Qui est Johnny Herbert, vainqueur, mais absent sur le podium ?
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Qui est Johnny Herbert, vainqueur, mais absent sur le podium ?

Parfois, la vie veut imposer son chemin. Il est souvent bon de s’y laisser emmener, de ne pas forcer le déroulé des évènements. Mais des Hommes choisissent l’opposé, persistent, à contre-courant, en s’accrochant seulement à un rêve, une idée, une simple pensée. Ils n’acceptent pas leur destin comme il se présente, refusent l’inéluctabilité de leur histoire. La vie de Johnny Herbert est de ces grands contes. Lui aussi ne devait pas, mais a été.

Léger contre-temps

Johnny Herbert suit tranquillement la voie de la réussite. Né en 1964 à l’est de l’Angleterre, il rêve de devenir pilote de course, et met tout en œuvre pour y arriver. Logiquement, il se forme aux kartings, devient champion, deux fois, avant de passer aux monoplaces de plus grosses cylindrées. Toujours avec succès, le voici dans des Formule Ford 1600, qui se transforment bientôt en Formule Ford 2000 et Formule 3. Au début des années 1980, il est l’un des grands espoirs britanniques dans un pays qui a bien du mal à trouver un successeur aux gloires passées qu’étaient les Moss, Hawthorn et autres Hunt. En 1987, alors en F3, il se fait offrir un essai de la Benetton de Formule 1 à Brands Hatch. Sans expérience aucune, il est déjà plus rapide que le titulaire Thierry Boutsen. Serait-il donc l’élu ?

Une fois champion, l’écurie Jordan le signe pour le championnat F3000 en 1988. Encore une fois, il brille de mille feux. Jusqu’à ce triste jour. Sur la piste de Brands Hatch, il est pris dans un immense accident dans lequel une douzaine de voitures sont impliquées. Johnny Herbert a percuté un mur de plein fouet ; l’avant de son prototype est déchiqueté, ainsi que ses jambes. Il n’y croit pas.

"Je n’ai jamais perdu connaissance. Je disais aux commissaires « mettez moi K.O, mettez moi K.O ! » car je ne voulais pas savoir ce que j’avais"
Johnny Herbert
Johnny Herbert aux 24 Heures du Mans 2004.
Johnny Herbert aux 24 Heures du Mans 2004.

Les médecins sont formels. Herbert aura de la chance s’il marche de nouveau. L’accident s’est tenu le 21 août. En décembre, il roulait dans une Formule 1, pour essayer. Jamais il n’abandonna son ultime objectif, ce qui l’animait. Grâce aux efforts de Peter Collins, patron de Benetton, il obtient un volant en F1 alors qu’il est encore sur une chaise roulante. Malgré une exceptionnelle quatrième place pour ses débuts au Brésil en 1989 – alors qu’il doit être porté dans sa monoplace pour s’y glisser, il n’est pas conservé par l’équipe au moment de sa reprise par Flavio Briatore. Il n’y arrivait pas. Après une énième tentative en fin d’année, il prend ses bagages et s’envole pour le Japon, en quête de passion et de nouvelles offres.

Le Mans sourit aux audacieux

C’est ainsi qu’un Anglais se retrouve embrigadé dans le programme d’endurance Mazda. Une fois au pays du soleil levant, il multiplie les engagements dans différents championnats et disciplines. Les 24 Heures du Mans sont un objectif de la firme japonaise, qui participe depuis 1974. Ainsi, Johnny Herbert se retrouve au départ de la classique mancelle en 1990. Mazda doit se dépêcher d’imposer son moteur rotatif avant que les nouvelles règles du Championnat du monde des voitures de sport n’entrent en jeu. La 787 était une évolution conséquente, qui devait permettre aux Japonais de se rapprocher du Graal. Le Mans se refuse à ce modèle, qui connaît des problèmes majeurs lors de la course. Les deux voitures sont touchées, dont celle de Johnny Herbert, partagée avec le Belge Bertrand Gachot et l’Allemand Volker Weidler. Un problème électrique met fin à leur course sur les coups de 5 heures du matin.

