Laura Wontrop Klauser : « les 24 Heures du Mans ont toujours été une de mes priorités »
En 2021, Laura Wontrop Klauser a vécu ses premières 24 Heures du Mans à la tête de Corvette Racing, avec sous le drapeau à damier la deuxième place de la catégorie LMGTE Pro pour Nicky Catsburg, Antonio Garcia et Jordan Taylor. Portrait, souvenirs et perspectives d’avenir à la veille d’un double programme inédit pour l’équipe américaine, en Championnat du monde d’Endurance FIA et en IMSA WeatherTech SportsCar Championship, dont la saison 2022 démarre avec les 24 Heures de Daytona les 29 et 30 janvier.
L’année 2021 a marqué un changement majeur dans l’histoire de Corvette Racing. Figure dirigeante emblématique pendant un quart de siècle, Doug Fehan a quitté ses fonctions fin 2020, avec un palmarès riche depuis 2001 de huit victoires de catégorie aux 24 Heures du Mans, quatre aux 24 Heures de Daytona et quatorze titres aux Etats-Unis.
Diplômée en ingénierie et entrée chez General Motors en 2008, Laura Wontrop Klauser a pris la direction de Corvette Racing auréolée de sa réussite en tant que responsable du programme DPi de Cadillac en IMSA. Après un premier podium sarthois en 2021 pour la première participation de la Corvette C8.R à moteur arrière, elle évoque ses premières 24 Heures ainsi que les échéances à venir pour Corvette Racing et la future arrivée de Cadillac en Hypercar, pour laquelle la marque américaine a notamment fait appel au Manceau Sébastien Bourdais.
Quels ont été vos premiers contacts avec les 24 Heures du Mans ?
« J’ai assisté pour la première fois aux 24 Heures en 2018 avec Chevrolet en tant que simple passionnée. Venir au Mans a toujours été sur ma liste de priorités, c’était un rêve pour moi et pour mon mari. J’ai adoré chaque minute de cette expérience vécue à deux et je suis très heureuse d’avoir pu voir la course une première fois avant d’y revenir au sein d’une écurie. »
Pouvez-vous nous parler des 24 Heures du Mans 2021, qui ont donc été vos premières en tant que patronne de Corvette Racing ?
« Les 24 Heures 2021 ont été frénétiques. L’agenda raccourci nous a tous poussés, et je pense que le plus gros défi de cette course, en termes d’endurance, c’est son aspect humain. Corvette Racing devait rallier Le Mans en provenance directe de notre course IMSA précédente à Road America, ce qui était loin d’être simple. Je suis très fière de toute l’équipe, qui a dépassé ses limites et n’a jamais rien lâché. Pour ma part, venir sur la course en tant que responsable du programme avait quelque chose de surréaliste. Je me suis souvent demandé si je n’allais pas me réveiller en plein milieu de ce grand voyage pour me rendre compte que tout cela n’aurait été qu’un rêve. La course entre les Ferrari et nous était passionnante. Cela aurait été fantastique de les dépasser, mais c’était la première participation de la C8.R au Mans. Si on prend en compte le planning qui a été le nôtre pour venir au Mans et la période des 24 Heures proprement dite, nous sommes fiers de notre deuxième place. »
Quelles informations avez-vous retiré des premières 24 Heures de la C8.R en vue de votre engagement en Championnat du monde d’Endurance FIA en 2022 ?
« Nous apprenons toujours de nos participations en Championnat du monde. Son règlement sportif est suffisamment différent de celui de l’IMSA pour découvrir quelque chose que nous n’avions pas envisagé ou pas parfaitement compris. Nous sommes enthousiastes à l’idée de disputer en 2022 une saison complète en Championnat du monde et de nous immerger totalement dans cette compétition. En outre, nous allons courir sur des circuits sur lesquels nous ne sommes jamais venus. Nous aurons ainsi de nombreuses opportunités de voir comment notre voiture va se comporter dans ces nouveaux contextes. »
D’un point de vue personnel, quels sont vos meilleurs souvenirs de vos premières 24 Heures du Mans à la tête de Corvette Racing ?
