Renault-Alpine VS Porsche, la course au turbo
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Renault-Alpine VS Porsche, la course au turbo

Le départ des 24 Heures du Mans 1976 est imminent, et avec lui, une grande rivalité vient de naître. Sur la grille, deux mastodontes se préparent pour une bataille longue d’une journée. Renault-Alpine, en pole position, fait face à Porsche sous une chaleur insoutenable. Les deux marques se servent de l’héritage innovant de la course pour embarquer une technologie relativement nouvelle à ce niveau de compétition : le turbocompresseur. Qui sera le premier à le maîtriser ?

Des voitures qui ne manquent pas d’air

Au milieu des années 1970, le turbocompresseur est sur toutes les lèvres. Mais qu’est-ce donc ? Concrètement, un turbo est un système entraîné par une turbine, elle-même animée par la vitesse des gaz d’échappement d’un véhicule. Cela permet, via un compresseur relié à ladite turbine, de forcer l’entrée d’air dans le moteur ; plus le moteur est gavé en air, plus la puissance est importante. Ce type de suralimentation aujourd’hui très répandu est un moyen efficace de développer de grandes puissances sur des petits moteurs, et donc, d’en augmenter le rendement.

Porsche, qui teste cet ajout depuis 1974 en Sarthe, ne plaisante pas le moins du monde avec ses engagements en cette année 1976. Deux modèles peuvent jouer la gagne ; la 936, conçue à partir d’éléments de voitures antérieures pour répondre à la nouvelle réglementation du Groupe 6, et la 935, qui, elle, terrorise le Groupe 5. La 936 est entraînée par un six cylindres à plat turbocompressé équivalant à trois litres avec la suralimentation, pour 540 chevaux.

La première version de la 936 au Mans, qui reprend les éléments visuels de la 917/30 utilisée en championnat Can-Am aux États-Unis, en plus de la cheminée, ajoutée plus tard en 1976 sur l'un des deux modèles engagés au Mans.
La première version de la 936 au Mans, qui reprend les éléments visuels de la 917/30 utilisée en championnat Can-Am aux États-Unis, en plus de la cheminée, ajoutée plus tard en 1976 sur l'un des deux modèles engagés au Mans.

Les deux firmes françaises (officiellement assemblées depuis 1973) préparent un gros coup. Renault-Alpine peaufine un nouveau prototype qui répond désormais aux normes du Groupe 6. L’A440 a évolué en A441, puis, en A441 T pour des essais lors de la saison 1975, cette dernière lettre symbolisant le turbo. Début 1976, la Renault-Alpine A442 de 500 chevaux, équipée d’un V6 turbocompressé équivalent à 2,8 l de cylindrée, est dévoilée. Le rendez-vous est pris.

Pour son turbo, Renault-Alpine fait confiance au manufacturier américain Garrett, et le modèle T05. Porsche prend l'option allemande de Kühnle, Kopp & Kausch (KKK), tout aussi performante.
Pour son turbo, Renault-Alpine fait confiance au manufacturier américain Garrett, et le modèle T05. Porsche prend l'option allemande de Kühnle, Kopp & Kausch (KKK), tout aussi performante.

Combat inégal

Avant même le samedi, on peut croire à un miracle. Dès la première journée d’essais, Jean-Pierre Jabouille, sur l’unique Renault-Alpine A442 #19 engagée, réalise un 3’33’’100. Porsche comprend d’entrée qu’il ne sert à rien de lui disputer la pole position. Jacky Ickx, sur la 936 #20, pointe deuxième à six secondes pleines. Une fois le départ donné, le public rêve d’un exploit français. L’A442 mène, et les deux 936 engagées la prennent en chasse. Rapidement, les 935 sont larguées ; l’autre menace allemande n’est plus.

La Renault-Alpine de Jean-Pierre Jabouille et Patrick Tambay est rapide, très rapide. Les 936 sont en chasse dans la ligne droite des stands.
La Renault-Alpine de Jean-Pierre Jabouille et Patrick Tambay est rapide, très rapide. Les 936 sont en chasse dans la ligne droite des stands.