Une nouvelle fenêtre s’ouvre en 1991, dernière année avant que les monstrueux moteurs 3.5 litres atmosphériques soient imposés. Tous les concurrents sont pénalisés d’une manière ou d’une autre, mais Mazda parvient à se glisser entre les mailles du filet pour ne pas voir sa performance trop altérée. La 787B, ultime évolution, est encore plus aboutie, mais toujours moins que les autres concurrentes ; Jaguar et Mercedes-Benz en tête.

Une voiture qui a gagné le statut de légende au fil du temps.
Une voiture qui a gagné le statut de légende au fil du temps.

Et pourtant, Le Mans sourit à Johnny Herbert et ses coéquipiers, par ailleurs les mêmes que l’édition précédente. À la surprise générale, c’est bien la 787B #55 qui émerge à mesure que tous les favoris essuient des avaries en tout genre. Le Japon suspend ses programmes télévisés ; Mazda devient le premier constructeur nippon à triompher de la plus grande course du monde.

Herbert, chargé de franchir la ligne, n’en peut plus. Les trois équipiers ont enchaîné les double relais ; totalement déshydraté, il s’effondre à la sortie du prototype, et ne peut même pas célébrer sa victoire sur le podium. Une fois de plus, Johnny Herbert est porté hors du baquet, cette fois en héros. La 787B entre elle aussi dans la légende. Grâce à sa livrée iconique et son bruit strident, elle devient l’une des favorites du public. En 2020, vous l’aviez désignée, sur notre compte X (Twitter), comme votre voiture préférée des 24 Heures du Mans.

Il remet le couvert en 1992, cette fois au volant de la Mazda MXR-01, une Groupe C 3.5 litres qui répondait aux nouvelles réglementions. Après une très belle entame sous la pluie, l’équipage Weilder/Herbert/Gachot rejoint par Maurizio Sandro Sala fait bonne figure. Mais les Peugeot et Toyota sont plus fortes ; une quatrième place loin d’être dégradante récompense leur effort.

Deuxième et troisième carrière

Johnny Herbert n’avait jamais réellement quitté la Formule 1, en réalisant toujours quelques piges par-ci par-là pour Lotus – grâce à Peter Collins. Il délaisse donc l’endurance fin 1992 pour se consacrer à la monoplace. À partir de cette même année, la mythique écurie lui propose le rôle de titulaire, ce qui lance sa deuxième carrière en Formule 1. Malgré un matériel en dessous, celle-ci est bien plus glorieuse. Il vit d’abord les dernières heures de Lotus en F1, avant de passer chez Ligier, puis de retourner chez Benetton. Il enchaîne avec trois saisons complètes chez Sauber, avant de s’engager avec Stewart en 1999, qui devient Jaguar en 2000, soit son dernier exercice complet. Au total, il s’est imposé à trois reprises, mais au moment de quitter la catégorie, il frôle la catastrophe. Lors du dernier GP, sa suspension se casse ; c’est l’accident. Il doit – encore – être porté hors de son prototype. Cela lui vaut quelques mots désormais célèbres :

"J’ai commencé ma carrière en F1 en étant porté dans ma voiture, et je l’ai terminée de la même manière "
Johnny Herbert

Vivre sans la F1. Après quelques essais de développement pour l’écurie Arrows, il s’oriente de nouveau vers l’endurance, qui l’avait si bien récompensé au début des nineties. En raison de son pedigree, il est en mesure d’intégrer une prestigieuse équipe exploitante d’Audi, Champion Racing, en provenance des États-Unis. En lice depuis 1999, la marque aux anneaux dispose d’une voiture particulièrement redoutable : la fameuse R8, qui vient de s’imposer aux 24 Heures 2000.

L'Audi R8 est l'une des meilleures voitures sports-prototypes de tous les temps, avec six victoires aux 24 Heures du Mans.
L'Audi R8 est l'une des meilleures voitures sports-prototypes de tous les temps, avec six victoires aux 24 Heures du Mans.

