Le samedi 14 juin 1969, Jacky Ickx traverse la piste en marchant et part bon dernier, avant d’arracher la victoire dans le dernier tour le lendemain. Ce geste sonne le glas du départ traditionnel des 24 Heures. En 1970, les voitures sont en épi pour la dernière fois, mais avec pilote sanglé à bord, qui ne court donc plus vers sa voiture. Ce départ a été immortalisé dans le film Le Mans, produit et interprété par Steve McQueen.

Le 12 juin 1971, le départ en épi est définitivement remplacé par l’actuelle procédure lancée, où les concurrents sont libérés par la voiture de sécurité qui ouvre la piste. Outre ce changement majeur, de nouvelles histoires s’inscrivent dans la légende des 24 Heures du Mans.

Helmut Marko et Gijs van Lennep, deux vainqueurs pour un record – Qualifiés cinquièmes, l’Autrichien Helmut Marko et le Néerlandais Gijs van Lennep s’installent définitivement en tête à la treizième heure, et connaîtront leur seule alerte sérieuse en début de course, avec un changement de courroie d’alternateur. Avec 397 tours couverts et 5 335 kilomètres parcourus (222 km/h de moyenne), ils établissent un nouveau record de la distance qui ne sera battu qu’en 2010. Premier citoyen de son pays vainqueur dans la Sarthe, Gijs van Lennep signe une deuxième victoire mancelle en 1976 avant de prendre sa retraite. La carrière de Helmut Marko s’interrompt brutalement au Grand Prix de France de Formule 1 1972, lorsqu’une pierre projetée par la Lotus d’Emerson Fittipaldi le prive de l’usage d’un œil. Aujourd’hui âgé de 78 ans, il est le patron de la filière des jeunes pilotes Red Bull, qui a offert ces dernières années trois vainqueurs aux 24 Heures du Mans : Neel Jani (2016), Brendon Hartley (2017-2020) et Sébastien Buemi (2018-2019-2020).

Le festival Porsche 917 – Cette deuxième victoire de Porsche est aussi celle de la 917, qui signe trois records en 1971. Outre celui de la distance sous les couleurs de Martini Racing, la 917 LH de l’équipe Gulf franchit pour la première fois la barre des 250 km/h de moyenne au tour grâce à Jackie Oliver lors des essais préliminaires d’avril (3’13’’6) puis Pedro Rodriguez pour la pole position en qualifications (3’13’’9). La 917 n°23 (Martini Racing) est également restée dans les mémoires par sa décoration rose à gros pointillés représentant les différentes parties du cochon, en guise de clin d’œil à la Sarthe, pays de la rillette. Aux 24 Heures 2018 Porsche, qui fête son 70e anniversaire, reprend cette décoration pour la 911 RSR d’usine n°92. A son volant, Kévin Estre, Michael Christensen et Laurens Vanthoor remportent la catégorie LMGTE Pro.

Luigi Chinetti, les 24 Heures du Mans de père en fils – Face à la Porsche 917, dix Ferrari 512 M sont engagées par des écuries partenaires et clientes, en l’absence de l’équipe d’usine. L’écurie NART de Luigi Chinetti monte sur la troisième marche du podium grâce au duo américain Sam Posey/Tony Adamowicz. Le NART termine également cinquième avec une GT, la 365 GTB/4 n°58. Celle-ci est pilotée par Luigi Chinetti Jr : le fils du fondateur du NART boucle ses premières 24 Heures dans le top 5, associé à Bob Grossman, pilote de longue date de la structure américaine.

Marie-Claude Beaumont, « première dame » des 24 Heures 1971 – Cette édition voit la première participation de Marie-Claude Charmasson, dite Marie-Claude Beaumont, au volant d’une Chevrolet Corvette engagée par Henri Greder, qui est également son coéquipier. Contraint à l’abandon, le duo restera associé jusqu’en 1974, avec comme meilleur résultat une douzième place en 1973. Par la suite, Marie-Claude Beaumont constitue avec l’Italienne Lella Lombardi un équipage entièrement féminin sur prototype Renault-Alpine en 1975, avant de boucler en 1976 ses dernières 24 Heures à la 19e place, associée sur Porsche 934 à Didier Pironi et Bob Wollek.

Matra et Ligier, des ambitions françaises – Trois ans après la chevauchée nocturne d’Henri Pescarolo, en panne d’essuie-glace sous la pluie, et deuxième au moment de son abandon, la seule Matra engagée en 1971 occupe cette même position au lever du jour. Chris Amon et Jean-Pierre Beltoise s’y maintiennent trois heures durant, avant de renoncer à la suite d’un problème moteur d’alimentation. Mais Matra prépare l’avenir… et succède à la Porsche 917 au palmarès des 24 Heures, avec trois victoires consécutives de 1972 à 1974. Parallèlement, Guy Ligier aligne en 1971 la première voiture de compétition portant son nom, avec le prototype JS3 qu’il partage avec Patrick Depailler. Ils grimpent jusqu’en cinquième position à la 18e heure avant un souci de roulement de boîte de vitesses. La Ligier passe trois heures dans son stand pour réparation, le temps d’adapter une pièce de remplacement… en provenance de l’équipe Gulf. Ce beau geste de solidarité permet à la voiture de reprendre la piste sous les acclamations du public et de recevoir le drapeau à damier. Mais elle termine non classée : il lui aura manqué 21 tours pour atteindre la distance minimale imposée. Toujours en activité aujourd’hui sous la houlette de Jacques Nicolet, Ligier anime aujourd’hui les plateaux LMP2 et LMP3 de la pyramide de l’endurance.

PHOTOS (D.R. / ARCHIVES ACO) : LE MANS (SARTHE, FRANCE), 24 HEURES DU MANS 1971. De haut en bas : le premier départ lancé de l'histoire des 24 Heures du Mans, avec en pole position la Porsche 917 LH de Pedro Rodriguez/Jackie Oliver (n°18) et à droite la Porsche 911 qui a emmené le tour de formation ; les Porsche 917 des vainqueurs Helmut Marko/Gijs van Lennep (n°22) et de Reinhold Joest/Willi Kauhsen (n°23), dite Cochon Rose ; la Ferrari 365 GTB/4 de Luigi Chinetti Jr/Bob Grossman (n°58) ; la Chevrolet Corvette de Marie-Claude Beaumont/Henri Greder (n°2).