Mais la dure loi du Mans n’épargne personne. Dès les premiers arrêts aux stands, la Renault-Alpine connaît de gros ennuis. Jacky Ickx, chez Porsche, n’en demande pas moins. Il faut un grand Jean-Pierre Jabouille pour revenir dans le match au cours de la nuit, mais une fois de plus, sa mécanique le trahit. Piston cassé à 1 h 11 ; un turbo, s’il augmente la puissance, réduit aussi la fiabilité des machines surtout quand elles sont poussées au maximum de leurs capacités. Dès lors, la 936 #20 de Jacky Ickx et Gijs Van Lennep se dirige vers une victoire facile. L’équipe est seulement ralentie par une fissure du pot d’échappement le dimanche matin – ce qui empêche le turbo de fonctionner normalement. Un peu plus de trente minutes de perdues à réparer, mais finalement, l’équipe remporte les 24 Heures 1976 avec onze tours d’avance. Porsche vient d’écrire l’histoire en devenant la première marque à imposer le turbocompresseur au Mans ; la firme au losange, moins préparée, n’a pas démérité, mais passe à côté d’une opportunité intéressante au vu de la vitesse de l’A442. Ce n’est que partie remise.

  • La Porsche 936 est développée en seulement neuf mois, mais remporte les 24 Heures du Mans 1976 sans connaître de difficultés insurmontables. C'est le premier succès d'une voiture suralimentée depuis la Bugatti 57C en 1939 (via un compresseur).
  • Gijs Van Lennep, le Néerlandais déjà vainqueur en 1971 sur Porsche 917, annonce sa retraite au soir même de son deuxième succès.
  • La Porsche 936 est développée en seulement neuf mois, mais remporte les 24 Heures du Mans 1976 sans connaître de difficultés insurmontables. C'est le premier succès d'une voiture suralimentée depuis la Bugatti 57C en 1939 (via un compresseur).
  • Gijs Van Lennep, le Néerlandais déjà vainqueur en 1971 sur Porsche 917, annonce sa retraite au soir même de son deuxième succès.
  • La Porsche 936 est développée en seulement neuf mois, mais remporte les 24 Heures du Mans 1976 sans connaître de difficultés insurmontables. C'est le premier succès d'une voiture suralimentée depuis la Bugatti 57C en 1939 (via un compresseur).
  • Gijs Van Lennep, le Néerlandais déjà vainqueur en 1971 sur Porsche 917, annonce sa retraite au soir même de son deuxième succès.
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La Porsche 936 est développée en seulement neuf mois, mais remporte les 24 Heures du Mans 1976 sans connaître de difficultés insurmontables. C'est le premier succès d'une voiture suralimentée depuis la Bugatti 57C en 1939 (via un compresseur).

Un nouveau favori ?

En interne, tout change chez Renault-Alpine lors de l’année 1977. La Régie importe sa technologie turbo en Formule 1, alors que Jean Rédélé, iconique fondateur d’Alpine à Dieppe, quitte le navire. Porsche ne chôme pas et travaille sur la 936/77, l’évolution de la précédente avec une ligne plus épurée, et surtout, deux turbos au lieu d’un. Les 24 Heures sont au centre de toutes les attentions ; Porsche se retire du championnat Groupe 6, jugé trop pauvre en concurrents, et Renault-Alpine, très occupé en monoplace, ne se concentre que sur la classique mancelle. Les Français, pour une seule manche, ont considérablement musclé leur jeu. Plus de 11 000 km de tests sont effectués, soixante Hommes sont débauchés, et trois millions de francs débloqués pour remporter la plus grande course du monde.

Renault-Alpine passe à quatre représentantes. Les équipages sont incroyables, sans doute parmi les plus forts jamais vus au Mans. Sur l’A442 #7, Patrick Tambay et Jean-Pierre Jaussaud. Sur la #8, Patrick Depailler et Jacques Laffite. Sur la #9, Jean-Pierre Jabouille et Derek Bell. Puis, une quatrième frappée du #16 est engagée à titre semi-privé pour faire courir les jeunes Didier Pironi, René Arnoux et Guy Fréquelin. Que des légendes. De son côté, Porsche remet le couvert avec deux voitures. Une nouvelle fois, Jean-Pierre Jabouille place une Renault-Alpine en pole position, et mène le doublé. Assisterait-on aux prémices d’une victoire française ?