Lui comme ses coéquipiers bénéficient donc d’une belle chance lors de l’édition 2001. Accompagné par Didier Theys et Ralf Kelleners, le défi s’arrête bien plus tôt que prévu. La transmission de l’Audi rend l’âme au bout de 80 tours seulement. Ce n’est que partie remise. En 2002, il rejoint l’écurie Audi officielle, ce qui promet de plus belles prouesses encore. La saison commence fort avec une victoire lors des 12 Heures de Sebring. En Sarthe, il réalise un départ foudroyant sur l’Audi #2, alors que les R8 s’éloignent progressivement du reste du plateau. Mais après la quatrième heure, l’Audi #1 prend les commandes, avec la ferme intention de les garder. Au terme d’une course exemplaire, cette dernière remporte les 24 Heures, un tour devant la R8 de Johnny Herbert, Christian Pescatori et Rinaldo Capello.

En bon britannique, Johnny Herbert n’est pas insensible à la montée en puissance de Bentley au Mans, un engagement largement supporté par le groupe VAG qui détient aussi Audi. « On était deux anglais et demi dans la voiture, avec Mark Blundell et en comptant David Brabham (Australien de nationalité) comme des nôtres. On avait l’impression d’être les Bentley Boys », déclara-t-il récemment. Lors de cette saison 2003, il se hisse à la troisième place des 12 Heures de Sebring, mais encore une fois, échoue au deuxième rang des 24 Heures du Mans, de nouveau derrière la voiture-sœur, pourtant sans avoir commis d’énorme erreur.

"On avait l’impression d’être les Bentley Boys"
Johnny Herbert
  • Un vert anglais qui lui sied à merveille.
  • La Bentley Speed 8 était conçue d'après l'Audi R8, ce qui en faisait une arme redoutable.
  • Un vert anglais qui lui sied à merveille.
  • La Bentley Speed 8 était conçue d'après l'Audi R8, ce qui en faisait une arme redoutable.
  • Un vert anglais qui lui sied à merveille.
  • La Bentley Speed 8 était conçue d'après l'Audi R8, ce qui en faisait une arme redoutable.
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Un vert anglais qui lui sied à merveille.

Toujours aussi passionné, il n’a pas l’intention de raccrocher le cuir. En 2004, il retourne sur une Audi R8 d’une équipe britannique partenaire de la firme allemande, le Team Veloqx. La chance de gagner se présente de nouveau, surtout après un nouveau podium à Sebring, et une très belle performance en qualifications. Johnny Herbert s’empare de la pole position à bord de la R8 #88, sa première et unique en Sarthe.

Il a des raisons d’y croire. Pendant une bonne partie de la course, l’Audi #88 mène les débats alors que des problèmes divers et variés touchent les adversaires. Une autre ne veut rien lâcher : la R8 #5 du Team Goh, une formation japonaise. Les deux se tiennent en respect, et connaissent leur lot de petits retardements. Mais une réparation de sept minutes le dimanche met à mal les espoirs de Johnny Herbert, Guy Smith et Jamie Davies. Jamais le trio ne parvient à revenir sur l’Audi japonaise, qui s’impose pour 41 secondes d’écart seulement. Trois deuxièmes places en trois ans ; un beau bilan, mais la fin est proche. En effet, l’équipe Veloqx met la clé sous la porte.

C'est moins connu, mais Johnny Herbert a été titré en Le Mans Endurance Series pour Veloqx en 2004.
C'est moins connu, mais Johnny Herbert a été titré en Le Mans Endurance Series pour Veloqx en 2004.

Jusqu’en 2012, Johnny Herbert ne s’est jamais arrêté de courir, par passion, dans des championnats assez originaux et parfois peu connus. Entre-temps, il s’est représenté une fois au Mans, à l’occasion des 24 Heures 2007, mais cette fois en catégorie GT1. Il faisait partie de l’armada Aston Martin Racing, qui employait la DBR9. Aux côtés de Peter Kox et Tomáš Enge, il a coupé la ligne en neuvième place, et quatrième de sa classe. Comble du sort ; c’est une autre DBR9 officielle qui s’impose.

Aujourd’hui consultant, Johnny Herbert ne rate aucune occasion de partager sa passion avec le monde entier au travers d’anecdotes, de tranches de vie. Certes, il n’a peut-être pas incarné le Royaume-Uni en sports mécaniques comme certains le prédisaient à ses débuts, mais son cœur de champion en a fait un grand.

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