Avec 1128 chevaux, la Nissan R90CK détient le record de puissance aux 24 Heures du Mans.

C’est la plus grosse armada japonaise de toute l’histoire : neuf voitures ! Non, pour l’édition 1990, Nissan ne fait pas dans la demi-mesure. A l’avantage numérique, s’ajoute l’orgueil technologique via l’introduction du frein carbone, un progrès toutefois contesté par son besoin d’être constamment maintenu en température. Le problème, insoluble selon certains spécialistes, se dénoue naturellement par l’ajout de deux chicanes dans la ligne droite des Hunaudières. Sollicités régulièrement, les disques ne refroidissent plus autant qu’avant. Nissan le comprend avant les autres.

Ce n’est pas tout. Le jeu nippon compte deux jokers : un mulet (remplaçant) et un châssis « spécial » reconnaissable à ses rétroviseurs blancs en lieu et place des jaunes. Son rôle ? La pôle ! Et si le V8 ne diffère en rien des ses semblables, le blocage de la soupape de pression de turbos (wastegate) change tout !

Personne n’a jamais testé l’auto dans cette configuration ultime. « Nous n’arrivions pas faire fonctionner la mécanique correctement et nous ne savions pas si les pneus durs tiendraient un tour » se souvient Mark Blundell, tiré au sort pour tenter l’aventure. Au soleil couchant, il s’élance vers l’inconnu. Jamais un tour de chauffe n’a si bien porté son nom : la température d’eau entre déjà en zone rouge ! Blundell reçoit l’ordre de revenir immédiatement au garage. Il désobéit, débranche ses écouteurs et prend la direction des Chicanes Ford…

Donné pour 800 chevaux en course, le V8 bi-turbos de 3.5 litres en développe 1128 pour le tour de qualification !	La n°23 de Hasemi-Hoshino-Suzuki, 5ème, sera la mieux classée en course.

Catapultée par 1128 cv, l’auto patine jusqu’à l’entrée de la courbe Dunlop qu’elle aborde en 4ème vitesse ! Malgré les deux nouveaux ralentisseurs, elle atteint 366 km/h dans les Hunaudières... Et contre toute attente, le moteur tient bon jusqu’à la fin du tour bouclé en 3'27". « J’ai reconnecté la radio pour apprendre que nous avions le meilleur temps avec une avance de 6 secondes, se remémore le héros du jour. En rentrant aux stands, il y avait beaucoup de sourires mais aussi quelques grimaces à cause de mon indiscipline. J’étais venu me faire un nom, j’avais réussi. Je regrette quand même nôtre méconnaissance de la voiture et des pneus de qualification. Nous pouvions certainement améliorer notre temps de trois ou quatre secondes. »

C’est l’heure de gloire pour Nissan dont la prestation en course allait s’avérer décevante. Un an plus tard, Mazda deviendrait le premier constructeur japonais à gagner Le Mans, imposant par la même occasion les freins carbone.

Julien HERGAULT / ACO