  • Le départ des 24 Heures du Mans 1977, avec la Porsche 935 -77 #41 officielle de Rolf Stommelen et Manfred Schurti à droite, en outsider.
  • Renault-Alpine passe dans une autre dimension en 1977. L'A442 prend tout de même 355 km/h dans les Hunaudières.
  • Henri Pescarolo et Jacky Ickx sur la 936 #3, un équipage de rêve qui totalise, à la fin de leurs carrières, dix victoires aux 24 Heures.
  • Le départ des 24 Heures du Mans 1977, avec la Porsche 935 -77 #41 officielle de Rolf Stommelen et Manfred Schurti à droite, en outsider.
  • Renault-Alpine passe dans une autre dimension en 1977. L'A442 prend tout de même 355 km/h dans les Hunaudières.
  • Henri Pescarolo et Jacky Ickx sur la 936 #3, un équipage de rêve qui totalise, à la fin de leurs carrières, dix victoires aux 24 Heures.
  • Le départ des 24 Heures du Mans 1977, avec la Porsche 935 -77 #41 officielle de Rolf Stommelen et Manfred Schurti à droite, en outsider.
  • Renault-Alpine passe dans une autre dimension en 1977. L'A442 prend tout de même 355 km/h dans les Hunaudières.
  • Henri Pescarolo et Jacky Ickx sur la 936 #3, un équipage de rêve qui totalise, à la fin de leurs carrières, dix victoires aux 24 Heures.
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Le départ des 24 Heures du Mans 1977, avec la Porsche 935 -77 #41 officielle de Rolf Stommelen et Manfred Schurti à droite, en outsider.

Super Sub

L’une des plus grandes éditions des 24 Heures débute dans l’excitation. Immédiatement, Jabouille prend la tête, suivi par l’A442 #16. Mais alors que les spectateurs viennent tout juste de voir les derniers concurrents s’élancer, un écho dans les haut-parleurs provoque de vives réactions ; Didier Pironi, sur la Renault-Alpine privée, est déjà en feu à Mulsanne ! Un an de travail réduit à quelques secondes de course. Les regards inquiets des mécaniciens en jaune et noir sont éclipsés par la magnifique performance de Jabouille qui tient bon devant. Le sort semble être du côté des Français. Peu après, la 936 #4 de Jürgen Barth et Hurley Haywood connaît de grosses avaries. Elle perd une demi-heure, le temps de changer la pompe à injection. Porsche y croit encore, et répare. La voiture ressort 41e, dans les méandres du classement. Pendant ce temps, Jacky Ickx et Henri Pescarolo, sur la 936 #3, essayent de contenir les Renault-Alpine.

Peu avant 20 heures, « Pesca » bataille avec Jabouille pour la première position, depuis la sortie des stands. Mais entre Indianapolis et Arnage, il fait prendre trop de tours au six cylindres à plat ; Pescarolo casse une bielle, causant une épaisse fumée bleue et l’abandon du prototype. Le trio d’A442 occupe les trois premières positions, avec aucune Allemande en mesure de disputer quoi que ce soit. Scénario idéal.

Jusqu’à ce que Porsche décide d’ajouter Jacky Ickx à l’équipage de la 936 #4. Suppléant sur cette voiture, il est autorisé à prendre le volant en plus de Jürgen Barth et Hurley Haywood. Le Belge enchaîne les tours rapides, et remonte, ardemment mais inlassablement. À 20 heures, lorsqu’il monte dans le proto, il pointe 14e. Une heure plus tard, il est déjà 9e. Les instructions sont claires : « gagne la course ou casse la voiture en essayant ».

