CENTENAIRE DES 24 HEURES - LE MANS, L'EXCEPTION ⎮ La naissance des 24 Heures du Mans en 1923 correspond à une période placée sous le double signe de la reconstruction – après la Première Guerre mondiale – et de profondes mutations technologiques et sociales, dont certaines sont la conséquence directe du conflit. En voici quelques moments forts, marqués notamment par une émancipation féminine qui a laissé une empreinte forte sur les 24 Heures de cette période.
De 1914 à 1918, quatre ans de combats ont pratiquement décimé une génération et provoqué les premiers signes de l’émancipation féminine, quand les femmes commencent à exercer des métiers jusqu’alors exclusivement masculins, suite au départ des hommes au front.
Mutation sociale au feminin : cheveux courts, droit de vote et 24 Heures du Mans
Ainsi les cheveux courts deviennent-ils l’un des tout premiers symboles de cette émancipation. Ceinture de bananes, danse frénétique et dénudée, Joséphine Baker est l’une des grandes figures féminines de cette période dans le monde du spectacle.
Autre signe notable de cette évolution, le droit de vote est accordé aux femmes aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, respectivement en 1919 et 1928. Côté sport automobile, les 24 Heures du Mans occupent une place de cette mutation sociale. Pendant les années 1930, vingt dames prennent le départ de la course, avec en point d’orgue la quatrième place de la Française Odette Siko au volant de son Alfa Romeo 6C personnelle en 1932, le meilleur résultat d’une pilote au classement général. Outre les 24 Heures, l’aviation est aussi marquée cette même année par un autre exploit au féminin : l’aviatrice américaine Amelia Earhart est la première femme à réaliser un vol transatlantique en solitaire, des Etats-Unis à l’Irlande.
Cette période de l’entre deux Guerres mondiale est également faste en exploits de tout genre, aux 24 Heures du Mans comme dans de nombreux domaines.
1927-1930 : Bentley, Lindbergh, Al Jolson et Louise Brooks
Pendant que Bentley remporte quatre victoires consécutives et signe le premier quadruplé de l’histoire des 24 Heures, Charles Lindbergh réussit en 1927 la première traversée de l’Atlantique en solitaire en avion, de New York à Paris.
Cette même année, la sortie du Chanteur de jazz, premier film parlant avec en vedette le chanteur comédien Al Jolson, prépare une révolution à venir pour le cinéma, tandis que l’Allemand Fritz Lang met en scène Metropolis, encore aujourd’hui l’un des sommets du cinéma d’anticipation. Deux ans plus tard, la sortie du film Loulou fait de l'Américaine Louise Brooks une des premières icônes féminines de l’histoire du cinéma. Sa coupe de cheveux au carré sera reprise par la suite par nombre de comédiennes, de Brigitte Bardot à Uma Thurman.
Les années 1930 : Alfa Romeo, Bugatti, Delahaye et autres agitations sociales et artistiques
Pendant qu’Alfa Romeo devient le premier constructeur italien victorieux aux 24 Heures du Mans, la littérature anglo-américaine voit l’émergence de quelques-uns de ses plus grands écrivains : Ernest Hemingway, John Steinbeck, JRR Tolkien, Aldous Huxley ou encore Raymond Chandler écrivent leurs premières grandes œuvres pendant cette période.
En 1936, les grèves et l’agitation sociale liées à l’émergence du Front Populaire en France aboutissent à l’annulation des 24 Heures du Mans. De 1937 à 1939, alors que la Guerre d’Espagne inspire au peintre Pablo Picasso Guernica, l’une des œuvres picturales les plus célèbres de l’histoire de l’art, les constructeurs français reviennent en haut de l’affiche au Mans, grâce à Bugatti (1937 et 39) et Delahaye (1938).
Deux des trois pilotes vainqueurs avec Bugatti, Robert Benoist et Jean-Pierre Wimille, deviendront des figures de la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale. Après neuf ans d’absence, les 24 Heures du Mans reprendront le fil de leur histoire en 1949, pour bien d’autres exploits à venir.
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : En 1931 et 1932, respectivement sur Bugatti et Alfa Romeo, Odette Siko devient la première grande dame de l'histoire des 24 Heures du Mans ; de 1933 à 1939, seize ans séparent ces deux départs des 24 Heures du Mans de l'entre deux guerres mondiales.