédentes, la Porsche 917 s’est exilée aux Etats-Unis à la suite de la disparition de la catégorie Sport et de l’instauration définitive de la cylindrée maximale de trois litres pour les prototypes. Si Alfa Romeo est compétitif, Matra s’impose comme l’incontestable favori de 1972, car la nouvelle Ferrari 312 PB sera absente dans la Sarthe.
Le constructeur français n’a rien laissé au hasard : voiture spécifiquement conçue pour les 24 Heures du Mans, tests d’endurance longue durée sur le Circuit Paul Ricard… Quatre Matra MS670 sont engagées pour Chris Amon/Jean-Pierre Beltoise (n°12), François Cevert/Howden Ganley (n°14), Graham Hill/Henri Pescarolo (n°15) et David Hobbs/Jean-Pierre Jabouille (n°16). La pression est d’autant plus forte pour les hommes de Jean-Luc Lagardère que Georges Pompidou, Président de la République depuis 1969, doit donner le départ de la course. En 1967, alors qu’il était le Premier Ministre du général de Gaulle, son gouvernement avait accordé un prêt à Matra pour la conception de son mythique V12 3 litres et Georges Pompidou avait promis à cette époque de venir assister aux 24 Heures.
Concepteur du V12 en question, Georges Martin suggère pour la circonstance de faire prendre le départ de la course aux pilotes français des quatre équipages. Jean-Luc Lagardère va encore plus loin, en promettant à Georges Pompidou trois Matra en tête à l’issue du premier tour, qu’Henri Pescarolo, François Cevert et Jean-Pierre Beltoise bouclent dans cet ordre. Un casting de rêve : le premier est entré dans la légende en 1968 par sa chevauchée nocturne sans essuie-glace sous la pluie, le deuxième a signé fin 1971 la première victoire d’un pilote français en Formule 1 depuis 1958 et le troisième est l’incontestable pilote pionnier du renouveau du sport automobile français de la fin des années 1960.
Matra, un duel et un doublé
Mais, on le sait, rien ne se passe forcément comme prévu aux 24 Heures. Après avoir pris la tête, Beltoise casse son moteur à la fin du deuxième tour. A la troisième heure, Jabouille est à court d’essence mais parvient à trouver les ultimes gouttes de carburant du réservoir pour rentrer au stand au ralenti. Cette mésaventure coûte cinq tours à la Matra n°16, qui abandonnera finalement sur rupture de boîte de vitesses à 90 minutes du drapeau à damier.
Un long duel entre les Matra n°14 et 15 donne alors son rythme à la 40e édition des 24 Heures. François Cevert et Howden Ganley semblent avoir la course en mains mais dans la nuit, la pluie redistribue les cartes et brouille les consignes d’équipe et de prudence. Comme en 1968, Henri Pescarolo fait des prouesses et reprend provisoirement la tête peu avant deux heures du matin.
Graham Hill n’est pas en reste. Alors qu’il se remet à pleuvoir dans la matinée du dimanche le Britannique, deuxième, s’arrête pour monter des pneus pluie et réduit l’écart sur Ganley. Le Néo-Zélandais change de pneus à son tour mais est ensuite retardé par des soucis d’allumage. Peu avant midi, il pleut toujours. Leader de la course, Hill ralentit dans la ligne droite des Hunaudières alors que la pluie redouble de violence. Dans son sillage avec un tour de retard, Ganley fait de même mais est heurté à l’arrière par une autre voiture.
Cet incident scelle le sort de la course dans la lutte pour la victoire. Après réparation de leur suspension arrière, François Cevert et Howden Ganley terminent deuxièmes derrière Graham Hill et Henri Pescarolo. Pour la première victoire mancelle d’un constructeur français depuis Talbot Lago en 1950, Jean-Luc Lagardère et Matra offrent un doublé à Georges Pompidou, après le tiercé du premier tour de course !
PHOTOS (D.R. / ARCHIVES ACO) : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS 1972 - De haut en bas : Georges Pompidou, drapeau français en main, est notamment entouré de Pierre Allanet, président du collège des commissaires sportifs (à sa gauche) et du directeur de course Charles Deutsch ; Jean-Pierre Beltoise (n°12) et François Cevert (n°14) en piste au volant de la Matra MS 670 (à noter les capots arrière différents sur les deux voitures) ; les vainqueures Graham Hill (à gauche) et Henri Pescarolo sur le podium. Déjà double champion du monde de Formule 1, quintuple vainqueur du Grand Prix de Monaco et victorieux aux 500 Miles d'Indianapolis, le premier ajoute à ce fabuleux palmarès les 24 Heures du Mans à ce fabuleux palmarès, tandis que le second signe la première de ses quatre victoires sarthoises.