Mario Andretti aurait voulu s'offrir les 24 Heures du Mans
Aujourd'hui, vendredi 28 février 2020, Mario Andretti fête ses 80 ans. Son parcours d’exception l’a vu devenir Champion du Monde en Formule 1 (1978), remporter les deux grandes classiques sur circuit ovale d’outre-Atlantique des 500 miles de Daytona (1967) et d’Indianapolis (1969), et s'imposer trois fois en endurance, aux 12 Heures de Sebring. Les 24 Heures du Mans occupent une place singulière : celle d’une passion ardente… et d’un rêve de victoire inachevé. Souvenirs et confidences au fil de huit participations étalées sur plus de trois décennies, de 1966 à 2000, comme un fil rouge de son extraordinaire palmarès.
La passion Le Mans – Avant d’émigrer aux Etats-Unis avec sa famille, Mario Andretti vit déjà le sport automobile de l’après-Seconde Guerre Mondiale sur sa terre natale italienne. Une passion qui ne le quittera jamais, comme en témoignent encore aujourd’hui ses messages sur les réseaux sociaux : « Je suivais les 24 Heures, les Mille Miglia (grande course routière de Brescia à Rome et retour, ndlr), j’allais à Monza, je me souviens d’Olivier Gendebien (premier quadruple vainqueur au Mans, ndlr). J’ai appris la catastrophe des 24 Heures 1955 sur le bateau qui m’emmenait aux Etats-Unis. J’avais 15 ans à l’époque. Chaque jour, pendant la traversée, nous avions les gros titres de l’information en provenance du monde entier affichés sur une sorte de tableau. En 1966, c’est pour disputer les 24 Heures du Mans que j’ai fait mon premier voyage retour en Europe. J’ai retrouvé de la famille, des amis, et nous étions tous très fiers. »
PHOTOS (D.R. / ARCHIVES ACO)
Ci-dessus : dans l'histoire des 24 Heures du Mans et du sport automobile, le casque argenté à crête rouge de Mario Andretti est aussi célèbre que le vert de Henri Pescarolo et le noir à parements blancs de Jacky Ickx. Ci-dessous : Mario Andretti en piste aux 24 Heures du Mans 1966 au volant de la Ford Mk II.
1966, à la découverte des 24 Heures – Deux ans après avoir obtenu la nationalité américaine, et un an après avoir disputé ses premiers 500 miles d’Indianapolis (avec la pole position de l’édition 1966), Mario Andretti rallie donc la Sarthe pour sa première participation aux 24 Heures : « J'ai bien sûr été très impressionné : l'ampleur de l'événement, l'ambiance... On pouvait ressentir le fait que Le Mans appartient à cette catégorie de courses légendaires, comme Indianapolis. C’était l’une des premières fois où je roulais sur un vrai circuit routier. C’était… disons intimidant, mais j’avais un super coéquipier en la personne de Lucien Bianchi, qui connaissait bien le circuit et avait beaucoup d’expérience, et ses tuyaux m’ont permis de me sentir très rapidement à l’aise. J'ai été très heureux d'avoir pu faire équipe avec Lucien, parce que nous étions déjà devenus amis. Nous parlions italien ensemble. Pour moi, venir au Mans avec lui était la meilleure situation possible. C'est moi qui ai demandé à refaire équipe avec lui en 1967 parce que j'ai pensé que nous avions besoin d'une continuité. Notre amitié était très forte. Lucien était un coéquipier très fiable, il savait comment prendre soin de la voiture. »
"J'aurais adoré faire Le Mans avec Ferrari, car que l'on soit chez Ferrari ou Porsche, on sait qu'on peut terminer la course en bonne position !"
Mario Andretti
Ford et Ferrari – Pour ses débuts au Mans en 1966 et 67 avec Ford, Mario Andretti est au cœur du duel entre la marque à l’ovale bleu et celle au cheval cabré. S’il s’est imposé aux 12 Heures de Sebring avec Ford (1967) puis Ferrari (1970 et 72), il n’a jamais piloté pour le constructeur italien dans la Sarthe : « Même si mon expérience était bien sûr limitée, je connaissais très bien la Ford Mk II que j’allais piloter là-bas, car je faisais partie de l’équipe qui avait fait les essais et le développement. C’était une très bonne voiture, avec tous les ingrédients pour en faire une gagnante. Nous étions très bien préparés pour être performants, particulièrement contre Ferrari. Ford avait fait tout ce qui était nécessaire pour y arriver et le résultat final a parfaitement démontré que cette mission avait été bien menée. Pour Ford, c’était un plan à long terme. Il ne s’agissait pas de venir une fois et de s’en aller. Je connaissais très bien certains pilotes Ferrari, comme Lorenzo Bandini. Ils venaient me voir, et ils étaient inquiets (rires). J’aurais adoré faire Le Mans avec Ferrari, mais l’occasion ne s’est pas présentée, il y avait toujours des concurrences avec mes courses de monoplace. Je le regrette, car que l’on soit chez Ferrari ou Porsche, on sait qu’on peut terminer la course en bonne position ! (sourire) »
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Ci-dessus : la Porsche 956 des frères Kremer offre en 1983 à Mario Andretti son premier podium aux 24 Heures.