  • Jacky Ickx est sur une autre planète. Parfois, il reprend dix secondes par tour à Jean-Pierre Jabouille. Comment contenir la légende ?
  • Barth, ici au volant, n'a pas cherché à s'imposer pendant la nuit ; mieux vaut laisser faire M. Le Mans. Lui et Haywood effectuent un relai chacun dans l'obscurité, tout le reste, pour Ickx.
  • Jacky Ickx est sur une autre planète. Parfois, il reprend dix secondes par tour à Jean-Pierre Jabouille. Comment contenir la légende ?
  • Barth, ici au volant, n'a pas cherché à s'imposer pendant la nuit ; mieux vaut laisser faire M. Le Mans. Lui et Haywood effectuent un relai chacun dans l'obscurité, tout le reste, pour Ickx.
  • Jacky Ickx est sur une autre planète. Parfois, il reprend dix secondes par tour à Jean-Pierre Jabouille. Comment contenir la légende ?
  • Barth, ici au volant, n'a pas cherché à s'imposer pendant la nuit ; mieux vaut laisser faire M. Le Mans. Lui et Haywood effectuent un relai chacun dans l'obscurité, tout le reste, pour Ickx.
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Jacky Ickx est sur une autre planète. Parfois, il reprend dix secondes par tour à Jean-Pierre Jabouille. Comment contenir la légende ?

Il reste au volant une bonne partie de la nuit et soutient un rythme d’enfer. La Régie tremble, et à raison. À minuit, Jacky Ickx est dans les rétroviseurs des leaders. Il semblerait que Le Mans ait désigné son héros. Sur les coups de 4 heures du matin, la Renault-Alpine #8 est arrêtée à son box avec une boîte de vitesses à changer ; trente minutes de perdues. Puis, alors que les lueurs du soleil réveillent timidement les plus passionnés, Patrick Tambay, sur l’A442 #7, casse son moteur à Indianapolis.

  • À mesure que les heures s'égrènent, la tension monte chez Renault-Alpine. Jürgen Barth, sur la 936 #4, ne roule pas franchement moins vite que Jacky Ickx. Le danger est permanent.
  • La Renault-Alpine #7, ici à la bataille avec Barth, n'a jamais vu l'arrivée. La raison de ces abandons ? Un problème d'inertie qui entraînait une flexion des pistons.
  • À l'époque, Martini sponsorise officiellement Porsche, ce qui donne lieu à des livrées mémorables, comme celle-ci d'ailleurs.
  • À mesure que les heures s'égrènent, la tension monte chez Renault-Alpine. Jürgen Barth, sur la 936 #4, ne roule pas franchement moins vite que Jacky Ickx. Le danger est permanent.
  • La Renault-Alpine #7, ici à la bataille avec Barth, n'a jamais vu l'arrivée. La raison de ces abandons ? Un problème d'inertie qui entraînait une flexion des pistons.
  • À l'époque, Martini sponsorise officiellement Porsche, ce qui donne lieu à des livrées mémorables, comme celle-ci d'ailleurs.
  • À mesure que les heures s'égrènent, la tension monte chez Renault-Alpine. Jürgen Barth, sur la 936 #4, ne roule pas franchement moins vite que Jacky Ickx. Le danger est permanent.
  • La Renault-Alpine #7, ici à la bataille avec Barth, n'a jamais vu l'arrivée. La raison de ces abandons ? Un problème d'inertie qui entraînait une flexion des pistons.
  • À l'époque, Martini sponsorise officiellement Porsche, ce qui donne lieu à des livrées mémorables, comme celle-ci d'ailleurs.
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À mesure que les heures s'égrènent, la tension monte chez Renault-Alpine. Jürgen Barth, sur la 936 #4, ne roule pas franchement moins vite que Jacky Ickx. Le danger est permanent.

Le Mans ne se décide toujours pas

Une nuit avait permis à Jacky Ickx de cimenter sa légende dans la Sarthe. Peu après 9 heures du matin, il rend enfin le volant à Barth. Quelques minutes plus tard à peine, la Renault-Alpine #9 en tête depuis le début fume, titubante, comme battue par l’esprit du Mans. Jean-Pierre Jabouille la ramène au stand, mais il ne faut pas longtemps aux mécaniciens experts pour déceler la panne ; piston cassé, synonyme d’abandon. La Porsche 936 #4 a réussi son pari et se dirige vers une victoire facile. Comme si cela ne suffisait pas, la dernière Renault-Alpine en course rend l’âme avec un nouveau piston brisé.

