Le premier choc est le dramatique Paris-Madrid de 1903, où Marcel Renault et plusieurs autres pilotes perdent la vie dans cette compétition dantesque sur route ouverte. Arrêtant la course à Bordeaux, le Préfet de police précède alors la décision de l’Etat français, au mois de décembre 1905, de solliciter les départements pour connaître le premier d’entre eux à se porter volontaire pour la création d’une compétition en circuit fermé.
L’ingénieur Verney est l’auteur d’un solide et très étayé dossier de candidature, enluminé d’alléchants aspects financiers dont le subtil Georges Durand a su ponctuer la proposition sarthoise, qui triomphe face aux seize autres candidatures.
1906 : un circuit routier dans la Sarthe
Le 23 janvier 1906, c’est la naissance de l’Automobile Club de la Sarthe, et la course contre la montre commence. Il est hors de question de construire un circuit en cinq mois. La privatisation, l’espace d’un week-end, de 103 kilomètres de routes savamment aménagées par le club sur les recommandations de Verney est un triomphe pour l’organisation : 33 voitures au départ, une jambe fracturée seulement pour les 1 200 kilomètres parcourus par chaque bolide… Démonstration était faite de la nécessité de courir en circuit fermé.
Fort des enseignements tirés du Grand Prix de 1906, l'ACO lance cette fois le Grand Prix de France sur un tout nouveau tracé de 54 kilomètres reprenant, déjà, la ligne droite des Hunaudières, connue jusque-là comme Route des Records du constructeur automobile Amédée Bollée. Construite en 1873, son Obéissante avait initié, lors de son triomphal trajet jusqu’à Paris en août, la passion locale pour la locomotion automobile.
Par la suite, trois grands prix voient le jour en 1911, 1912 et 1913, mais le premier conflit mondial remet tout en cause. Pendant la guerre, l’Automobile Club de l’Ouest met tout son cœur et ses efforts pour soulager les misères des prisonniers et de leurs familles, une œuvre admirable qui lui vaut la reconnaissance officielle de l’Etat.
1919-1923 : du Grand Prix aux 24 Heures
Dès la fin des hostilités, l’ACO relance ses courses, cette fois sur un tracé de 17 kilomètres offrant déjà les contours du futur circuit permanent de la Sarthe. De nombreuses courses et un nouveau Grand Prix plus tard, gagné en 1921 par les Américains (preuve de la flatteuse réputation internationale du circuit d'alors) les constructeurs automobiles s’inquiètent du coût astronomique de la course de vitesse pure et rechignent à investir.
C’est sur ce constat que les Manceaux arrivent à l’automne au Salon de l’Auto de Paris. Cette délégation comprend Georges Durand, secrétaire général et véritable moteur de l’ACO, ainsi que le trésorier. Ce dernier est décidé à remplacer les roues de son automobile par des jantes dont on dit le meilleur, des Rudge et Withworth dont Emile Coquille est l’importateur français.
Au cours de la conversation arrive Charles Faroux, rédacteur en chef de La Vie Automobile, qui déclare tout de go que son lectorat réclame une « confrontation » entre toutes les voitures construites industriellement. Durand rétorque qu’il a le circuit et les autorisations nécessaires… Et quelques tractations plus tard, le principe d’un Grand Prix d’Endurance de 24 Heures est né. Le règlement est le fruit des cogitations conjointes du polytechnicien Faroux et de Durand, homme curieux de tout dont le bon sens n’a d’égale que son ingéniosité. Pour enfoncer le clou, la victoire dans cette épreuve ne sera acquise qu’au terme d’un succès réédité l’année suivante, voire d’un troisième d’affilée mais, jugé trop complexe, ce principe de coupes biennales et triennales disparaîtra rapidement.
Depuis maintenant un siècle, la rigueur du règlement et sa stricte application sont restées la marque de fabrique des 24 Heures du Mans. Le Mans est un laboratoire, un banc d’essai au service de l’automobile et des automobilistes. Il en est ainsi depuis 1923 et toutes les innovations technologiques dues à cette épreuve démontrent le bien-fondé de la démarche. Les six constructeurs majeurs annoncés au départ pour briguer la victoire de l’édition du Centenaire prouvent, par cet engagement unique dans les annales, l’intérêt des 24 Heures du Mans pour le progrès automobile à l’heure où les révolutions de la mobilité sont plus que jamais d’actualité.
PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : de gauche à droite René Pellier (trésorier), Gustave Singher (secrétaire général adjoint) et Georges Carel (vice-président) autour du secrétaire général de l'ACO Georges Durand (deuxième en partant de la gauche), dont l'énergie et l'enthousiasme ont donné naissance aux 24 Heures ; plan du circuit de 17 kilomètres en vue de la première édition ; Bentley en piste, avec à l'arrivée la quatrième place pour John Duff et Frank Clement.