Mais remontons tout d’abord la lignée familiale. Le 17 juin 1990, associé sur Jaguar à Price Cobb et John Nielsen, Martin Brundle remporte les 24 Heures du Mans. Un mois et demi plus tard, le 7 août, son fils Alex vient au monde. « J’étais venue au 24 Heures du Mans 1990, six semaines avant la naissance d’Alex, et j’avais dû obtenir une autorisation spéciale de mon médecin pour assister à la course, se souvenait en 2012 Elizabeth, épouse de Martin et mère d’Alex, revenue dans la Sarthe lorsque mari et fils disputèrent ensemble cette année-là les 24 Heures du Mans chez Greaves Motorsport (catégorie LMP2). Alex a commencé à venir au Mans lorsque son père y a couru à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Nous lui avions amené un petit lit, qui était posé par terre et dans lequel il dormait. »
Laissons maintenant la parole Alex, désormais jeune trentenaire, pour raconter la suite : « Mes premiers souvenirs sont principalement liés au projet Toyota GT-One et ce fut ma première venue au Mans. Nous étions là pour soutenir mon père et j’ai vraiment apprécié l’ambiance. Tout jeune garçon, je me suis évertué à comprendre correctement le concept de la course mais je me rappelle avoir pensé que, d’un point de vue esthétique, les voitures avaient une plus belle allure que les Formule 1 de l’époque. Je me souviens aussi d’une sensation de tension nerveuse et de l’attente de la victoire pour un grand constructeur comme Toyota. Ça semblait vraiment important. J’étais sur le point de débuter ma propre carrière en karting, avec la Formule 1 en point de mire. C’est seulement maintenant que mes premières expériences au Mans prennent leur sens. »
Comment Martin et vous-même avez travaillé lorsque vous avez disputé vos premières 24 Heures en 2012 ?
« Plutôt bien, en fait. C’étaient mes premières 24 Heures et ce fut surtout pour moi une année d’apprentissage. Je crois que l’élément qui a fait que les choses se sont passées au mieux était de savoir clairement que j’étais là pour acquérir de l’expérience. Je crois que nous nous sommes plus concentrés sur l’aspect technique et sur la stratégie de course. Pour moi, mon père se rappelait et pensait les 24 Heures du Mans différemment. Je me souviens de ses commentaires cette année-là : il disait à quel point les sensations de la voiture étaient « pointues ». Aujourd’hui, les prototypes LMP2 le sont encore plus et leur préparation encore plus poussée. Je crois que les 24 Heures du Mans d’aujourd’hui seraient pour lui un vrai choc culturel. Mais c’était incontestablement magique de partager une voiture avec lui.. »
Comment avez-vous apprécié les différents prototypes LMP2 que vous avez pu piloter au fil de votre carrière (Zytek, Morgan, Ligier, Oreca) ?
« Ce sont toutes de superbes voitures. La Zytek avait vraiment trop d’appui au Mans mais elle était extraordinaire dans le dernier secteur. La Morgan est née avec une configuration générant peu d’appui mais elle avait un équilibre aérodynamique bien meilleur, son cockpit était ouvert et ce fut une expérience plutôt rude. La première Ligier JS P2 a été pour moi une expérience spéciale, car j’ai passé 25 jours en piste à son volant pour faire du développement. C’était la première d’une série de prototypes fermés qui devenaient de plus en plus efficaces, et qui a déterminé la direction prise par la catégorie LMP2. L’Oreca 07, c’est vraiment un prototype LMP1 ! Il ne faut pas remonter loin dans le temps pour retrouver une voiture comme celle-là, elle pourrait gagner les 24 Heures au général. Elle « rétrécit » la piste par rapport aux anciennes LMP2 car sa vitesse maxi et sa vitesse d’entrée en virage sont bien supérieures. C’est difficile de les comparer mais ce sont toutes des voitures fantastiques.. »
La Zytek de 2012 et la Morgan de 2013 étaient une génération de prototypes à carrosserie ouverte, tandis que depuis 2014, la Ligier et l’Oreca ont des cockpits fermés. Quelle configuration vous paraît la plus confortable ?
« Il est sûr qu’on se sent plus en sécurité dans un prototype fermé. En ce qui concerne les soucis sur le pare-brise comme la pluie ou le brouillard, je n’ai jamais rien connu de tel dans la plupart des prototypes LMP2 modernes, on sent qu’on peut pousser la monocoque qui vous entoure jusqu’à ses limites absolues. L’habitacle doit être parfaitement éclairé, sinon ça peut être perturbant quand les voyants du tableau de bord se reflètent sur le pare-brise. Ça peut être également plus difficile dans une voiture fermée s’il pleut légèrement. La pluie qui s’est déversée sur le circuit en début de course en 2014 était beaucoup plus délicate à gérer (sur la Ligier) que la pluie nocturne en 2013 (sur la Morgan). Honnêtement, en termes de sécurité et de possibilité d’attaquer les prototypes fermés sont meilleurs, incontestablement.. »
A quel point une relation à long terme avec une équipe, comme celle qui est la vôtre actuellement avec United Autosports (en 2016 en catégorie LMP3, et depuis 2019 en catégorie LMP2, ndlr) est-elle bénéfique à votre épanouissement en tant que pilote de course ?
« Je pense que le fait de construire une relation avec une équipe aide énormément. J’ai découvert grâce au sport automobile que, quel que soit votre nombre de bons résultats, les équipes ne considèrent vraiment que les performances que vous signez au volant de leurs voitures - parce qu’elles connaissent les paramètres et je pense que c’est beaucoup plus facile pour elles ! Cela signifie que l’on repart de zéro à chaque fois qu’on change d’écurie, alors c’est une bonne chose de ne pas avoir à tout reconstruire en 2020 ! Nous bâtissons une belle série de résultats ensemble. Je continue à apprendre énormément de l’équipe. J’apprécie l’ambiance chez United Autosports et leur attente de belles performances est contagieuse. Espérons que nous pourrons continuer à signer de bons résultats et approfondir ce que nous faisons ensemble.. »
PHOTO : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS, ESSAIS LIBRES 17 SEPTEMBRE 2020. Quatre ans après sa deuxième place en catégorie LMP2 sur une Morgan-Nissan de l'équipe française OAK Racing, Alex Brundle signe en 2017 un performance similaire sur une ORECA 07 de Jackie Chan DC Racing, assortie de la troisième marche du podium du classement général. 2020 sera-t-elle l'année du podium de la victoire ? Réponse le dimanche 20 septembre à 14 h 30.