Mais Le Mans, toujours difficile à convaincre, ne se laisse pas impressionner par les exploits individuels. Avec moins d’une heure à disputer, Hurley Haywood rentre au ralenti. Les hommes de Porsche peinent à y croire, mais pourtant : une soupape a crevé un piston. Ils disposent d’une avance conséquente, certes, mais doivent réaliser le dernier tour en un temps imparti sous peine d’être disqualifiés. Sans attendre, les mécanos isolent le cylindre fautif, en lui ôtant allumage et alimentation. Jürgen Barth, plus expérimenté, reprend le volant auquel on appose un chronomètre pour le délai.

À 15 h 50, il redémarre. La tension est palpable, visible même. Il complète le tour en six minutes, ce qui signifie qu’il est bon pour une deuxième boucle. Heureusement pour lui, il parvient à joindre l’arrivée et stoppe la voiture juste après la ligne. En héros, Jacky Ickx, Jürgen Barth et Hurley Haywood remportent une édition folle.

  • Quand les hommes de main Porsche remettent le contact de la 936 #4 à 15 h 42, pas un bruit n'émane du box. Et pourtant, elle redémarre.
  • Jürgen Barth, ici au volant, est sous-coté dans l'histoire de la firme de Stuttgart. Hurley Haywood, son seul coéquipier initial, effectue alors ses premières 24 Heures du Mans !
  • D'un côté comme de l'autre, les pilotes étaient exceptionnels. Mais un a été plus grandiose encore ; Jacky Ickx.
  • À l'époque, il ne s'agissait "que" de la quatrième victoire pour Porsche, mais déjà, l'une des plus grandes de son histoire.
  • Quand les hommes de main Porsche remettent le contact de la 936 #4 à 15 h 42, pas un bruit n'émane du box. Et pourtant, elle redémarre.
  • Jürgen Barth, ici au volant, est sous-coté dans l'histoire de la firme de Stuttgart. Hurley Haywood, son seul coéquipier initial, effectue alors ses premières 24 Heures du Mans !
  • D'un côté comme de l'autre, les pilotes étaient exceptionnels. Mais un a été plus grandiose encore ; Jacky Ickx.
  • À l'époque, il ne s'agissait "que" de la quatrième victoire pour Porsche, mais déjà, l'une des plus grandes de son histoire.
  • Quand les hommes de main Porsche remettent le contact de la 936 #4 à 15 h 42, pas un bruit n'émane du box. Et pourtant, elle redémarre.
  • Jürgen Barth, ici au volant, est sous-coté dans l'histoire de la firme de Stuttgart. Hurley Haywood, son seul coéquipier initial, effectue alors ses premières 24 Heures du Mans !
  • D'un côté comme de l'autre, les pilotes étaient exceptionnels. Mais un a été plus grandiose encore ; Jacky Ickx.
  • À l'époque, il ne s'agissait "que" de la quatrième victoire pour Porsche, mais déjà, l'une des plus grandes de son histoire.
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Quand les hommes de main Porsche remettent le contact de la 936 #4 à 15 h 42, pas un bruit n'émane du box. Et pourtant, elle redémarre.

La douche froide qui réveille

Renault-Alpine repart du Mans dans le silence. L’équipe dirigée par Gérard Larrousse n’a pas simplement perdu les 24 Heures, c’est une véritable désillusion. Le groupe est de retour en 1978, alors que la sauce peine à prendre en Formule 1 également. Encore quatre prototypes bi-turbo, dont une A443 légèrement rallongée et dotée d’un moteur encore plus puissant. Les pilotes sont sensiblement similaires, mais les équipages remaniés. La Renault-Alpine #2 arbore une coque aérodynamique, afin de gagner en vitesse dans les Hunaudières. Un beau pari, qui change la dénomination de la voiture ; c’est l’A442B pour « bulle ». Au total, pas moins de trente axes de développement ont été explorés – en plus de 30 000 km d’essais – pour enfin triompher des 24 Heures.

