Annoncé avec René Marchand comme coéquipier, Bouillin - alias Pierre Levegh - renonce pourtant à céder le volant et entame une folle équipée solitaire, pendant que Marchand noie sa solitude dans… les bulles que les stands voisins lui fournissent avec sollicitude au point de le mettre hors d’état paraît-il -une stratégie dite « de charme » en vogue à l’époque !

A mi-course, Bouillin-Levegh voit son rêve prendre forme, porté par une foule en liesse qui espère la réédition de 1950 et la victoire « en bleu » grâce au constructeur de Suresnes. Les heures passent et l’arrivée est en vue lorsqu’un boulon de bielle cède et plonge Levegh dans le désespoir. Il s’effondre à même le sol du parc de coureurs  et… s’endort sous un plaid, terrassé par la fatigue et l’émotion.

Alfred Neubauer, le plantureux directeur de l’écurie Mercedes, a bien cru (4 tours de retard à 110 minutes de l’arrivée) à la défaite malgré ses nouveaux modèles « lightweight ». Admiratif de la performance physique de Levegh (22 h 50 au volant), il estimera en 1955 qu’il vaut mieux recruter le Français que de l’avoir comme concurrent. C’est ainsi que Pierre Levegh rejoindra la prestigieuse écurie allemande aux côtés de Juan Manuel Fangio, Stirling Moss, John Fitch, André Simon et Karl Kling.

Ce qui devait être l’apothéose de sa carrière basculera dans l'horreur le samedi 11 juin à 18 h 28, mais cela est une autre histoire. A la suite de ces chevauchées héroïques, l’ACO décidera de limiter à 80 tours par pilote le maximum admissible sans relais. De nos jours, les limites autorisées sont de quatre heures maxi et quatorze au total.