Importance des arrêts aux stands
Un adage populaire dans le paddock des 24 Heures du Mans dit que "la course se gagne aussi dans les stands". En clair, moins on passe de temps dans les stands, mieux c'est. La nouvelle règle qui entrera en vigueur cette année rebat les cartes en la matière puisque désormais les mécaniciens disposeront de deux pistolets pneumatiques au lieu d'un pour changer les roues et ils pourront intervenir pendant le ravitaillement en carburant, ce qui était interdit jusqu'à présent.
Pourquoi était-ce interdit ?
A la fois pour des raisons de sécurité afin de protéger les mécaniciens en cas d'incendie, mais les équipements ont beaucoup progressé ces dernières années, et pour des raisons techniques pour vérifier que les concurrents ne dépassent pas le nombre autorisé de pneumatiques.
Avant chaque épreuve, une liste de pneumatiques est communiquée aux commissaires par chaque manufacturier. Cette liste contient l’ensemble des références de pneumatiques susceptibles d’être utilisées lors de l’épreuve. Auparavant, à chaque changement de pneumatiques les commissaires devaient lire les codes à barres de chaque pneumatique afin de vérifier la concordance avec les listes transmises. Aujourd'hui, chaque pneumatique contient une puce électronique RFID (Radio Frequency IDentification). Ainsi, grâce à un système de lecture automatique placé en sortie de la voie des stands, les pneumatiques qui équipent chaque voiture qui entre en piste sont connus en temps réel. La concordance avec les listes transmises et le suivi des quantités utilisées sont effectués instantanément.
Nouveauté
Concrètement, jusqu'à cette année, les concurrents avaient tout intérêt à ne pas changer de pneumatiques à chaque arrêt car les mécaniciens devaient attendre la fin du ravitaillement pour effectuer les changements de roue qui étaient d'autant plus coûteux en temps qu'un seul pistolet était toléré. L'évolution du règlement devrait donc aboutir à des arrêts plus courts, plus spectaculaires pour les fans et, selon Pascal Couasnon, Directeur de la Compétition chez Michelin, "on ne devrait plus assister à des quadruples relais en prototypes."
Limitation du nombre de pneus
Toutefois, la multiplication des changements de pneumatiques n'est pas à l'ordre du jour car le règlement sportif impose une limitation du nombre d'enveloppes, selon les catégories (48 pneus en LMP1, 56 en LMP2 et 60 en LMGTE Pro et LMGTE Am), que les concurrents peuvent utiliser pendant l'épreuve, même si les écuries pourraient être tentées par une stratégie différente. "Durant les dernières années, poursuit Pascal Couasnon, nous avons pris l'habitude, notamment en LMP1, de voir les voitures multiplier les relais avec un même train de pneus grâce à la constance de leurs pneumatiques Michelin, avec pour résultat d'utiliser moins de trains de pneus que ne l'autorisait le règlement, qui avait déjà diminuer l'allocation. Cette année, les équipes pourraient avoir une autre approche : déterminer le nombre de relais que fera la course et diviser ce nombre de relais par le nombre de trains de pneus autorisés par le règlement, tout en restant dans les quotas autorisés."
Les stratèges de chaque écurie vont donc se creuser les méninges pour choisir la bonne option au bon moment, comme l'a précisé Pascal Vasselon, Directeur technique de Toyota, lors de la conférence de presse de l'ACO : "c'est le casse-tête pour notre équipe de pit-stops. On a mis en place une équipe de pit-stops qui fait des brainstormings et là, le brainstorming est d'une largeur incroyable parce qu'on peut faire beaucoup de choses pendant le ravitaillement. On est en train de lister tous les scénarii possibles. On les entraîne à tous ces scénarii et pendant nos séances de roulage, on déclenche l'un ou l'autre des scénarii de pit-stop."
Pourquoi ne pas diminuer le nombre de pneumatiques autorisés ?
Tout simplement pour une raison de sécurité. "Nous sommes également arrivés à une limite en ce qui concerne le nombre de pneus attribués pour la course, explique Pascal Couasnon, car en cas de crevaisons répétées, suite à un incident sur la piste, par exemple, utiliser un nombre trop limité de pneus augmenterait le risque sécuritaire pour les équipes."
Malgré l'évolution du règlement, la stratégie devrait encore jouer un rôle crucial lors de la 86e édition des 24 Heures du Mans les 16 et 17 juin prochain, même si l'an dernier Porsche a mis à mal la théorie qui veut qu'une course d'endurance se gagne aussi dans les stands : repartie de la 56e position après l'intervention de plus d'une heure des mécaniciens pour mettre fin à la perte de motricité du train avant, la Porsche 919 Hybrid n°2 s'est imposée…
Photo (D.R. ACO / Nikon) : Les mécaniciens de la Porsche 911 attendent la fin du ravitaillement pour changer les pneumatiques aux 24 Heures du Mans 2017.