Peugeot VS Audi : la rivalité qui a marqué une génération
L’affrontement de deux géants. À la fin des années 2000, les fans d’endurance du monde entier ont pu assister au développement d’une rivalité historique : Peugeot contre Audi. Entre batailles rangées, suspense insoutenable et coups de théâtre, voici l’histoire d’une période dorée. Nicolas Minassian, pilote Peugeot Sport de 2007 à 2011 – soit toute la durée du programme français – agrémente ce conte de son témoignage.
Que l'ère du Diesel commence
Nous sommes en 2005. Audi remporte les 24 Heures du Mans pour la cinquième fois depuis 1999. À ce stade, parler de domination n’est en rien démesuré : la R8 connaît un succès tonitruant partout sur le globe, notamment grâce à l’équipe officielle, incarnée par les Allemands de Joest Racing.
Lors de cette saison, Peugeot, deux fois vainqueur en 1992 et 1993, annonce son retour en Sarthe. La marque au lion veut profiter du règlement datant de 2004 pour engager un prototype à moteur diesel capable de triompher. Les 24 Heures du Mans entrent dans une nouvelle ère, en parfaite continuité avec la volonté d’innovation éprouvée depuis la naissance de la course. Prévue pour 2007, la Peugeot 908 HDi FAP prend forme. Audi anticipe aussi le changement qui se profile. En 2006, la marque aux quatre anneaux s’impose avec la R10 TDi, un modèle doté d’un V12 diesel développant pas moins de 650 chevaux : une première dans l’histoire.
Le grand rendez-vous est donné pour 2007, où Peugeot prévoit d’aligner trois modèles disposant aussi d’un V12 turbo diesel à peine plus puissant que la conception d’Audi, à cylindrée égale – 5500cc. Les Allemands répondent avec trois voitures, comme d’habitude. Et étonnamment, la Peugeot 908 HDi FAP est dans le coup. Nicolas Minassian, pilote sur la Peugeot #9, n’était pas surpris : « Nos adversaires étaient beaucoup mieux préparés que nous, mais nous avions une voiture plus performante. » Stéphane Sarrazin est en pole sur la Peugeot #8, mais les qualifications au Mans sont toujours plus indicatives que significatives.
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Une première pas si ratée, mais pas si réussie pour Peugeot.
En course, la réalité rattrape le trio de 908 HDi FAP. Certainement pas ridicules, mais loin derrière au bout d’une journée de compétition. L'Audi #1 remporte cette première manche avec dix tours d’avance sur la Peugeot #8. Nicolas Minassian comme les pontes de Peugeot le savent ; vaincre Audi au Mans s’annonce extrêmement difficile. « Il fallait se battre contre une équipe qui était déjà bien rodée. L’objectif était d’apprendre vite, et comprendre où Audi était plus fort. Les arrêts aux stands, les réparations, l’accessibilité à certains éléments clés – les pneus, la boîte de vitesse – et même, la stratégie, étaient à leur avantage. Aussi, il fallait que nous rattrapions le temps perdu, c’était le plus difficile. »
"Il fallait que nous rattrapions le temps perdu, c’était le plus difficile"
Nicolas Minassian
Le lion sort les griffes
En 2008, la partie s’annonçait plus équilibrée. Dès les qualifications, Stéphane Sarrazin enfonce le clou avec un temps sept secondes plus rapide que son chrono de référence de l’année précédente. Les trois Peugeot marchent mieux qu’en 2007, et cela se vérifie dès le début de course. Les Audi R10 TDI s’accrochent, aucun des deux ne veut lâcher. Après 12 heures d’épreuve, les leaders ont déjà parcouru 200 tours, en route pour battre le record historique de la distance établi en 1971 ! Puis, la pluie vient calmer toutes les ardeurs. Bien plus à l’aise dans ces conditions, les Audi regagnent du terrain à vue d’œil. Au bout du compte, l’Audi R10 TDi l’emporte de nouveau, alors que la première Peugeot 908 HDi FAP termine dans le même tour. « Cette deuxième place faisait mal », confie Nicolas Minassian, effectivement dans la mieux classée des lionnes.
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La pluie pimenta l'édition 2008. Tom Kristensen, sur l'Audi R10 TDI #2 victorieuse, reprenait jusqu'à huit secondes par tour sur la Peugeot de tête.
La marque aux anneaux présente un nouveau prototype pour 2009, cette fois muni d’un V10 diesel, l’Audi R15 TDi. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il connut bien des difficultés. Troisième pole position consécutive pour Stéphane Sarrazin, en grande forme. La course semble aussi échapper au Joest Racing, avec un accident après seulement 100 tours, entre autres difficultés techniques. La R15 TDi #1, en proie à des avaries mécaniques, ne peut contenir l’envolée des Peugeot #8 et #9. Cette dernière, pilotée par Marc Gené, David Brabham et Alexander Wurz s’impose ; la firme Sochalienne réalise un doublé historique. Pour la première fois depuis 2003, Audi est battu !
Aucun pilote français sur une voiture française victorieuse : une première dans l'histoire des 24 Heures du Mans.