« Tout est allé très vite – je ne sais pas comment c’est possible, mais les 24 heures de course sont le moment qui passe à la fois le plus vite et le plus lentement ! Nous avons eu des hauts et des bas pendant la course. La n°64 est rentrée au stand pour réparation et, même si on ne souhaite jamais une telle situation, je me souviens de ma fierté quand j’ai vu avec quel professionnalisme chaque membre de l’équipe s’est comporté, et aussi de leur conviction à remettre la voiture en état pour qu’elle puisse reprendre la piste. Personne n’a rien lâché, même avec plusieurs tours de retard, les pilotes ont donné le maximum et les mécaniciens se sont surpassés pour raccourcir la durée des arrêts au stand. Du côté du stand de la n°63, la détermination était le maître mot. J’ai adoré voir Nicky (Catsburg, ndlr) rouler de nuit et faire la démonstration de son talent. A un moment donné, j’étais censée faire une courte sieste, mais je n’ai pas pu me poser pour dormir, il se passait tellement de choses que je ne me sentais jamais fatiguée. J’ai aussi beaucoup apprécié ma visite sur le site du Corvette Corral dans l’enceinte du circuit, d’y rencontrer des fans venus de toute l’Europe et d’admirer leurs Corvette. Le fait de savoir également qu’ils étaient très nombreux aux Etats-Unis à regarder la course était également très spécial. Nous avons discuté pendant la course avec le National Corvette Museum (situé à Bowling Green dans l’Etat du Kentucky, ndlr), où se déroulait une fête pour suivre les 24 Heures. J’ai apprécié les sms et les messages des fans en provenance des Etats-Unis, qui nous souhaitaient bonne chance et qui nous disaient regarder la course. »
"Je ne sais pas comment c'est possible, mais au Mans, les 24 heures de course sont le moment qui passe à la fois le plus vite et le plus lentement."
Laura Wontrop Klauser
Comment General Motors et vous-même avez-vous opéré le choix final entre Cadillac et Corvette pour le futur programme Hypercar ?
« Le programme Hypercar est l’opportunité de porter Cadillac au niveau supérieur de la technologie de l’endurance. Cadillac est la marque leader de General Motors pour ce qui est de la technologie et la plate-forme Hypercar nous offre la possibilité de faire la démonstration de l’implication de la marque dans la propulsion électrique, car nous franchissons dans ce domaine une étape supplémentaire avec l’hybride. L’autre nouvelle étape passionnante pour Corvette Racing, c’est le programme Corvette GT3. Pour Corvette, la compétition sert à créer une meilleure voiture de route et à démontrer les capacités de la marque. Faire courir les voitures que nous vendons a toujours été et restera une composante majeure du programme de Corvette Racing. »
Que représente pour Cadillac le recrutement d’un pilote aussi expérimenté que Sébastien Bourdais, qui plus est originaire du Mans ?
« Le parcours et les succès de Seb parlent d’eux-mêmes. Il a prouvé être l’un des pilotes les plus éclectiques qui soit jamais monté dans une voiture de course. C’est vraiment époustouflant quand on regarde sa carrière en monoplace – ChampCar, IndyCar, Formule 1 – ainsi que son expérience en GT et en endurance. A chacune de ces étapes, il a gagné quelques-unes des plus grandes courses. Nous avions déjà eu une idée de ses talents en DPi, lorsque nous l’avons vu tirer les dernières forces d’une voiture endommagée pour franchir la ligne d’arrivée en vainqueur des 12 Heures de Sebring sur la Cadillac DPi-V.R. de l’équipe Mustang Sampling (déséquilibrée dans les tout derniers tours de course par la perte de la partie supérieure de son aileron arrière, ndlr). Ce qu’il apporte à Cadillac Racing est inestimable. Nous sommes ravis de l’avoir à plein temps pour notre programme DPi cette année ! Je suis sûre qu’il aimerait poursuivre avec nous et peut-être faire sa course à domicile au Mans avec nous l’année prochaine. »
Alexis GOURE (ACO)
L’endurance est aujourd’hui à un grand tournant de son histoire. Ce moment est-il pour vous une source de pression supplémentaire ou le plus grand défi de votre carrière ?
« Ces changements dans les compétitions d’endurance me donnent de l’énergie. En 2023, la catégorie des prototypes verra en piste de nombreuses nouvelles voitures très différentes, tandis que le passage à la plate-forme GT3 ouvre également la catégorie à encore plus de nouveautés. Voir de tels plateaux très fournis est excitant et démontre l’implication de l’industrie automobile en compétition. Toute cette concurrence rendra le travail pour la victoire encore plus difficile mais si nous parvenons à recevoir le drapeau à damier en tête, ce sera incroyable. Depuis que j’ai pris ces nouvelles fonctions, chaque étape a été le défi le plus important de ma carrière. Créer l’entité de General Motors en endurance et évoluer de sa mise en place jusqu’à la victoire n’est pas une mince affaire. Maintenant, le prochain défi est de réaliser des voitures de course compétitives et gagner. »
PHOTOS EN HAUT ET CI-DESSUS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS 2021 - Pour sa première apparition aux 24 Heures, la Corvette C8.R à moteur central est pilotée par Antonio Garcia/Nicky Catsburg/Jordan Taylor (n°63) et Tommy Milner/Alexander Sims/Nick Tandy (n°64). AU CENTRE (RICHARD PRINCE / CORVETTE & CADILLAC RACING) : PLYMOUTH (WISCONSIN, ETATS-UNIS), CIRCUIT DE ROAD AMERICA, AOÛT 2021 - Laura Wontrop Klauser lors de la course IMSA WeatherTech Sportscar Championship disputée le 8 août, juste avant ses premières 24 Heures du Mans à la tête de Corvette Racing.
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