Porsche est toujours dans le coup avec deux évolutions de la 936, qui bénéficient d’un gain de puissance non négligeable, entre autres modifications techniques. Le châssis vainqueur en 1977 est également engagé, tout comme une 935/78 surnommée « Moby Dick », ce qui porte la flotte allemande à quatre voitures de pointe. Et cette fois, une 936 s’élance de la pole position ; Jacky Ickx éteint la concurrence avec un tour dont il a le secret. Les huit premières places sont partagées entre les quatre Renault-Alpine et les quatre Porsche d’usine. Que le spectacle commence !

La Renault-Alpine A442B #2, pourvue de cette bulle particulière en plexiglas. Ce ne sont pas moins de 10 km/h de gagnés dans les Hunaudières. Elle est flashée à 352 km/h.
La Renault-Alpine A442B #2, pourvue de cette bulle particulière en plexiglas. Ce ne sont pas moins de 10 km/h de gagnés dans les Hunaudières. Elle est flashée à 352 km/h.

Bis Repetita

Alors que Raymond Poulidor lâche la meute, un étrange spectacle se produit. Jean-Pierre Jabouille, sur l’A443 #1, dépose Jacky Ickx et sa 936 #5 dès les premières vitesses enclenchées. Étrange. Au bout d’un tour complet, Jabouille compte 12 secondes d’avance sur Ickx. D’autant plus étrange. Mais le mystère prend fin quand sa Porsche s’arrête au stand. Une fois l’origine de la panne trouvée, il repart bille en tête. À 21 heures, Ickx est contraint de s’arrêter pour faire changer son pignon de cinquième. L’équipage perd 37 minutes ; Porsche décide de retenter le coup de 1977, en déplaçant le Belge sur la 936 #6 de Bob Wollek et Jürgen Barth. Et, comme en 1977, ça fonctionne. Jacky Ickx nous livre un deuxième concerto, jusqu’à revenir à la deuxième place peu après minuit.

Renault-Alpine tient bon, même si toutes les machines sont en proie à d’étonnantes vibrations. Mais dans la nuit, le speaker glace le sang des Français. Derek Bell, sur l’A442A #3 abandonne pour cause de transmission cassée. Le mauvais sort commet pertes et fracas chez les favoris. Bob Wollek est contraint de ramener la 936 #6 au stand pour un nouveau pignon de cinquième, tandis que Jochen Mass, désormais sur la 936 #5 abandonnée par Ickx en début de course, perd le contrôle et casse la voiture. Dans le même temps, Patrick Depailler, en tête sur l’A443 #1, revient au box dans une épaisse fumée qui sent l’abandon à plein nez.

Plus d’air

Personne n’est plus sûr de rien, mis à part deux hommes. Jean-Pierre Jaussaud et Didier Pironi, sur l’A442B #2, ont sept tours d’avance sur leurs poursuivants. Et quel poursuivant ; Jacky Ickx, encore lui, n’a pas dit son dernier mot. Qui s’imposera dans cette course d’attrition, irrespirable au possible ? La Renault-Alpine de tête connaît des problèmes d’embrayage, mais Pironi, en grand expert, parvient à ménager sa monture. Le pauvre est exténué mais vainqueur des 24 Heures. La bulle aérodynamique aide la vitesse de pointe mais prive d’air les pilotes. Il doit être évacué de son baquet, et ne peut se présenter sur le podium. Jean-Pierre Jaussaud célèbre seul, dans un grand moment d’émotion. Deux 936 complètent le top 3, mais enfin, après plusieurs années de galère, Renault-Alpine est sur le toit du monde.

L’objectif est rempli ; la course au turbo, terminée. Le soir même, Bernard Hanon de la direction Renault annonce le retrait de la marque du monde de l’endurance pour se concentrer sur la Formule 1. Porsche se retire également – au moins officiellement, mais la 936 n’a pas fini de régaler les spectateurs. Ces quelques années sont gravées en lettres d’or dans le grand livre des 24 Heures ; deux marques iconiques qui se regardent dans les yeux sur fond d’innovation, la signature mancelle.

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