1966-1969 : Flower Power, Woodstock, révolutions et 24 Heures du Mans
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1966-1969 : Flower Power, Woodstock, révolutions et 24 Heures du Mans

CENTENAIRE DES 24 HEURES – LE MANS, L’EXCEPTION ⎮ De 1966 à 1969, les 24 Heures du Mans sont le théâtre d’une fabuleuse escalade de performances, prélude à des bouleversements qui vont changer le visage du sport automobile. Cinéma et musique de cette époque connaissent en parallèle leurs propres révolutions, qui s’accompagnent de contestations politiques et sociales. Retour en quelques histoires sur une époque d’une richesse restée inégalée.

Amorcé dès 1964, le duel Ford-Ferrari connaît son apogée en 1966 et 67, notamment par une escalade des performances encore jamais vues sur le circuit des 24 Heures du Mans.

Ford contre Ferrari : affiche de rêve, performances légendaires

En 1964 et 65, Phil Hill, auparavant triple vainqueur avec Ferrari, avait abaissé sur Ford son propre record du tour en course de près de douze secondes (3’49’’2 puis 3’37’’5). Cette course à la performance vertigineuse se poursuit les deux années suivantes. En 1967, Denny Hulme et Mario Andretti descendent pour la première fois sous la barre des trois minutes trente au tour avec un chrono identique de 3’23’’6 (238 km/h de moyenne), respectivement aux 41e et 60e passages, battant de sept secondes la marque établie l’année précédente par Dan Gurney (3’30’’6). Il en va de même pour la pole position, qui passe de 3’30’’6 (Dan Gurney) en 1966 à 3’24’’4 (Bruce McLaren) en 1967.

En 1966, Ford signe un triplé en tête de la course, alors que toutes les Ferrari d’usine renoncent. Mais en 1967, le cheval cabré ne laisse aucun répit à l’ovale bleu, qui remporte sa deuxième victoire consécutive devant deux Ferrari 330 P4. Franchissant pour la première fois le cap des 5 000 kilomètres parcourus, le duo américain Dan Gurney/AJ Foyt s’impose avec quatre tours d’avance sur Ludovico Scarfiotti/Mike Parkes.

Le monde s’agite, le sport automobile prend des couleurs

Alors que les manifestations contre la guerre du Vietnam se multiplient aux Etats-Unis, les 24 Heures du Mans n’échappent pas à l’agitation sociale et politique du printemps 1968. Comme en 1936 à l’époque du Front Populaire, la course n’aura pas lieu en juin. Mais elle n’est pas annulée, contrairement à ce qui s’est passé 32 ans plus tôt. Le 29 septembre 1968, la 36e édition des 24 Heures du Mans s’achève sur une troisième victoire consécutive de Ford, grâce au Belge Lucien Bianchi et au Mexicain Pedro Rodriguez. Avec sa livrée bleu ciel et orange de la compagnie pétrolière Gulf, cette Ford GT40 est l’un des premiers symboles du nouveau visage du sport automobile : l’année 1968 marque l’autorisation de la publicité sur les voitures et du sponsoring extra-sportif.

L’année suivante, la contestation s’installe sur le bitume même du circuit des 24 Heures. En signe de protestation contre le départ en épi (où le pilote sprinte vers sa voiture), Jacky Ickx traverse la piste en marchant, s’élance bon dernier et arrache la victoire dans le dernier tour de course. Après un dernier départ en épi en 1970, où le pilote est déjà sanglé dans son cockpit et ne court donc plus vers sa voiture, cette procédure laisse en 1971 la place au départ lancé tel que nous le connaissons toujours aujourd’hui.

L’innovation au pouvoir

La période 1966-1969 marque également l’apparition sur les voitures de compétition des premiers ailerons. En 1967, le constructeur américain Chaparral présente sa 2F, surmontée d’un énorme appendice réglable depuis le cockpit pour optimiser l’appui en ligne droite et en virage. Ce prototype est également équipé d’une boîte de vitesses automatique, encore rarement utilisée en course à cette époque.

Deux ans plus tard, la Porsche 917 va encore plus loin. Outre un gain de poids conséquent dû à l’utilisation d’aluminium pour son châssis tubulaire asymétrique, ses formes sont taillées pour une vitesse de pointe maximale. Son capot arrière est équipé au niveau des dérives latérales de petits ailerons mobiles réglables, et abrite également le premier moteur douze cylindres de la marque.

24 images secondes en révolution

La période 1966-1969 est particulièrement faste pour le sport automobile au cinéma, avec la production de trois films : Grand Prix, Virages et Le Mans. Les deux premiers ont respectivement pour cadre la saison de Formule 1 1966 et les 500 miles d’Indianapolis 1968. La préproduction du troisième commence dès 1969, lorsque son acteur principal et producteur Steve McQueen effectue des repérages en vue d’un tournage pendant l’édition 1970 des 24 Heures.

