Pourquoi les Britanniques aiment tant les 24 Heures du Mans ?
Ça ne vous aura pas échappé si vous avez déjà assisté aux 24 Heures du Mans. Les spectateurs anglais se ruent toujours en nombre, comme lors d’une gigantesque procession. Avec eux, tentes, ambiance, et parfois, supercars décorées aux couleurs de voitures mythiques de la célèbre épreuve. Mais d’où vient cette véritable tradition britannique au Mans ? Il s’agit d’une histoire aussi vieille que la course.
Moins de français, plus d’anglais
Afin de comprendre cet attrait pour le moins original, il est nécessaire de revenir aux origines. À sa création en 1923, Les 24 Heures attisent déjà l’attention des Anglais. En cause : la présence remarquée d’une Bentley au sein d’une grille très française. Georges Durand et Charles Faroux, les créateurs de la course, ne veulent pas limiter ce test des voitures de série au parc automobile de l’hexagone. Assurément, l’année 1924 est clé dans cette ouverture vers le monde. La victoire de Bentley rebat les cartes, et offre à l’ACO une résonance importante outre-Manche. Les principaux titres britanniques s’émeuvent de ce succès.
Au cours des Années folles, un réel changement de dynamique s’opère. Lorraine-Dietrich domine l’événement en 1925 et 1926, mais le nombre de constructeurs en provenance d’Italie, du Royaume-Uni, et même, des États-Unis ne cesse d’augmenter. Pour les pontes de l’ACO, cette présence plurielle est bénéfique comme l’assure Faroux, alors directeur de course et principal relai dans la presse : « Le nombre élevé des partants représentant l’Amérique, l’Angleterre, l’Italie, la France […] classent le Grand Prix d’Endurance au tout premier rang des grandes épreuves automobiles mondiales ».
Les Anglais sont les bienvenus au Mans, alors que le contexte historique ne cesse de favoriser leur venue. Avec le retrait de Lorraine-Dietrich en 1927 et le krach boursier (le fameux « vendredi noir »), pléthore de petits constructeurs français habitués des 24 Heures doivent mettre la clé sous la porte. En leur absence, Bentley en profite : la fameuse ère des Bentley Boys débute. Il s’agissait d’un groupe de gentlemen drivers fortunés et menés par Woolf Barnato, triple vainqueur des 24 Heures. Bernard Rubin, Glen Kidston, Henry Birkin et d’autres pilotes britanniques ou issus des pays sous influence de la couronne remportent quatre éditions des 24 Heures du Mans entre 1927 et 1930, toutes pour le compte de Bentley.
Il n'y avait pas que des Britanniques dans les Bentley Boys ! André d'Erlanger, né au Royaume-Uni mais Français de nationalité, faisait partie de l'aventure. Ici debout, derrière la Bentley 3 Litre aux 24 Heures 1927.
En France, ils sont comme chez eux. Accueillis à bras ouverts en ces temps difficiles, l’ACO regrette cependant de ne pas avoir de sérieux concurrents français pour leur faire face. C’est aussi l’émergence de Lagonda, d’Alvis et d’Aston Martin – qui, d’ailleurs, n’hésite pas à nommer certains de ses modèles « Le Mans » – en catégories inférieures. Les spectateurs du pays affluent en nombre pour acclamer leur héros. À n’en pas douter, c’est bien la plus grande épreuve britannique… courue en France.
Le relai est passé
Au fil des années, ces liens forcés par la philosophie de l’ACO et le contexte ne font que se renforcer. En 1935, Luis Fontés et Johnny Hindmarsh imposent leur Lagonda M45R Rapide, ce qui fait six victoires pour les Brits’, contre trois seulement pour les Français. Le début de cette décennie avait été marquée par la création d’un golf de neuf trous en 1935, là encore pour encourager la traversée de la Manche aux passionnés. La presse britannique est unanime sur le rôle joué par les 24 Heures à cette période : « Il est vrai qu’aucune course n’a placé nos voitures de sport sur les devants de la scène automobile mondiale avec plus grand prestige que l’épreuve classique des 24 Heures du Mans » pouvait-on lire dans Motor.
"Aucune course n’a placé nos voitures de sport sur les devants de la scène automobile mondiale avec plus grand prestige que les 24 Heures"
Motor
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La victoire de Lagonda en 1935 est trop souvent oubliée.
Après la Seconde Guerre mondiale, synonyme d’une interruption de 1940 à 1948, les Britanniques sont toujours aussi bien implantés au Mans. Cette fois, c’est Jaguar qui ne tarde pas à imposer des modèles aussi symboliques qu’innovants. La Type C est la première, en 1953, à utiliser les freins à disque, alors que la Type D, avec sa forme iconique, marque une génération. À leur bord en vainqueurs, des Britanniques, du Sud du pays jusqu’à l’Écosse. Le Mans reste ce marqueur fort, là où réside une grande partie de la culture automobile british. Jaguar, avec ses cinq victoires de 1951 à 1957, aide cette continuité… qui ne sera plus jamais brisée.
La présence régulière d’équipes du Royaume-Uni ne cesse d’entretenir ce lien. Aston Martin en vient à gagner la course en 1959, et même la domination Ferrari ne met pas à mal la passion des spectateurs à l’accent anglais. Idem lorsque Porsche a remporté sept édition consécutives de 1981 à 1987. La preuve en est. Lorsque la Jaguar XJR-9LM franchit la ligne des 24 Heures du Mans 1988 en vainqueur, une foule historique envahit la piste, dominée par les Union jacks jusqu’à l’horizon. Tom Walkinshaw – le directeur de l’équipe – et ses hommes ont réussi à vaincre l’ogre Porsche. Cette célébration est assurément restée dans les mémoires.
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Des scènes de liesse qui récompensent les efforts de Jan Lammers, Johnny Dumfries et Andy Wallace.
Les grands noms ne meurent jamais
Peu importe l’état de la construction automobile, les Britanniques répondent toujours à l’appel du Mans. C’est pourquoi de grandes corporations n’hésitent pas à ressusciter la légende, afin de perpétuer l’histoire et peut-être, leur porter chance. Le groupe Volkswagen AG, propriétaire d’une multitude de marques de premier plan dont Audi, Porsche et Lamborghini, décide de faire renaître la grandeur des Bentley Boys au début des années 2000. À côté des mythiques Audi R8, courent les fameuses Bentley EXP Speed 8, dotées du même moteur que la voiture frappée des quatre anneaux. En 2003, Tom Kristensen, Rinaldo Capello et Guy Smith parviennent à remporter l’épreuve au volant du prototype drapé d’un vert anglais mémorable. Soixante-treize ans plus tard, Bentley retrouve les lauriers au Mans pour le plus grand bonheur des fans.
Une voiture entrée dans l'histoire, qui fait honneur à son badge.
Antonin VINCENT (ACO)
Chaque année, les Britanniques se ruent en Sarthe pour venir embrasser leur passé, s’essayer à la collecte de souvenirs, vivre de grandes heures qu’ils n’ont jamais connues. Des rendez-vous tels que le Classic British Welcome, créé en 2001 et tenu à Saint-Saturnin, permettent à tous de profiter de cette ambiance singulière et ô combien addictive.
Leur entrain pour l’épreuve dépasse parfois l’entendement, mais leur indéfectible fidélité sera bientôt récompensée par un cadeau de choix. En 2025, Aston Martin fera son grand retour avec la Valkyrie dans la catégorie Hypercar, par le biais de l’écurie Heart of Racing. Avec elle, ce n’est pas seulement le comeback d’une firme importante, mais bel et bien tout l’éclat d’un pays mû par la passion.
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