En 1932, le jeune espoir français Raymond Sommer, sprinter et étoile montante du sport automobile national, va se révéler un marathonien solide et déterminé en tenant le volant plus de 20 heures. Il s’aligne aux 24 Heures du Mans avec sa propre voiture, une Alfa-Romeo 8 C qui a démontré son potentiel en remportant l’épreuve l’année précédente. Cette fois, la voiture est carrossée par Figoni en Italie et très étudiée aérodynamiquement avec des sabots d’aile avant et arrière profilés et une pointe arrière optimisée, se distinguant des voitures de l’usine. Luigi Chinetti, fin metteur au point, a peaufiné la préparation et intégré un gros réservoir d’essence afin de limiter les arrêts. Malheureusement, Luigi n’est pas en forme et laisse rapidement sa place à Raymond Sommer qui, après avoir été dans les trois premiers à la mi-course (avec même un passage en tête après 8 heures), maintient un rythme très soutenu qui aura raison des autres Alfa Romeo concurrentes. La victoire est au bout de l’effort et après 20 heures au volant, Sommer entame une grande carrière.
En 1933, Raymond Sommer fait équipe avec le « campionissimo », l’Italien Tazio Nuvolari, dont il se dit qu’il fut le plus grand pilote de tous les temps : il avait compris avant tous les autres qu’une voiture en dérive maîtrisée passait plus vite en courbe qu’en parfaite adhérence. L’Italien est certes très rapide, bouillant et brillant, mais il est plus habitué aux Grands Prix... et les efforts de longue haleine ne sont pas son fort. Aussi décide-t-il de ne pas piloter de nuit. Ainsi, notre Raymond Sommer passe toute la nuit au volant. Imperturbable, souverain, il rend la voiture à Nuvolari aux trousses de Chinetti, lui-même en embuscade derrière Chiron. Quelques heures plus tard, au terme d’un dernier tour d’anthologie, Nuvolari bat Chinetti de 401 mètres, et Sommer laisse un beau record du tour, améliorant le précédent de 10 secondes et complétant la victoire par l’Indice de Performance.
En 1935, Sommer est délaissé le matin de la course par son coéquipier... Le règlement est formel : il est trop tard pour le remplacer, mais qu’importe. Sommer part tout seul pour 24 Heures de volant (n’a-t-il pas déjà fait 20 heures deux ans auparavant ?) et, sous la pluie, il est déjà en tête au deuxième tour, soutenu par un public conquis par le panache du double vainqueur. Il reste en tête jusqu’à son abandon à la huitième heure sur panne d’allumage, qui anéantit cette fabuleuse démonstration.