Pendant que Ford signe ses deux premières victoires en 1966 et 67, deux réalisateurs dynamitent les règles du cinéma de chaque côté de l’Atlantique. Après avoir réinventé le western en 1964 et 65 avec la complicité de Clint Eastwood, l’Italien Sergio Leone connaît la première apogée de sa carrière avec Le bon, la brute et le truand en 1966 et Il était une fois dans l’Ouest en 1968, auxquels les partitions d’Ennio Morricone donnent une véritable dimension opératique. Cette dernière année, l’Américain Stanley Kubrick signe avec 2001 l’odyssée de l’espace un des sommets du cinéma de science-fiction, un an avant les premiers pas de l’homme sur la Lune. Entretemps, avec Bonnie and Clyde (1967), son compatriote Arthur Penn et ses comédiens Faye Dunaway et Warren Beatty mettent en pièces le Code Hayes, qui régissait jusqu’alors la représentation de la violence et de l’érotisme dans le cinéma hollywoodien. 

Parallèlement, une nouvelle génération de cinéastes se prépare à déferler sur les années 1970 : George Lucas, Francis Coppola, Brian de Palma, Martin Scorsese, Steven Spielberg vont incarner ce qu’on a pris coutume d’appeler le « nouvel Hollywood ». Avant Robert de Niro et Al Pacino, Dustin Hoffman est le premier comédien à émerger dans cette nouvelle tendance, grâce à sa prestation dans Le lauréat en 1967, où il incarne un étudiant amoureux d’une femme d’âge mûr – qui inspire d’ailleurs Mrs. Robinson, l’une des plus célèbres chansons du duo Simon & Garfunkel.

La bande son de 1966-1969 : le rock en ébullition

De 1966 à 1969, une génération de musiciens nés pendant la Seconde Guerre mondiale s’installe durablement dans l’imaginaire collectif. Et, à l’instar de Ford et Porsche aux 24 Heures du Mans, va repousser les limites sonores du rock.

En trois albums parus à moins de deux ans d’intervalle (Are you experienced et Axis : bold as love en 1967, Electric Ladyland en 1968) et deux prestations scéniques de légende (Monterey en 1967 et Woodstock en 1969), Jimi Hendrix redéfinit pour les décennies à venir l’approche de la guitare, influençant aussi bien rockers que jazzmen. Grâce au trompettiste Miles Davis ou encore aux groupes Chicago et King Crimson, la frontière entre rock et jazz se fait de plus de plus mouvante, jusqu’à s’effacer vers des paysages sonores inédits entre électricité et improvisation.

Une émulation s’installe entre les Beach Boys et les Beatles, qui sortent avec Pet Sounds (1966) et Sergeant Pepper’s Lonely Heart Club Band deux sommets de leur discographie respective, les Who appliquent au rock les codes de l’opéra avec Tommy, tandis que le blues mute en hard rock grâce à Cream et Led Zeppelin.

Le parfum de cette époque exceptionnelle a été revisité en 2019 par le cinéaste James Mangold avec le film Le Mans 66, qui revient sur la genèse du duel Ford-Ferrari, de 1963 jusqu’à la première victoire de Ford en 1966. Comme un prélude idéal à l’un des périodes les plus marquantes de l’histoire croisée des 24 Heures du Mans et du XXe siècle.

PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : le départ des 24 Heures du Mans 1966, coup d'envoi d'une fin de décennie riche en émotions ; la Ford victorieuse en 1967, avec à l'image (casqué à droite) l'un de ses pilotes AJ Foyt, vainqueur pour son  unique participation aux 24 Heures ; la liesse populaire de l'arrivée des 24 Heures avec la remontée de la contre-allée de la ligne droite des stands, avec la Ferrari de Ludovico Scarfiotti (assis sur la voiture)/Michael Parkes, deuxième en 1967 (n°21) et de Lucien Bianchi (casqué)/Pedro Rodriguez (bouteille de champagne en main), les vainqueurs de 1968 (n°9) ; la période 1966-1969 est marquée par l'apparition des ailerons mobiles, notamment aux 24 Heures du Mans sur la Chaparral 2F (n°7) en 1967 et la Porsche 917 en 1969 (n°14) ; le départ des 24 Heures du Mans 1968, reportées à la fin du mois de septembre ; la Ford du duo néo-zélandais Chris Amon/Bruce McLaren avant le départ de la course en 1966, plus d'un demi-siècle avant le film Le Mans 66 en 2019.

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