CENTENAIRE DES 24 HEURES – HISTOIRES DE MARQUES ⎮ Première Porsche victorieuse aux 24 Heures du Mans, la 917 a connu une vie aussi brève qu’intense dans la Sarthe. En trois participations seulement, elle signe deux victoires et doublés, trois pole positions et établit de nouveaux records du tour et de la distance qui resteront longtemps inaccessibles.
La Porsche 917 est née d’un coup de poker : construire en moins de neuf mois les 25 exemplaires obligatoires en vue de l’homologation d’une voiture répondant à la réglementation de la catégorie dite Sport, créée par la CSI (Commission Sportive Internationale, ancêtre de l’actuelle FIA) après l'édition 1967.
Pari gagné pour Ferdinand Piëch, neveu de Ferry Porsche et responsable de la compétition, avec le précieux soutien financier de Volkswagen : lors des essais préliminaires des 24 Heures les 31 mars et 1er avril 1969, un mois après sa présentation au Salon de Genève, la 917 affiche déjà 340 km/h en vitesse de pointe et 240 de moyenne au tour, pour un chrono record de 3’30’’700.
Malgré une tenue de route parfois instable, la 917 monopolise la première ligne de la 37e édition des 24 Heures du Mans. Partis de la pole position, Kurt Ahrens et Rolf Stommelen pointent en tête en fin de première heure avant d’être retardés par des soucis mécaniques. Celle de Vic Elford et Richard Attwood occupe 18 heures durant la tête de la course, avant d’abandonner à trois heures du drapeau à damier sur un problème d’embrayage.
1970 : la dernière 917… sera la première
En 1970, deux légendes sont au rendez-vous des 24 Heures du Mans. Ferrari a emboîté le pas à Porsche en catégorie Sport et présente, cette année-là, la 512 dont onze exemplaires affrontent sept Porsche 917. Porsche va non seulement capitaliser sur son expérience et les améliorations de la 917 apportées par Gulf Racing, nouveau partenaire victorieux en 1968 et 1969, mais aussi sur des conditions météo très difficiles.
En qualifications, au volant d’une version profilée dite 917 LH (Langheck ou longue queue en allemand), Vic Elford (écurie Porsche Konstruktionen Salzburg) signe la première pole position à 240 km/h de moyenne (3’19’’8, 242,685 km/h), avant de livrer en début de course un duel avec la 917 K (Kurzheck, désignant la version à capot arrière court) de Brian Redman/Jo Siffert (Gulf) qui, à la faveur de la pluie, s’installe en tête et creuse l’écart jusqu’à son abandon sur surrégime moteur à deux heures du matin.
Au volant de la dernière des sept 917 qualifiées (14e), Richard Attwood et Hans Herrmann (Porsche Konstruktionen Salzburg) bénéficient de l’hécatombe provoquée par la pluie. Ils figurent dans le top 3 à minuit, et prennent le commandement après les abandons de Jacky Ickx (Ferrari) et Siffert. Seules deux des sept 917 au départ terminent la course, mais aux deux premières places, avec les vainqueurs Attwood/Herrmann et la 917 longue de leurs dauphins Willi Kauhsen/Gérard Larrousse (Martini Racing).
1971 : toujours plus vite !
Après les contrariétés météorologiques de 1970, c’est en 1971 que la 917 va s’inscrire définitivement dans la légende grâce à… une pluie de records.
Le 18 avril 1971, au volant d’une nouvelle version de la 917 longue chère à Ferdinand Piëch, Jackie Oliver franchit le cap des 250 km/h de moyenne en 3’13’’6. En qualifications, Pedro Rodriguez ne rend que trois dixièmes (3’13’’9) à son coéquipier britannique, pour un record de pole position qui ne sera battu que quatorze ans plus tard par une autre Porsche, la 962 C de Hans Joachim Stuck.
Les deux 917 LH Gulf de Rodriguez/Oliver et Derek Bell/Jo Siffert (Gulf) dominent le début de course avant que la seconde ne soit retardée. La chevauchée de Pedro Rodriguez et Jackie Oliver s’achève quant à elle peu après trois heures du matin, lorsqu’Oliver est victime du même souci de roulement de roue que Siffert. Puis Rodriguez abandonne finalement sur une rupture de canalisation d’huile.
Ferrari s’installe alors brièvement aux commandes avant que Nino Vaccarella et Jose Juncadella ne soient victimes d’un souci d’embrayage. La 917 K d’Helmut Marko et Gijs van Lennep prend alors la tête à la treizième heure pour ne plus la quitter. Une nouvelle fois, seules deux 917 sont à l’arrivée, avec la deuxième place de Richard Attwood/Herbert Müller au volant de la seule rescapée (version courte) de l’écurie Gulf. Uniquement représenté par des équipes privées (pour un total de neuf voitures au départ), Ferrari n’a pu endiguer la chasse aux records victorieuse de la 917.
L’Autrichien et le Néerlandais maintiennent un rythme soutenu jusqu’au damier et établissent un record de la distance qui tiendra 39 ans, quatre ans après que Dan Gurney, AJ Foyt et leur Ford Mk IV aient franchi le cap des 5 000 kilomètres parcourus. D’une cylindrée moindre que la Ford de 1967 (7 litres), la 917 (4,9 litres en 1971) doit également cette moisson de records à de nombreuses innovations techniques, et aussi à quelques rivalités internes. Mais ceci est une autre histoire.
Le Musée des 24 Heures du Mans a présenté en 2020 une exposition temporaire 917 : Made For Le Mans qui a également fait l'objet d’une série de visites digitales exclusives. Pour en savoir encore plus en images sur la Porsche 917, voici l’épisode 1 de cette série dans la vidéo ci-dessous.
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : trois instantanés de la Porsche 917, avec la voiture victorieuse en 1970 (n°23), la première version de 1969 (n°12) et la victoire de 1971 (n°22), avec de notables évolutions aérodynamiques. Paradoxalement, les deux 917 victorieuses ne figuraient pas parmi les favorites des 24 Heures 1970 et 1971