Les vaincus ne tardent pas à se remettre au travail. En découle la naissance de l’Audi R15+ TDi, évolution de la précédente. Peugeot a toutes ses chances, c’est certain, mais mécaniciens comme pilotes déchantent au fur et à mesure de l’épreuve. La quatrième pole en quatre ans n’y peut rien – cette fois au crédit de Sébastien Bourdais sur la Peugeot #3. Les trois 908 HDi FAP d’usine cassent leur moteur. Une quatrième, confiée au Team Oreca Matmut, connaît le même sort. En cause ? Des bielles brisées, à chaque fois sur des cylindres différents. Les rivaux n’en demandaient pas tant. Audi réalise un triplé, et mieux, bat le record de la distance (5410,713 km, soit 397 tours du tracé d’alors) avec la R15+ TDI #9 de Mike Rockenfeller, Timo Bernhard et Romain Dumas.
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Quatre moteurs qui partent en fumée. La dernière, celle du Team Oreca Matmut, lâche à 13 h 42 le dimanche.
Une bataille d'anthologie
Puis, finalement, 2011. Les deux marques passent encore un cap, avec l’introduction de deux nouveaux modèles. D’un côté, l’Audi R18 TDi, désormais fermée, et dotée d’un V6 diesel de 540 chevaux. Elle impressionne par son look futuriste. De l’autre, la Peugeot 908, qui perd sa terminologie « HDi FAP », et opte pour un V8 diesel à peine plus gros et annoncé à 550 chevaux. « En 2011, leur nouveau prototype était au moins équivalent au nôtre », raconte Nicolas Minassian, alors qu’auparavant, Peugeot avait l’avantage sur le seul critère de la performance. D’ailleurs, la pole position est pour l’Audi R18 TDi #2, mais moins d’une seconde sépare les six voitures officielles en haut de la feuille de temps.
Peu après le départ, Audi perd la R18 TDi #3 en raison d’une sortie de piste spectaculaire d’Allan McNish après la passerelle Dunlop. Puis, dans la nuit, la marque aux anneaux ne voit plus la R18 TDi #1 passer ; Mike Rockenfeller a subi un accident à son volant entre Mulsanne et Arnage, heureusement sans gravité pour lui. Il reste une Audi, en tête, contre les trois Peugeot. Les acteurs ne se lâchent pas d’une semelle, et après la mi-course, c’est la 908 #9 qui semble la mieux armée pour détrôner son adversaire.
Le scénario s’emballe ; calage dans la voie des stands pour l’un, crevaison lente pour l’autre. Nicolas Minassian, pilote sur la 908 #8, garde un souvenir fort de cette édition. « On était en mode attaque, constamment. C’était pareil pour les deux autres Peugeot 908. Nous étions sur la lame du rasoir à chaque tour. On avait pour mission d’attaquer le plus possible sans casser la voiture. »
"On avait pour mission d’attaquer le plus possible sans casser la voiture"
Nicolas Minassian
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Quatre contre un. La Peugeot 908 HDi FAP du Team Oreca Matmut, plus vieille, termine quatrième à 16 tours.
Mais lui n’a pas pu se joindre directement à la lutte, en raison d’un problème assez particulier : « On a cassé le répartiteur de freins. On a dû s’arrêter pour remettre la bonne balance, la voiture freinait trop de l’arrière. Ça nous a coûté un tour ; avec toutes les voitures de sécurité et la performance resserrée devant, on a jamais pu récupérer le temps perdu. Nous avons terminé troisièmes sans aucun autre soucis, je pense qu’on aurait pu avoir une chance sans ce pépin. »
Le Mans retient son souffle. Après 24 heures d’âpre bataille, Benoît Tréluyer, Marcel Fässler et André Lotterer remportent le double tour d’horloge pour seulement 13 secondes et 854 millièmes sur la R18 TDI #2. Un écart infime sur une distance aussi longue. Malgré la déception, Nicolas Minassian n’a pas perdu son esprit sportif. «C’était dur d’accepter de ne pas gagner, mais c’était une course magnifique. On a quand même remporté le championnat ILMC (Intercontinental Le Mans Cup), mais pas Le Mans, et c’était l’objectif... » De manière générale, il ne tarit pas d’éloges quant à son rival. « On regardait Audi avec beaucoup de respect. C’était un très bel adversaire, et cet esprit était partagé des deux côtés. On s’est fait la guerre, parce que ça reste du sport automobile ; on se battait à tous les niveaux. Mais les pilotes s’entendaient très bien, comme les deux équipes. » De belles paroles qui concluent une rivalité entrée dans les livres.
"On regardait Audi avec beaucoup de respect. C’était un très bel adversaire, et cet esprit était partagé des deux côtés "
Nicolas Minassian
L’ère hybride approchait à grands pas, et Peugeot devait être de la partie avec la 908 HYbrid4. Mais la firme au lion se retira du monde de l’endurance, et laissa ainsi Audi avec un nouvel adversaire électrifié : Toyota, de retour en Sarthe pour 2012. Cette décision conclut une période faste, qui a marqué toute une génération de fans, et qui ne cesse d’émerveiller dix ans plus tard.
La Peugeot 908 a remporté toutes les courses cette année-là, sauf deux. Les 12 Heures de Sebring, glanées par la 908 HDi FAP du Team Oreca Matmut et... les 24 Heures du Mans.
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