Avec un nombre inédit d’hypercars (23) engagées, des LMP2 toujours difficiles à départager et une catégorie LMGT3 qui faisait ses grands débuts, il était bien difficile avant les premiers essais de prévoir une hiérarchie tant toutes les catégories semblent ouvertes. Maintenant que les quatre séances d’essais libres, la séance qualificative et l’Hyperpole ont eu lieu, peut-on y voir plus clair ? Un peu. Livrons-nous à une première analyse des performances réalisées depuis le début de la semaine.
Porsche, une Hyperpole surprise ?
Commençons par la catégorie reine, l’Hypercar. Aucun constructeur ne semble vraiment dominer le peloton. Si la Porsche 963 #6 Porsche Penske Motorsport de Kévin Estre/André Lotterer/Laurens Vanthoor a décroché l’Hyperpole grâce au premier nommé, jamais elle n’a été vue en haut de la feuille de temps cette semaine lors des autres séances. Il faut regarder le verdict de la Journée Test de dimanche pour la retrouver à pareille fête. Depuis, c’est Toyota qui a d’abord pris l’ascendant avec la GR010 Hybrid #8 de Sébastien Buemi/Brendon Hartley/Ryo Hirakawa, lors des deux premières séances d’essais libres. Puis on retrouvait la BMW M Hybrid V8 #15 de Dries Vanthoor/Raffaele Marciello/Marco Wittmann meilleure des qualifications, et enfin la Ferrari 499P #50 d’Antonio Fuoco/Miguel Molina/Nicklas Nielsen, avant une ultime session fraîche et pluvieuse avec la Toyota GR010 Hybrid #8 aux commandes.
Fait remarquable, la Porsche #6 est la seule – avec la Cadillac V-Series.R #2 – à avoir amélioré son meilleur temps absolu entre la séance de qualification et l’Hyperpole. Un détail ? Peut-être pas. Disputée par des conditions plus fraîches jeudi, avec un ciel plus chargé, l’Hyperpole réunissait des éléments qui semblent mieux sourire à la 963. À titre de comparaison, les temps avaient chuté de deux secondes entre les deux séances en 2023.
Il ne faut pas non plus minimiser l’effort réalisé par Kévin Estre, qui sait être décisif dans les moments forts. « C’était une Hyperpole très compliquée. Il fallait économiser de l’énergie et mettre les pneus à température. C’était stressant, car, après le drapeau rouge, on savait que ça allait être juste pour faire deux tours, explique le pilote Porsche. J’ai eu des bonnes indications de la part du muret des stands. La voiture incroyable à piloter avec moins de carburant. Il a fallu dépasser une LMP2 à Indianapolis et ça m’a coûté un peu de temps, mais j’en ai sans doute gagné avec l’aspiration. Le tour n’était pas loin d’être parfait. C’est vraiment une superbe sensation d’être ici en pole position de la plus grande course d’endurance au monde. L’équipe a effectué un travail exceptionnel comparé à notre position de l’an passé. Nous avons changé de planète. Désormais, il y a 24 heures de course devant nous, alors tout reste à faire. »
La Porsche 963 #6 partira première. Un privilège qui permet - parfois - de l'emporter. Dans plus de 20 % des éditions passées, la voiture partie première l'a emporté (depuis l'introduction de la pole position en 1963).
LAURENT CARTALADE (ACO)
Et Cadillac ? la V-Series.R #2 d’Earl Bamber/Alex Lynn/Alex Palou, deuxième après l’Hyperpole, partira pourtant au septième rang à cause d’une pénalité. Celle-ci a été infligée suite à l’accident dont Earl Bamber a été jugé responsables aux 6 Heures de Spa-Francorchamps, ayant entraîné une interruption de la course. La marque américaine a bien failli enlever l’Hyperpole avec Sébastien Bourdais (Cadillac V-Series.R #3). L’an passé, Cadillac avait emmené ses trois voitures à l’arrivée (troisième, quatrième, dix-septième). Pour 2024, l'objectif est la victoire.
À noter que, du côté des vainqueurs sortants, il faudra composer dès le début avec un handicap. Deux Ferrari 499P (la #50 et la #83) devront rester stationnées dix secondes de plus à leur premier ravitaillement pendant la course, pour non-respect de la procédure d’arrêt pendant les essais. Dix secondes qui vont probablement avoir un impact lors de la première salve de passages par les stands.
Louis Delétraz au sommet de son art ?
La catégorie LMP2 ne voit s’affronter que des châssis Oreca 07 à moteur Gibson. Une monotypie qui pousse les équipes à rechercher les meilleurs réglages. Pour les pilotes, c’est aussi un élément important. Toute performance individuelle est remarquée. À ce jeu, on le sait, Louis Delétraz est un pilote sur lequel on peut compter. Vainqueur en mars des 12 Heures de Sebring, double champion European Le Mans Series (ELMS), titré en Championnat du monde d’endurance (WEC), le Suisse est déjà une référence en endurance. Son expérience si riche en monoplace – de la Formula BMW à la F2 en passant par un rôle de pilote de réserve en F1 – en font un atout précieux pour chasser le chrono. Sur l’Oreca 07-Gibson #14 AO by TF, il compose avec PJ Hyett et Alex Quinn un équipage parmi les favoris.
Louis Delétraz se concentre avant le départ de la séance Hyperpole. Polyvalent, il a remporté cette année les 12 Heures de Sebring avec une Acura AR-06 de l'équipe Wayne Taylor Racing with Andretti.
Alexis GOURE (ACO)
À la veille du départ, bien difficile de donner toutefois un favori tant les performances individuelles sont remarquables. Les 14 meilleurs temps absolus de la catégorie sont le fait de pilotes sur… 14 voitures différentes. Cela montre qu’un équipage ne domine pas les autres. C’est bien la complémentarité qui sera la clé ce week-end, une fois encore.
McLaren s’offre un retour aux avant-postes du LMGT3
En 1995, McLaren créait la surprise en remportant les 24 Heures du Mans dès sa première tentative. Presque 30 ans plus tard, à la faveur du règlement LMGT3, McLaren revient (la dernière apparition des F1 GTR remonte à 1998). Et ce retour est une fête. Avec trois châssis engagés, le constructeur britannique est solidement armé. Brendan Iribe a apporté une délivrance avec l’Hyperpole. Mais il ne faut pas sous-estimer Lexus et Ford, que l’on voit aussi souvent devant. À l’image de l’Hypercar, la catégorie LMGT3 comporte elle aussi 23 engagés, et elle aussi neuf marques. La grille de départ reflète une première hiérarchie, mais, rappelons-le, cette catégorie est nouvelle en Sarthe.
Marquer l'histoire, McLaren sait le faire. Avec la victoire de 1995 au général, et pourquoi pas aussi avec un succès en catégorie lors de cette 92e édition, la première voyant des LMGT3 au départ ?
Guénolé TREHOREL (ACO)
La grille de départ de la 92e édition des 24 Heures du Mans