Ci-dessous : la 962 C de Mario, Michael et John Andretti était l'une des trois Porsche d'usine aux 24 Heures 1988, dans le cadre d'un magnifique duel avec Jaguar.
Les 24 Heures en famille – En huit participations, Mario Andretti a couru à trois reprises avec son fils Michael (1983, 88 et 97) et une fois avec son neveu John (1988), décédé le 30 janvier dernier. Son petit-fils Marco compte également un départ sarthois en 2010 : « Après l’édition 1967 des 24 Heures du Mans, je n’y ai pas recouru avant 1983. Mes enfants savaient que j'essaierais de disputer les 24 Heures à chaque fois que ce serait possible. Il y a toujours eu un souci de concordance de calendriers, qui a fait que je n'ai pas pu aller au Mans avant le début des années 1980. A ce moment, Michael était déjà devenu un pilote accompli, alors j'ai pensé qu'il serait intéressant de venir au Mans ensemble. En 1983, nous avons piloté la Porsche Kremer avec Philippe Alliot, et nous avons terminé à une très belle troisième place. Et la Porsche 956 était tellement bonne que je me suis tout de suite senti chez moi. Quand j’ai couru au Mans en 1988 avec Michael et John, notre 962 C a perdu un cylindre à une heure du matin. A cette époque, les règles de consommation étaient très strictes, et Norbert Singer, le concepteur de la 962 C, avait remarqué que nous avions parfaitement respecté le tableau de marche, alors que les deux autres voitures d’usine avaient trop consommé, et avaient dû ralentir. Nous avons terminé la course sur cinq cylindres en sixième position, et je pense que nous aurions gagné si nous n’avions pas perdu un cylindre. Je savais que Marco adorerait Le Mans, comme Michael et John lorsqu’ils sont venus. Il avait été tout de suite dans le rythme de ses coéquipiers (Neel Jani et Nicolas Prost, ndlr) lorsqu’il avait essayé la voiture de Rebellion Racing au Paul Ricard avant de venir au Mans. »
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Ci-dessus, Mario Andretti en 1995 en compagnie (à sa gauche) d'Yves Courage, constructeur du prototype à moteur Porsche qui porte son nom.
1995, tout près de la victoire – Associé sur Courage-Porsche aux Français Eric Helary (vainqueur des 24 Heures en 1993) et Bob Wollek, il manque à peine un tour à Mario Andretti pour remporter cette victoire après laquelle il a couru jusqu’en 2000. Cette dernière année, à 60 ans, après avoir piloté des châssis Courage en 1995, 96 et 97, il est au volant d’un des très populaires prototypes Panoz à moteur avant : « J’ai beaucoup apprécié la Courage, c’était une voiture vraiment bien équilibrée, et très agréable à conduire. En 1995, j’avais certes fini deuxième, mais personne n’a remarqué que j’étais quand même au volant du premier prototype classé. C’est une victoire de catégorie, certes, mais je peux quand même dire que j’ai gagné quelque chose au Mans, d’autant plus qu’à mes yeux un prototype est bel et bien la voiture qu’il faut pour gagner là-bas. La Panoz de 2000, c’était assez étrange… Je suis quand même content de l’avoir fait, même si c’était un package assez bizarre, avec cet avant très long ! C’était une belle expérience de plus ! »
"Il est séduisant de voir au Mans les technologies de pointe. Alors bien sûr, j'aurais adoré prendre part au développement de la technologie hybride !"
Mario Andretti
Les plaisirs de la technologie – La réputation de Mario Andretti s’est également construite sur une sensibilité technique particulièrement appréciée. Outre sa contribution à Ford aux 24 Heures du Mans, il développe la technologie de l’effet de sol chez Lotus et la mène pour la première fois au titre mondial en Formule 1 en 1978, devenant lui-même le deuxième – et dernier à ce jour après Phil Hill en 1961 – Américain Champion du Monde : « En 1966 et 67, c'était très intéressant de faire partie du programme Ford parce que j'ai pu contribuer à un gros travail d'essais et de développement. Pendant les années 1960, 1970, 1980 et au début des années 1990, il y avait du développement dans de nombreux domaines pour trouver de nouvelles solutions : les pneus, le châssis, l'aérodynamique... C'est ce qui a entretenu ma motivation tout au long de ma carrière de pilote. J'ai toujours apprécié la technologie, tout spécialement en sports-prototypes, car je crois que telle est leur raison d'être. Je pense qu'il est séduisant de voir au Mans les technologies de pointe, c'est ce qui fait tout son intérêt. Pour n'importe quel constructeur, il n'y a pas de plus gros défi que celui de résister à la sanction d'une course de 24 heures. Alors bien sûr, j'aurais adoré prendre part au développement de la technologie hybride ! »
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